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nité, elle s'est persuadée qu'elle éviteroit toutes les critiques, et qu'on n'oseroit pas relever, montrer au doigt son indifférence pour la révolution. Elle se trompe. On admirera beaucoup le courage des sieurs Potel, père et fils, qui ont sauvé la vie à plusieurs personnes qui se noyoient dans la Seine; mais on dira que ces actes commandés par l'humanité, et qui, grace au caractère humain et généreux des Français, sont devenus très-ordinaires, devoient céder, pour ce moment du moins, aux services rendus à la révolution par des hommes ruinés pár la révolution, et aux efforts extraordinaires que quelques citoyens ont faits sur eux-mêmes en faveur du bien public.

Le Moniteur de M. Pankouke nous apprend au reste que c'est à madame Pankouke que les sieurs Potel doivent le prix; c'est elle qui l'a demandé et obtenu à l'unanimité: c'est-à-dire, que sans les diners que M. Pankouke donne aux académiciens, et sans la recommandation de madame Pankouke, les libérateurs des noyés n'auroient eu d'autre récompense que l'estime de leurs voisins, qui, certes, vaut beaucoup mieux que la médaille de l'académie.

Ce n'est pas tout. L'académie n'ayant qu'une médaille à donner à la recommandation de madame Pankouke, qui avoit recommandé deux personnes, l'académie auroit été forcé de partager le prix, si la reine n'eût donné cinquante louis pour doubler le prix de vertu.

Le Moniteur de M. Pankouke ne nous dit pas si c'est à la recommandation de madame Pankouke que la reine s'est portée à cet acte de bienfaisance; il se contente de nous le donner à penser, en nous présentant l'académie, madame Pankouke et la reine comme un trio digne de toute notre admiration.

Cependant le prix de vertu étoit disputé aux sieurs Potel par niademoiselle Tellier, qui pendant dix-sept ans a servi sa mère attaquée d'une infirmité

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horrible et dégoûtante, avec une patience, une sérénité, une tendresse qui ne se sont pas démenties un seul instant. Elle avoit quité son état d'ouvrière en linge où elle eût pu faire une petite fortune, pour se livrer exclusivement aux devoirs de Ja piéte filiale: sa mère vient de mourir à quatrevingt cinq ans.

Peut-être trouvera-t-on qu'un effort de vertu qui a duré dix sept ans devoit l'emporter sur l'acte d'humanité des sieurs Potel, acte qui ne suppose même pas un cœur décidément vertueux; mais mademoiselle Tellier n'avoit pas la protection de madame Pankouke et de l'Encyclopédie (1) auprès de l'académie française.

Erfin, le prix d'encouragement a été redonné au sieur de Saint-Ange; traducteur en vers des métamorphoses d'Ovide; et pour prouver combien il méritoit ce prix, M. de Saint Ange a fait insérer dans le dernir numéro du mercure Puukouke, morceau de sa traduction.

, Céphale dit de Procris:

Je fais son bonheur, et fus heureux par elle...
Fuis revenue à soi, s'écrie: Infortunée!

Sous quel astre perfide, ô ciel! suis-je donc née!.......
Je sers, cours dans les bois, et las d'un long carnage,
J'invoque, assis au frais, l'air doux qui me soel ge...
.. Un rameau qui frémit à l'écart
Là m'annonce une proie, et j'y lance mon dard....... . .
Et ses derniers soupirs, sur ses lèvres errans,

un

(1) Nous remettons depuis long-temps de donner un article sur cette Encyclopédie par ordre des matières, ouvrage bien méprisé depuis la révolu tion, mais non pas autant qu'il le mérite. Nous démontrerons que cet ouvrage, fait pour l'ancien régime, ne peut pas convenir aux jours de la liberté et de la verité.

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Semblent pour son époux exhaler sa belle ame:
Elle meurt, mais du moins ellc emporte ma flâme...

Il falloit donner le prix d'encouragement à M. de
Saint Ange, pour subsister, s'il en a besoin, mais
non pas pour continuer une si pitoyable traduc-
tion; c'est se jouer de l'intention du fondateur.

Au reste, le prix de poésie a été remis faute de
sujets; celui d'éloquence, pour l'éloge de Vauban,
a été donné à M. Noel, professeur au collége
de Louis-le-Grand. L'académie a annoncé pour
l'année prochaine les prix suivans. Un prix de ·
poésie, dont le sujet et le genre sont au choix
des auteurs. Un prix d'éloquence, dont le sujet
est l'éloge de Benjamin Franklin. Un prix de
1200 livres, donné par l'abbé Raynal, pour le
meilleur discours historique sur le caractère et la
politique de Louis XI. Un prix de 2400 livres pont
le meilleur discours sur cette question: Quelle
a été l'influence de la découverte de l'Amérique
sur les mœurs, la politique et le commerce de
l'Europe? Un autre prix de 1200 livres pour l'éloge
de J. J. Rousseau,

En proposant l'éloge de Jean Jacques, qu'elle n'a point eu l'honneur de posséder dans son sein, et celui de Benjamin Franklin, dont elle n'a jamais professé les maximes, l'académie s'est flattée d'en imposer sur ses dispositions anti-révolutionnaires, et de donner à croire qu'elle pourroit un jour devenir utile à la liberté. La nation et ses représentans se préserveront de ce piége, ou bien toutes les corporations ministérielles qui craignent leur destruction, auront le droit de demander, de présenter leur nouvelle constitution. Il n'y a jamais eu à Sparte, à Athènes, à Rome, de corps lettrésreconnus par la loi. Les vrais gens de lettres sont les défenseurs de la liberté. Les corps lettrés n'ont jamais servi que le despotisme, l'aristocratie et les intrigues de ceux qui veulent égarer l'opinion publique.

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Tableau pittoresque de la Suisse, par DE LANGLE, auteur du voyage en Espagne. Brochure in-8°. de 108 pages, rue Jacob, no. 28. A Paris, 1790.

« J'ai écrit, dit l'auteur, sans suite, sans ordre, tantôt à l'ombre d'un arbre, tantôt au bord d'un ruisseau. Je n'eus jamais l'orgueilleuse et bizarre pensée de faire un livre sur la Suisse ». Des idées philosophiques, mêlées à des tableaux animés, voilà le mérite de cet ouvrage. « Basle a été fortifiée, ses remparts tombent; on les laisse tomber. Tant mieux. Des pont-levis, des bastions, des habits courts, de grands bonnets attristent l'ame, compriment la potrine, gênent la respiration, jetent dans l'esprit des idées couleur de sang. Le cœur se resserre, occupe moins de place à l'entrée d'une ville fermée. Salut aux remparts qui s'écroulent, salut aux villes ouvertes. ...». Pour peu qu'on reste en Suisse, on s'apperçoit vite à quel point l'esprit républicain à dégénéré. ... Les républicains de Basle et de Berne, etc. préférent la pipe à la politique, les quilles aux harangues, le verré aux nouvelles..... Qu'on en fasse la comparaison, il en est des tigres et des lions à peu près comme des grands. On les craint. Ils sont grands, parce que nous les fuyons, et que nous sommes à genoux..'. Avançons..... Fixons-les..... Levons-nous.

Il faut lire, pages 64 et suivantes, la description d'une fête nationale et patriotique qui se célèbre tous les ans à Arth, canton de Schweitz, en l'honneur de Guillaume Tell: elle nous fera comprendre combien notre grande fédération du 14 juillet étoit mesquine, et loin d'atteindre son but. Tout homme qui en la lisant n'éprouvera pas la profonde émotion qu'elle fait éprouver aux Suisses des montagnes, n'est n'est pas né pour la liberté.

ASSEMBLÉE

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du lundi 16 août 1790.

Des juges arbitres.

ARTICLE PREMIER. « L'arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourront faire aucunes dispositions qui tendroient à diminuer, soit la faveur, soit l'efficacité des compromis.

II. « Toutes personnes ayant le libre exercice de leurs droits et de leurs actions, pourront nommer un ou plusieurs arbitres, pour prononcer sur leurs intérêts privés, dans tous les cas et en toutes les matières, sans exception.

III. « Les compromis qui ne fixeront aucun délai, dans lequel les arbitres devront prononcer, et ceux dont le délai sera expiré, seront néanmoins valables, et auront leur exécution, jusqu'à ce qu'une des parties ait fait signifier aux arbitres qu'elle ne veut plus tenir à l'arbitrage.

IV. « Il ne sera point permis d'appeler des sentences arbitrales, à moins que les parties ne se soient expressément réservé, par le compromis, la faculté d'appeler.

V. « Les parties qui conviendront de se réserver l'appel, seront tenues de convenir également, par le compromis d'un tribunal, entre tous ceux du royaume auquel l'appel sera déféré, faute de quoi l'appel ne sera pas reçu.

VI. « Les sentences arbitrales, dont il n'y aura pas d'appel, seront rendues exécutoires par une simple ordonnance du juge du district, qui sera tenu de la don ner an bas ou en marge de l'expédition qui lui sera présentée ».

Articles additionnels.

< Dans le cas où un juge de paix sera valablement empêché, il sera remplacé par un assesseur. N. 69.

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