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taillons, le samedi à 11 heures. Là, il a expliqué comme président, qu'il seroit à propos de voter des remercimens aux gardes nationales qui étoient avec son ami Bouillé au glorieux siége de Nancy, eto. Il a ajouté, d'un air caressant, que c'étoit son [opinion et son vou. Est-ce présider que de donner son vœu avant celui de l'assemblée ?

Plusieurs députés ont pris la parole, et ont dit qu'il y avoit lieu de suspecter la relation ministé rielle; d'autres, qu'il falloit éviter de mortifier les troupes de ligne; enfin, qu'il falloit ajourner et en référer aux bataillons. Ce dernier parti a été adopté, et la séance des députés est renvoyée à mardi 7.

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Sans doute qu'il se trouvera dans les bataillon's des citoyens assez éclairés pour observer que l'assemblée nationale ayant voté des remercimens à ces soldats citoyens, il n'est plus possible de délibérer sur ce sujet. Pour délibérer, il faut pouvoir voter par oui ou par non. Or, la garde parisienne ne peut pas décider qu'il n'y a pas lieu à remerciment; car alors elle se trouveroit en contradiction avec le corps législatif. Le veu de l'armée étant donc nécessairement forcé, si elle délibère, il 's'ensuit qu'elle ne doit pas délibérer.

Ensuite, les remercimens de l'armée parisienne n'ajouteroient rien à ceux du corps législatif, qui sont censés représenter les remercimens, non-sculement de la garde parisienne, mais de tous les Parisiens, mais de tous les Français.

Enfin, si des bataillons sont de l'avis du remerciment, et que d'autres ne soient pas de cet avis, comment feroit-on pour concilier cette différance d'avis? Citoyens, l'on vous tend des pièges: ce qu'on vous demande ne peut produire aucun bien; il en peut résultor bien du mal. Pleurons sur Paffaire de Nancy, elle fait la joie des ennemis de la révolution, c'est vous en dire assez.

LITTÉRATURE,

LITTÉRATURE.

Séance de l'académie française, du 25 août

1790.

L'académie française existe encore: cet avis est pour les badauds des ci-devant provinces; car les Parisiens avoient tellement conspué, même avant la révolution, cette petite cohorte aristocratique, qu'il faudroit tout au moins un décret de l'assemblée nationale pour les obliger à croire qu'elle n'a pas été enterrée avec la Sorbonne et le parle

ment.

Ils ne le croyent pas, même malgré un décret. Le complaisant M. le Brun n'a-t-il pas fait allouer des jetons à MM. les quarante? Ne les a-t-on pas autorisés à proposer pour leurs corps une consti. tution particulière?

En principe, toute constitution particulière ne peut se faire qu'aux dépens de la constitution publique. Une constitution particulière crée nécessairement un esprit de corps; et une bonne constitution ne crée, ne souffre que l'esprit public. L'assemblée a reconnu ce principe, elle lui a rendu hommage par divers décrets : elle a anéanti le corps du clergé; elle a aboli les constitutions des provinces; elle a défendu aux citoyens de s'assembler par corporations; elle a tout fait enfin pour éviter de laisser imperium in imperio; et voilà que tout à coup elle reconnoît que la corporation la plus funeste à la liberté aura sa constitution propre! Que de bassesses académiques! que de plates flagornerics en vers et en prose; que de promesses faites aux ministériels, pour faire proposer et faire passer un décret si contraire aux vues générales de la constitution et au bien public!

N°. 60.

D

Dès la naissance de l'académie française, Corneille nous parla de liberté; il nous montra les Romains sur la scène, beaucoup moins grands, quoiqu'on dise, qu'ils n'étoient en effet. Le ministre d'alors persécuta Corneille, parce qu'il ne put le séduire. Le mauvais succès de cette marche porta Louis XIV à suivre une marche contraire. I accapara, à force de présens, de pensions et de cajoleries, les plus grands génies de son siècle; il leur permit de le louer, de louer tous les crimes, et jamais la liberté.

lancèrent

Racine, Despréaux, Bossuet ne quelques traits vigoureux aux vices et aux, abus que pour se faire craindre, pour se faire gagner par le pouvoir exécutif d'alors. Le seul La Fontaine comme autrefois Brutus, jouant la bête pour être libre, semoit dans ses sublimes fables la haine des tyrans. Ses loups et ses lions sont presque toujours des rois. Eh! qui pourroit oublier que dans ses animaux malades de la peste, il fait dire à un roi par un courtisan:

Sire. . . vous êtes trop bon roi ;

Vos scrupules font voir trop de délicatesse.

Eh bien, manger moutons, CANAILLE, sotte espèce,
Est-ce un péché? Non, non, vous leur fites, seigneur,
En les croquant, beaucoup d'honneur.

La Fontaine fut de l'académie française; c'est la seule tache qui obscurcisse sa mémoire.

Mais ses leçons de liberté devoient germer d'autant moins, que l'on pensa long-temps que ses fables étoient le livre des enfans; et cependant les trente-neuf autres académiciens tiroient en sens contraire, pour gagner les jetons du pouvoir exécutif. Ils abrutissoient leurs concitoyens par les louanges de Louis XIV; ils leur faisoient aimer la servitude; ils pervertissoient, en faveur de leur

héros, de leur conquérant, de leur dieu, de leur Jupiter en peinture, les idées les plus saines de la jeunesse ; et l'éclat de leur réputation, leur fortune, leur crédit à la cour, dégoûtoient, désespéroient, étouffoient les talens qui auroient pu produire cent ans plutôt le contrat social.

,

Enfin, Louis XIV, qui, à force d'étude, d'esprit et de règne, acquit de profondes connoissances en tyrannie se déclara PROTECTEUR de l'académie française. Ce seul fait eût suffi ou dù suffire à l'assemblée nationale pour achever d'éteindre les académies, si les législateurs n'eussent pas cru cette discussion au-dessous de leurs efforts.

Cependant la conduite de l'académie française ne laissoit pas douter qu'elle ne fût un levier du despotisme, ou un foyer d'aristocratie. Les litté tateurs, si honteusement pensionnés, qu'ont-ils produit pour la défense du peuple, quand tous ses droits étoient attaqués et foulés aux pieds? Secondèrent-ils la double représentation, eux qui s'étoient déclarés les apologistes de la vertu, les distributeurs des couronnes littéraires et civiques? les a-t-on vus décerner le prix de vertu aux héros de la bastille, aux premiers électeurs de Paris, à quelque homme utile à la révolution? Les lâches, ils n'ont une voix que pour célébrer l'esclavage (1)!

(1) J'espère que M. Bailly le maire voudra bien ne pas se mêler de ces discussions avec les trenteneuf confrères de M. Bailly l'académicien, et qu'il me sera permis, lorsqu'ils présenteront leur constitution, de démontrer que l'existence des académies est contraire à la liberté et à plusieurs décrets constitutionnels de l'assemblée nationale. Les 40° ne sont pas tenus d'avoir de la logique, et certes, ils ne répondront pas. Faire des phrases et intriguer, voilà leur lot.

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Leur dernière séance, du 25 août, mettra le comble au juste mépris qu'on avoit pour eux, et linira peut-être par désabuser ceux de nos frères des départemens qui se sont persuadés, on ne sait pourquoi, qu'on ne pouvoit pas être sot et académicien.

Le prix d'utilité a été accordé à un ouvrage sur les loix penales de M. de Pastoret, académicien de je ne sais quelle académie. Une compilation peut quelquefois être un ouvrage supportable; mais certes, le fondateur du prix d'utilité a entendu qu'il seroit donné à quelque ouvrage, ou neuf, ou capable de produire un grand effet. M. de Pastorer a répété et ressassé tout ce qui a été dit et écrit depuis 20 ans sur les loix pénales; ce n'étoit pas une chose fort utile; inais ce qui est fort inutile, fort dangereux, c'est que M. de Pastoret affirme qu'on peut, en certains cas, donner la mort comme peine; cette erreur, couronnée par l'académie française, coûtera la vie à plus de mille accusés, coupables ou innocens. Sit sanguis eorum super eos. M, de Pastoret a prouvé que Ton ponvoit tuer le citoyen séditieux, c'est à-dire, qu'il pouvoit y avoir des guerres, ou simplement des escarmouches civiles, et c'est ce qui l'a fait conclure pour la peine de mort, tandis qu'il en faut conclure le contraire (1,

Le prix de vertu n'a pas été distribué avec plus d'intelligence, La révolution a sans doute produit de grands traits de vertu, de cette vertu qu'il importe si fort de propager si nous voulons être libres. Si l'académie eût voulu agir dans ce sens, elle cût affecté la couronne à quelques-uns de ces actes de dévoùment et de patriotisme qui ont illustré presque tous les coins de la France depuis un an. En couronnant un acte touchant d'huma

(1) Voyez no. 24,

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