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levèrent, et que le scellé étoit sain et entier lorsqu'elle lui a été rapportée.

Les griefs principaux qu'ils ont allégués contre leurs officiers ont été; 1o. un anti-patriotisme capable d'altérer la tranquillité des soldats sur leur propre sureté; 2°. la formation d'une compagnie de maîtres en fait d'armes qui avoient la mission d'attaquer tantôt la garde nationale, tantôt les soldats patriotes du régiment, ou du reste de la garnison, dans l'objet de semer la division entre tous ces corps.

Entre autres faits, ils ont dû citer qu'un de ces spadassins ayant été trouvé provoquant des gardes nationaux, avoit été arrêté par des soldats du rẻgiment qui avoit demandé sa punition; qu'il avoit été mis au cachot pour un mois et que pendant ce mois il avoit été pris en habit bourgeois provoquant des soldats. Sur une réquisition unanime, il a été chassé du corps.

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Le projet de jeter le désordre entre des corps qui avoient juré de demeurer unis pour la défense de la constitution avoit tellement réussi que soixante hommes par compagnie, c'est-à-dire, près de 1500 hommes, étoient à la veille de se battre contre un pareil nombre des autres corps, si un soldat ne se fût jeté au milieu des deux partis, en leur demandant de fixer le motif de Ja querelle, ce dont aucun, de part ni d'autre, ne put venir à bout (1). Les députés ont demandé

(1) Les députés n'ont pas vraisemblablement rendu compte des vexations particulières qui n'ont pas laissé d'influer sur le général. Par exemple, on nous a attesté que le chien d'un soldat ayant mordu à la patte le chien du colonel, on avoit fait tuer le chien du soldat devant lui, et qu'on avoit mis ensuite le soldat en prison pour un mois. Nous invitons les trois comités à vérifier ce fait.

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des commissaires pour informer sur ces faits qu'ils ont garantis sur leur tête.

Deux de ces soldats députés sont repartis après cette déclaration, avec un officier de la garde nationale parisienne, pour aller porter à leur corps le récit vrai de leur arrestation, et des avis sur la conduite modérée qu'il devoit tenir.

Mais déjà, par la médiation de la garde nationale,' les soldats et les officiers s'étoient rapprochés. Le régiment avoit compris le décret du 6 août, et avoit promis la plus parfaite soumission à la loi. Sa déclaration du 20 porte expressément qu'ayant reçu une députation de la garde nationale de Nancy, les soldats, d'après ses observations, supplient l'assemblée nationale, le roi et leurs chefs, d'oublier les fautes qu'ils ont pu commettre, et qu'ils demandent indulgence pour eux et leurs députés. Honneur, mille fois honneur à ce brave régiment! Il a rempli son devoir; c'est maintenant à l'assemblée nationale et au roi à remplir le leur. L'assemblée, en faisant iaformer, par des commissaires épurés par voie de récusation, contre ces chefs prévaricateurs, qui ont tout tenté pour porter la garnison et la garde nationale à s'entregorger; le roi, en suspendant ceux de ces chefs qui, par leur mépris ouvert pour les décrets de l'assemblée nationale, par leurs éternels sarcasmes contre la révolution, ont aigri l'esprit des soldats. Ils ont promis obéissance et respect à ces chefs; mais ils ne leur ont point pardonné leurs menées, et il n'étoit pas en leur pouvoir de les leur pardonner; puisque ce sont des crimes de lese-nation. L'opinion publique, le salut de l'état, le maintien de la discipline dans l'armée, et mène la noble son, mission du régiment, exigent que l'on fasse le procès à ces chefs prévaricateurs.

Il en sera de même, il faut l'espérer, pour le régiment de Royal Champagne, le premier qui ait fait un pacte fédératif avec la garde natio

nale d'Hesdin, et qui pour cela même a été peint par des officiers de ce régiment sous les couleurs les plus fausses à l'assemblée nationale.

Il y eut le premier août une fête donnée par les officiers à la garde nationale, qui atteste qu'ils affectèrent dans leurs discours et leurs chansons des sentimens opposés à la révolution. Le soir les soldats se permirent une gaité militaire qui piqua les officiers, dont le vrai grief étoit que le régiment refusoit de recevoir pour officier le nommé Odile, un de ces valets flatteurs que les officiers élèvent à eux, parce qu'ils prêchent l'aristocratie dans les chambres, et qu'ils espionnent ce qui s'y passe. Quoique le refus du régiment fùt fondé sur un décret de l'assemblée nationale, les officiers menacèrent le régiment de le faire casser. En effet, un brigand, nommé Fournés, colonel de ce régiment, eut l'exécrable témérité d'écrire à Hesdin, que le 5 du mois l'assemblée rendroit un décret qui casseroit le régiment; aussi-tôt la municipalité mande des détachemens des garnisons voisines; on cloue les ponts, on braque des canops, la mèche est aliumée; enfin on fait tout ce qu'il falloit pour irriter Royal - Champagne, pour lui faire craindre pour sa sureté, pour lui faire commettre un acte de désespoir.

Au lieu du décret si criminellement annoncé par Fournés, l'assemblée trompée improuva la conduite de quelques membres du régiment, et la lettre sanguinaire de Fournés demeura sans effet. Aussi-tôt que le décret d'improbation fut connu̸ du régiment, il députa denx sous-officiers qui sont venus présenter un mémoire appuyé par une adresse de la garde nationale d'Hesdin. Ils demandent, comme le régiment du Roi, une information par des commissaires non suspects pour constater leur conduite et celle de leurs chefs.

Les officiers oat senti qu'ils étoient perdus, et

que

leur infame collusion avec le ministre alloit être mise au grand jour. Qu'ont-ils fait? Ils ont extorqué de la majorité aristocrate du comité militaire un avis, portant que le décret du 6 août n'empêche point le ministre de faire expédier des cartouches blanches aux soldats qu'il croira à propos de chasser des régimens. Alors la Tour-duPin livra des cartouches blanches aux officiers, qui coururent les distribuer aux adjudans, sousofficiers et soldats, leurs parties adverses, à ceux qui avoient intérêt à les dévoiler, et qui étoient en état de le faire; et, ce qui est incroyable, c'est que ces cartouches sont de véritables lettres de cachet, puisqu'elles ordonnent à ces citoyens de se rendre dans leur pays sans s'écarter de leur route.

Une vingtaine de ces infortunés se sont rendus à Paris; la section de Saint Jacques-de-l'Hôpital les a accueillis et logés. Ils demandent leur état ou la mort Quelle sublime pétition !

Le spectacle de l'innocence opprimée et de la scélératesse triomphante, comme sous le Noir et Breteuil, est si déchirant pour un cœur patriote que, sans le projet formé par les noirs de faire perdre toute considération à l'assemblée nationale, nous nous serions livrés à l'examen du décret d'improbation rendu le 7 août; mais nous aurions si fort raison, que cette discussion pourroit servir le projet des noirs. Nous nous bornons en conséquence à quelques réflexions nues.

Les procès verbaux de la municipalité d'Hesdin sont nuls, parce qu'ils n'ont pas été faits, les soldats appelés, et mis à portée d'établir leurs dires et motifs; or la loi ne reconnoît valides que les verbaux, faits parties présentes ou dúment appelées. Ces verbaux sont démentis par l'adresse de la garde nationale d'Hesdin. L'improbation est une peine, le décret qui la prononce un jugement: or, ce décret-jugement a été rendu,

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sans que les accusés condamnés ayent été enten dus; donc ils ont la voie de l'opposition légale contre ce jugement par défaut. La lettre de Fournés avoit évidemment pour but de préparer une guerre civile, et a en effet compromis la sureté du régiment, celle de la ville d'Hesdin: donc il faut faire le procès à ce Fournés qui n'a pas désavoué cette lettre. Les cartouches blanches ne servent qu'à remplacer les cartouches jaunes qui se distribuoient avant le 6 août, dans l'objet de chasser des régimens les meilleurs patriotes: donc le ministre la Tour-du-Pin est répréhensible. Les cartouches sont apostillées d'une lettre de cachet; donc ce ministre est coupable, et doit être provisoirement suspendu, puis jugé et puni. Le ministre ne peut avoir distribué ces cartouches que sur l'avis des officiers; donc ceux-ci ont été juges dans leur propre cause, et qu'ils ont expulsé du régiment ce qu'il y avoit de meilleur pour la patrie, et de plus redoutable pour eux. L'assembléo a décidé, il y a quelques jours, que M. de Moreton n'avoit pu être dépouillé de son état, (colonel du régiment de la Fère), sans être jugé; donc les adjudans, sous-officiers et soldats, n'ont pa l'être sans être jugés. Enfin, les soldats expulsés demandent des commissaires non suspects, leur état ou le supplice; donc il faut nommer sur le champ des commissaires qui puissent légalement fixer l'assemblée sur des faits, présentés si différemment par la municipalité et par la garde nationale d'Hesdin.

Oh! quel commentaire les ames énergiques pourroient faire sur ces données, sur ces conséquences! Représentans de la nation, håtez-vous de les prévenir; osez remplir tous vos devoirs. Osez être justes; je vous dénonce ici de grands crimes et de grands criminels. Frappez! frappez ! sauvez

l'état !

Diverses lettres annoncent que les régimens de

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