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désigna un village aux environs de Paris, où je pourrois vivre ignoré. Il me conduisit à deux lieues au-dessus d'Athis, sur la gauche ».

« Je ne restai pas une demi-heure dans une maison où je ne connoissois personne. Il me ramena à Paris, et voulut me descendre au premier endroit que je lui indiquerois. Je le suppliai de ne pas m'abandonner. Je n'avois rien mangé depuis longtemps. Malgré sa répugnance, vaincu par mes prières, ou plutôt par mes importunités, il me reconduisit chez lui. J'y passai plusieurs jours. Je fus ensuite chez un citoyen généreux et sensible, chez M. Foucault, membre de l'assemblée nationale (1) ».

« Je restai plusieurs jours chez M. Foucault. Je n'y reçus aucune autre visite que celle de M. l'abbé Barmond, qui vint me voir une seule fois. La bellesœur de M. l'abbé Barmond vint me prendre dans cet asyle, et me conduisit vieille rue du Temple, n°. 15, chez M. l'abbé Barmond. Deux jours après rous partimes. Nous primes M. Eggs chez M. l'abbé · Aymard, rue Culture-Sainte Catherine. Je voulois alier à Strasbourg: mon projet étoit de traverser l'Allemagne pour déguiser ma route, et revenir dans ma famille. Ces faits ont été découverts par la déclaration de M. Guichard, domestique de M. l'abbé Perrotin, et par celle de M. J. B. Thury,' maitre fondeur, qui dit tenir, de M. Eymard, domes

(1) Lors de la lecture de cet article du rapport, le sieur Foucault s'est écrié : « Oui, Messieurs, je m'empare de l'accusation ».

Si le sieur Foucault croyoit avoir fait une bonne action, pourquoi ne s'en est-il donc pas vanté quand l'abbé de Barmond a paru à la barre. S'il croit au contraire qu'il a commis un délit, pourquoi a-t-il fait l'enthousiaste lors du rapport du comité. Ces gens-là voudroient nous faire prendre leurs bassesses pour de belles actions, en les couvrant d'un peu de charlatanerie chevaleresque.

tique de M. Foucault, les faits suivans: «Il a VW arriver, le 20 juillet, chez son maître et avec lui, un inconnu qui fut logé à l'entresol; deux autres inconnus vinrent le voir, ainsi que M. l'abbé Perrotin. M. Eymard servoit cet inconnu, auquel il aida à démarquer son linge et à se teindre les cheveux, la figure et la poitrine ».

On se rappelle que l'esclave qui découvrit la conjuration formée par les enfans de Brutus fut élevé au rang de citoyen romain. Je voudrois que le brave M. Guichard fût déclaré citoyen actif malgré l'état de domesticité. Cette distinction lui est due, et elle ne laisseroit pas d'être utile chez un peuple où la perversité des moeurs doit faire craindre que l'acte de patriotisme de M. Guichard ne soit pas apperçu, par beaucoup de gens, sous son vrai point de vue. Un domestique doit sans doute à son maître discrétion et fidélité; mais avant d'être bon domestique, il faut être bon citoyen, et la fidélité due à la nation est la seule qu'il faille observer, lorsqu'elle se trouve en contradiction avec l'autre. M. Guichard n'a point mis en balance les intérêts de la nation avec ceux de M. Barmond, ni même avec les siens; ear il eût pu vendre fort oher son silence à la famille Barmond, au ministre Guignard, à tout le parti noir et à la cour; mais il a préféré le bien de la patrie au sien propre. C'est à la patrie à s'acquitter envers lui, et à faire germer par ce moyen le patriotisme dans une classe vouée jusqu'à présent à la plus coupable obéissance, comme aux plus cruelles humiliations.

Combien son maître est vil et petit à côté de lui! Il paroît à la barre pour exposer son amẹ toute entière. Il se représente comme un homm sensible qui n'a fait que laisser sa voiture ouverte pour que Bonne Savardin pùt y recourir. Ah! s'il se fut cru innocent, s'il ne se fût senti coupable que d'une imprudence, il auroit avoué toutes dep

démarches qu'il a faites pour cacher et enlever cet accusé on ne cache pas une grande partie de ce dont on s'honore. L'abbé de Barmond a donc joint à un crime très grave (Tenlèvement d'un prévenu de crime de lèse-nation) une hyppocrisie Thumanité, une bassesse d'ame qui fait présumer qu'il peut être plus coupable encore qu'il ne le pareit. Le décret par lequel l'assemblée déclare qu'il y a lieu à inculpation contre lui peut rompre les fils de la trame ourdie contre la liberté et la constitution, si l'on veut prendre la peine de les suivre.

Je répéterai ce que j'ai déjà dit; le moment le plus terrible pour un peuple, c'est celui où il se donne une constitution. Il ne faut pas plus raisonner d'un peuple qui se constitue, à un peuple constitué, que d'un malade à un homme sain. Le même régime, les mêmes moyen, ne leur conviennent pa. Il suffit pour un peuple qui se constitue qu'un ministre soit suspect, pour qu'on le suspende de ses fonctions; chez un peuple constitué, il faudroit des preuves complètes, et un jugement pour expulser un ministre de sa place. Et dans ce moment, pendant que les aristocrates de tous les départemens se coalisent, qu'on chasse les meilfeurs soldats, et qu'on débauche les autres, que les puissances étrangères font des armemens considérables, nous laissons à la tête de nos affaires les plus importantes un Saint-Priest, un homme vieilli dans les roueries d'une intendance, et dans les sanguinaires combinaisons de la politique ottomane, et qui, depuis l'arrivée du régiment de Flandre à Versailles jusqu'à ce jour, n'a jamais eu que l'attitude d'un conspirateur. Quand il n'y auroit pas assez de preuves pour le faire condamner dans les tribunaux, il y en a plus qu'il n'en faut pour convaincre, comme citoyen, celui qui douteroit comme magistrat; et c'est assez dans la position où nous nous trouvons pour le suspendre

du

du ministère, et pour le mettre en état d'arrestation. Si l'assemblée nationale tarde eucore à prendre ce parti, elle joue le salut de l'état à pair ou non et les têtes des députés patriotes tomberont sous le superbe damas que Saint-Priest a apporté de Constantinople.

Il est impossible de répondre à ce dilemme: ou Saint Priest est coupable de conspiration, ou il est innocent; s'il est coupable, il doit se hater de faire éclorre la conspiration pour éviter un jugement. S'il est innocent, nous serons à temps de reconnoltre son innocence quand le danger public sera passé. Entre compromettre la réputation d'un particulier et compromettre le salut public, il faut être fou, sot qu scélérat pour balancer.

. L'abbé de Barmond, Foucault, Bonne Savardia, ne sont que des criminels méprisables, des conspirateurs sans conséquence, des enfans perdus; c'est contre des têtes plus élevées que l'assemblée nationale doit se mettre en garde; elle regrettera trop tard de n'avoir pas pris des précautions qui, fussent elles injustes, sont suffisamment autorisées par cette belle loi le salut du peuple est la supréme loi.

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On calomnioit les régimens auprès de l'assemblée nationale et du roi, et le ministre, de la guerre, absolument livré aux insinuations des corps d'officiers, appuyoit, renforçoit les calomnies. C'étoit un coup monté; on vouloit extorquer à l'assemblée nationale quelque décret bien dur et bien injuste, qui révoltât des patriotes peu éclairés, et qui les portát, non pas à des insurrections, mais à des révoltes qui devinssent le signal de la guerre civile. Quelques faits bien connus jettent un grand jour sur l'affaire des régimens. No. 59: **D

Les dix députés du régiment du roi que MM. la Fayette et Bailly n'ont pas craint de faire arrêter sur la lettre de cachet lancée par M. la Tour-du-Pin, étoient porteurs de congés en bonne forme; ils étoient chargés de venir réclamer justice à l'assemblée nationale, et de rester en Stage auprès d'elle. Leur arrestation, sans décret de l'assemblée, étoit donc une atrocité, une lâcheté, un abus du pouvoir et de la force.

Dès que le comité militaire de l'assemblée nationale en fut instruit, il les réclama, et demanda qu'ils fussent logés aux invalides. Les trois comités militaire, des rapports et des recherches (1) se rendirent le lendemain vers ces soldats pour recevoir leur déclaration. Ils étoient séparés les uns des autres; les comités décidèrent que nulle autorité n'avoit pu les isoler ainsi, et qu'ils devoient se présenter ensemble ou séparément, -à leur gré, pour remplir leur mission. On les entendit: un d'eux porta la parole en présence des autres, qui l'aidoient ou le relevoient sur des circonstances accessoires.

Après avoir reconnu qu'ils s'étoient écartés sur quelques points de discipline, ils repoussèrent l'accusation d'avoir pillé la caisse, par ce fait: que le scellé du trésorier fut mis dessus lorsqu'ils l'en

(1) La réunion de plusieurs comités pour un même objet est peut-être le moyen le plus sage que l'assemblée ait encore employé pour avoir des rapports vrais sur certains objets. Il y a un esprit de corps bientôt formé dans un comité, selon les hommes qui y forment la majorité; l'esprit d'un ou deux autres comités neutralise une aussi funeste disposition. Il n'y a peut-être que la réunion constante et de bonne foi des trois comités militaire, des recherches et des rapports, qui puisse sauver l'armée. Aussi verra-t-on. bientôt agir les ministériels pour les faire disjoindre, ou pour jeter la division entre eux, Avis aux députés patriotes.

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