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dans le mouvement universel de nos ports (1)!

Sans doute les créanciers de l'état ne peuvent pas se payer de ces raisons; il vaudroit mieux que les fonds passassent entre leurs mains. Je le crois, mais en général ils sont riches; et certes, nous avons assez de biens nationaux pour faire face à leurs créances, après les frais de l'armement prélevés.

Mais la cour et le ministère sauront prélever sur les préparatifs des sommes qui pourront servir à séduire l'armée, à captiver la classe pauvre du peuple: je ne le nie pas; mais ce n'est pas le décret du 27 août qui lui donne cette dangereuse Faculté, c'est le décret sur la guerre et sur la paix. Au reste, il n'est pas décrété que les directoires, de départemens et de districts ne pourront pas inspecter les préparatifs et assister aux marchés : donc il est possible de prévenir une partie de cet inconvénient.

Mais les colonies abhorrent le ministre de la marine. L'armée n'a plus confiance en la Tour-duPin. La nation demande la de titution de Guignard: elle connoît enfin Necker. Le commandant de notre escadre est un aristocrate; ses principaux officiers seront pris dans la marine aristocrate. Que faire quand on est forcé de redouter ses chefs? L'objection est bonne, mais elle ne prouve rien contre le décret d'alliance avec l'Espagne.

(1) L'ouvrier français change difficilement de pro fession. Il aime mieux crever de misère quand il n'a pas d'ouvrage; c'est une sottise. Proposez à un ébéniste d'aller travailler à un vaisseau, il sera révolté. Cependant on ne fera plus faire tant de meubles délicats. Allez donc vous livrer à des travaux grossiers, mais utiles; en peu de jours vous serez aussi habile que celui qui n'a fait que cet ouvrage toute sa vie. §.

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Ce décret ne peut être connu des puissances étrangères sans qu'elles y trouvent les motifs de notre armement ; il ne les portera donc pas છે une attaque. Si elles engagent la querelle, c'est qu'elles y étoient décidées d'avance.

Au reste, il sera impossible que les armes de la France et de l'Espagne se joignent, sans que les Français inoculent aux Espagnols quelque peu de l'eprit de liberté. Or, si les Espagnols obtien nent la liberté dont ils sont si dignes, nous n'aurons point d'allié plus utile et plus fidèle. Cette alliance n'exclut point celle de la Grande-Bretagne. Ce sont les trois puissances qui ont le plus d'intérêt à maintenir la paix sur la mer et dans le Nouveau Monde : leu réunion l'assureroit; et il leur seroit facile de se dispenser de prendre part aux guerres de terre de 1 Europe (1).

Soit guerre, soit paix, nous persistons à demander que l'on substitue le pavillon national au pavillon blanc. Ce changement est d'une plus grande importance qu'on ne l'imagine au premier coup-d'œil (2).

Conduite des députés aristocrates.

Après avoir cherché à embarrasser l'assemblée

(1) On a tort d'affirmer qu'aucun écrit patriotique ne pénètre en Espagne: nous venons de recevoir une lettre de ce pays, qui nous prouve que notre n°. 38 y

est entré.

(2) C'est une mauvaise objection que de dire que la Hoilande porte le pavillon tricolor; on metiroit les bandes dans un sens opposé à celui de Hollande. On pourroit disposer nos trois couleurs en losange, en étoile, en double croix, où de toute autre manière qui le feroit distinguer des autres pavillons tricolors.

nationale, à ralentir ses travaux, à lui surprendre des décrets, il ne restoit plus aux députés aristocrates que le moyen de lui faire perdre le respect du peuple, et de verser le sang des députés pa

triotes.

Ces deux derniers partis ou devoient marcher de front, ou étoient suivis par les diverses branchés de l'aristocratie, selon le caractère des divers individus. On se rappelle le geste indécent de l'abbé Maury, faisant passer l'assemblée sous sa jambe; il étoit ivre. On se rappelle l'agression de M. Cazalès, qui étoit de sang froid. MM. de Frondeville et Faucigny viennent l'un et l'autre de trahir leur parti par trop de zèle. On va voir qu'il est essentiel que chaque citoyen s'attache à connoître de vue les chefs du parti aristocratique.

Le président de Frondeville fut censuré pour avoir dit que les assassins de nos rois étoient dans la salle. Il fit aussi-tôt imprimer son discours, avec cette épigraphe :

Dat veniam corvis, vexat censura columbas.

«La censure épargne les corbeaux et frappe les colombes. A cette plate impertinence le robinocrate avoit ajouté un avis où il disoit qu'il s'honoroit de la censure de l'assemblée, et que c'étoit le seul mérite de son discours, Dénoncé à l'assemblée, il· eut l'audace de persister dans son crime. On opine pour savoir s'il sera envoyé en prison par forme de peine; le côté noir hurle, sue, blaspheme. Enfin, un sieur Faucigny s'avance au milieu de la salle, et donne le signal du carnage, en criant à son parti: Il faut tomber sur ces gaillards-là le sabre à la main.

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Après un décret modéré jusqu'à la foiblesse, qui envoye Frondeville aux arrêts pour huit jours,

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Faucigny descend de la tribune, et fait amende honorable. L'adroit M. de Bonnay calme, par ce mot satisfactoire, une partie de l'assemblée, et M. Dubois de Crancé propose ce beau décret, digne du sénat de Sparte: «L'assemblée nationale remet au sieur de Faueigny la peine grave qu'il a en

courue ».

Sans doute la peine devoit être grave, puisque le crime étoit une menace et un mouvement tendans à assassiner des membres du corps législatif, séance tenante. La peine devoit donc être tout ce qu'il y a de plus grave, sauf la mort; et le sieur de Faucigny devoit aller ramer à vie dans quelque bagne. L'assemblée a-t-elle pu remettre cette peine? Non, nul décret n'attribue au corps législatif le droit de faire grace; et il ne s'agissoit pas d'un délit commis envers le corps législatif, mais envers le corps collectif. Les représentés sont garans de la vie de leurs représentans; on ne peut rien entreprendre contre eux en cette qualité, qu'il n'y ait crime de lèse-nation. Or, de leur nature, ces crimes sont irrémissibles; et s'ils pouvoient être remis, ce ne pourroit être que par le peuple en personne. Le sieur Faucigny peut donc s'attendre qu'il sera du nombre de ceux qui seront dénoncés et pousuivis par des accusateurs patriotes, dès que les tribunaux seront orga

nisés.

Réserves royales.

Nous avons dit que la cour sacrifieroit volontiers une partie des biens qu'elle demandoit (n°. 58, page 285), pour obtenir le reste. Nous ne nous sommes pas trompés. Une lettre du roi à l'assemblée nationale réduit ses demandes. Il ne s'agit plus que de lui donner le Louvre, les Tuileries et les maisons adjacentes, Versailles, Saint-Cloud, Compiegne, Fontainebleau, SaintGermain, Rambouillet, avec leurs forêts et bois,

et le château de Pau. Le roi renonce aux autres objets demandés, ainsi qu'aux biens ecclésiastiques.

Il paroît que la cour entend garder Bellevue, qui a été payé des deniers publics; de plus les terres de l'Isle Dieu, Saint-Priest, Saint-Etienne en Forès, les forêts de Lamors et Floranges, les terres de Montgomery et de Bois-le-Vicomte objets qui ont coûté 9 millions 592 mille 555 livres.

C'est encore beaucoup trop. Eh! quoi, le roi persisteroit à vouloir retourner à Versailles! Il voudroit joindre aux 25 millions les revenus des forêts dont il aura toujours l'agrément (1)!Il demande indis tinctement les maisons adjacentes aux tuileries. Et jusqu'où les ministres ne s'étendront-ils pas ? Enfin la cour ne reconce à ce lieu sain, à cette montagne que la nature a pourvue d'eau, à Meudon, que pour la faire bientôt demander par le dauphin. Cette restriction n'a point encore satisfait le peuple éclairé et non éclairé. O Louis XVI! encore un effort pour payer les dettes de la nation, (qui ne les a pas faites); il ne tient qu'à toi de pouvoir être par toute la France comme dans tes propres jardins.

Dans la séance du vendredi matin le comité des finances a proposé le remboursement de la dette exigible. Le moyen principal dont il s'agit est la fabrication de deux millards d'assignats. On dit que cette mesure peut sauver l'état et achever la révolution : j'en conviens; mais elle peut le perdre, et amener la guerre civile. L'assemblée ne décrétera rien sans doute qu'elle n'ait examiné long-temps cette opération des deux côtés. Nous attendrons que le rapport du comité soit imprimé pour discuter ses vues.

(1) Ce n'est pas que j'approuve le décret qui proscrit l'aliénation des forêts. C'est une lourde erreur.

Duel

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