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pour l'état, à moins d'un désastre surnaturel, au heu que, par la perception en argent, vous rejetez évidemment sur le seul individu infortuné cette perte, peu sensible de l'état; et la disproportion est par trop forte.

La perception en nature, établie purement et simplement, indépendamment des inconvéniens que nous avons allégués, auroit eu celui d'une série de fermages qui ne pouvoit exister sans de gros gains au bénéfice des fermiers; et en supposant même que ces fermiers eussent été francs de protection auprès des directoires, ou francs de collusion avec les administrateurs, il n'y a pas de raison, quand on peut faire mieux, pour enrichir cinq à six cents fermiers, et quarante mille sousfermiers, aux dépens de vingt-cinq millions d'hommes.

Nous estimons donc que, pour être juste, il falloit que, d'après la vérification du produit en nature faite par des prud'hommes dans chaque paroisse, la municipalité imposât, au tarif de tant d'argent, pour tant de fruits. Les grélés et les inondés auroient payé peu, à la vérité, mais les favoris de la terre auroient payé beaucoup. Compensation faite, le total de l'impôt auroit toujours été le même pour l'état; au lieu que, sans que l'état obtienne plus, car où il n'y a rien, le roi perd ses droits, vous serez assaillis de réclamations, Vous serez cause d'une infinité de vexations, et vous donnerez pâture à la tyrannie, à l'esprit de domination, aux haines et aux vengeances parti culières.

Tel est notre sentiment sur la perception de l'impôt territorial. Quant à son assise, nous pensons qu'elle ne peut s'opérer justement sans une concordance parfaite et positive entre ce que l'état demande à la terre, et ce que la terre peut donner à l'état. Les faiseurs de plans et de projets n'ont aucune base certaine à cet égard; ils n'ont pu N°. 66.

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calculer que d'après des conjectures si incertaines et des approximations si généralisées, qu'il est impossible que leur estimation ne soit pas fausse, tant sur le sol que sur le produit. Nous avons cru nous appercevoir que, selon le plus ou moins d'abondance ou de stérilité nécessaire à son projet, chaque auteur dessèche ou fertilise plus ou moins la France, de sorte qu'il nous est arrivé, même à l'assemblée nationale, de passer de la richesse à la pauvreté, et de la pauvreté à la richesse trois ou quatre fois dans une séance. Quand on voit sur le fait des productions territoriales la différence miraculeuse qui se trouve entre l'arpent du laborieux montagnard et la belle région bourguignone du financier de Paris, on ne peut s'empêcher de rire des chiffres amoncelés de tel habile avocat qui apprécie la France chez le géographe Desnos, et qui l'étudie dans sa bibliothèque. Il faut un cadastre de la France, non tant mathématique que fiduciel; ce n'est point tant par les lignes ni par le quarré qu'il faut estimer la terre française, que par ses matrices et les labeurs qui la fécondent. Que sous le règne absolu des fripons charlatans on nous berçât de la sotte assertion tant avancée, qu'il falloit vingt-cinq ans pour faire le cadastre du royaume, à la bonne heure; tant d'ignorance étoit convenable aux gens qui voyoient dans cette opération, non pas du bien à faire, mais un projet curieux à exploiter, des places d'ingénieurs à vendre ou à donner à vie, un sous-ministère à établir et de l'argent à voler. Mais aujourd'hui, en considérant la division et les subdivions de la France, par départemens, districts, cantons et clochers, nous pensons qu'il est très-facile d'obtenir en moins de deux mois, non-seulement un cadastre territorial, numératif et non figuré, mais encore un dénombrement universel de la France, tant de la nature de ses productions locales, foyer par foyer, que de ses habitans, citoyens actifs ou

prolétaires, spécifiés par leurs professions, age,

sexe,

etc.

Supposons un curé, ou vicaire, ou maire, ou procureur-syndic, ou magister d'une paroisse, ou tous les cinq ensemble pour plus de sureté; supposons-le encore, tenant d'une main un décret de l'assemblée nationale, précédé ou suivi d'une instruction claire, précise, consolante, qui annonce le vrai but de l'opération du cadastre, qui conseille et ordonne la bonne foi au propriétaire, et de l'autre une feuille divisée en autant de colonnes que l'on voudroit dénombrer de choses. Quelle difficulté trouvera-t-il à aller de maison en maison, insérer sur la feuille les noms, les qualités, les quantités des choses dont il auroit à s'informer ? Cette opération simple terminée, où seroit l'embarras de faire redresser, par la commune entière assemblée, les erreurs qui auroient pu se glisser sur la feuille? Là, chacun est instruit des affaires de chacun; la naïveté champêtre vaut bien la science de l'arpenteur citadin. La feuille visée et envoyée successivement à qui de droit, arriveroit de centre en centre à celui du département, où les calculs définitifs seroient terminés. Des départemens, ces calculs arriveroient à l'administration générale, et collection faite du tout, nous pensons que ce seroit là un bon cadastre.

Par ascendance d'instructions, ainsi la terre française apprendroit au législateur ce qu'elle peut donner; par descendance, à son tour, l'assemblée nationale apprendroit à la terre française ce qu'il faut qu'elle paye.

( L'impót industriel à l'ordinaire prochain).

Des Cloches.

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C'est pour la cinquième fois que l'on fait la motion de convertir les cloches en monnoie. A mesure que ces motions s'éleyoient dans l'assemblée

nationale, les journaux de toute espèce portoient des lettres et des avis plus candides les uns que les autres, pour aider à l'opération de cette fonte. Il n'est pas jusqu'à des artisans de profession qui, devenus tout à coup des chymistes et des physiciens parfaits, n'ayent prouvé, comme deux et deux font quatre, que le salut de France dépen doit de n'avoir plus de cloches; tout ce qui peut venir au secours de la charlatanerie, la différence qui se trouvé entre la George d'Amboise de Rouen, et la Cardaillac de Toulouse, sur le mi et sur le fa de leur son relatif, toutes ces scientifiques spéculations que les madrés politiques font jeter aux yeux du peuple par des sots bridés; rien n'a été mis en oubli pour préparer la nation à voir vider ses clochers, et après cette préparation, pour porter l'assemblée nationale à ordonner que tout le bronze du royaume seroit fondu.

Citoyens! prenez garde à vous. Tous les calculs qu'on vous présente à cet égard sont faux. C'est à huit ou dix millions de mauvaise monnoie de cuivre que se réduiroit, tout au plus, la spoliation de vos clochers; vous n'auriez de monnoie qu'autant qu'il en faudroit pour vous prouver que la transmutation a eu lieu. Le reste. . ce que deviendroit le reste!

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Dieu sait

Citoyens ouvrez l'histoire, vous y verrez que, du temps de Charles IX et de Henri III, les protestans opprimés, trahis, alléchés, égorgés, et toujours foroés de s'armer contre la détestable Médicis contre les abominables Guise, contre la sanguinaire cour de France, n'ont pas eu d'autres ressources pour se fournir de grosse artillerie, que les tocsins de la patrie. On yeut vous dépouiller de vos cloches! Ee que savez vous si l'on ne veut pas vous dépouiller plutôt de vos canons? Français qui avez juré de soutenir la constitution, voyez l'Europe entière sous les armes, sans en donner de raison valable; l'artillerie autri

chienne, anglaise, hollandaise, napolitaine, espag nole et suisse, se prépare et vous entoure; la française est toute à la disposition des ministres, dans Metz, Strasbourg, Douai, Rochefort, Lille et Besançon. Si l'on vient vous attaquer, vous cerner, 'vous égorger, avec quoi vous défendrez vous ? Où sont vos batteries? Deux fois, jusque dans Paris, on a tenté de vous ravir le peu de canons qui sont en votre puissance. Obéissez à la loi; mais ne vous laissez pas duper par le machiavélisme! dez vos cloches, et qu'à chaque premier coup de vêpres, il vous souvienne, que si quelque tyran formoit le projet de vous opprimer, une cloche reste du moins dans votre paroisse être convertie en canon, et braquée sans miséricorde contre les ennemis de la liberté et les traîtres à la patrie.

pour

Comédiens italiens ordinaires du roi.

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Dans le moment précis où le premier et le der nier parlement de France expiroit, l'aristocratie ne perdoit pas courage. Si le maire de Paris avoit l'avantage d'apposer les scellés sur les paperasses parlementaires, la Fayette (1) avoit le plaisir de voir son cousin Bouillé sur la scène, et tout son état

(1) M. de la Fayette, selon sa coutume, avoit hérissé de bayonnettes les cours du palais et les rues adjacentes. Nous ne comprenors pas jusqu'à quel point l'apparcil de la force militaire peut être nécessaire à l'exé cution des loix. Le despotisme aussi se sert de soldass pour donner suite à ses ordres oppressifs. C'est déshonorer les augustes décrets de l'assemblée nationale que de les environner continuellement de la force armée, Un greffier, un simple huissier devroit suffire pour accompagner les officiers municipaux, par-tout où ils sont les organes de la loi, sauf à requérir es gardes pationales, ou les troupes de lignes en cas de résistance.

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