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si les députés Corses l'avoient attaqué personnellement il en auroit tiré vengeance par luimême (1). C'est ainsi que ce prêtre frénétique prêche les maximes les plus séditieuses, jusque dans le sanctuaire des loix.

C'étoit l'abbé Perretti et le sieur Buttafuoces que les députés Corses vouloient inculper. Its produisirent leux lettres du premier, infiniment curieuses. En voici les extraits.

« La religion est en péril, le seigneur sera sans doute fidèle à son église, et aux promesses qu'il lui a faites de ne jamais l'abandoaner; les efforts des impies ne pourront prévaloir contre ses volontés; cependant je ne puis garder le silence, lorsque toutes les loix nouvelles tendent à détruire la foi, la piété et la religion. Il nous est impossible de tolérer tant de désordres. Le parti dominant de l'assemblée nationale croit qu'il n'y a point də bornes à son pouvoir et à sa compétence.

Ce que vous devez à votre conscience est d'adhérer à la délibération du chapitre de Paris, et à celle d'une partie de l'assemblée nationale.....

« Nous avons été témoins d'un spectacle bien capable d'irriter les vrais défenseurs de la religion. On devoit décréter que la religion catholique seroit la seule dominante; le parti de la majorité fit distribuer des invitations au peuple de s'attrouper, et

(1) L'abbé Maury est dans l'habitude de se faire justice lui-même. Toujours muni de pistolets, ce fougueux député les présente à quiconque l'offusque. Le fendemain de sa déclamation imprécatoire à l'assemblée contre les députés Corses, il rencontra dans le culde-sac Dauphin un colporteur qui crioit Grand tumulte causé par l'abbé Maury à l assemblée nationale. Il prit le colporteur au collet et le conduisit au district. De quel droit l'abbé Maury arrête-t-il les colporteurs? Si ce brave citoyen, usant du droit de défense naturelle, s'étoit jeté sur lui, et l'eût tué, il eût fait une action légitime, er débarrassé en même temps la nation d'un scélérat C

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de venir à l'assemblée nationale pour nous effrayer, ou pour nous assassiner en cas de résistance. Les rues étoient remplies d'un peuple égaré qui nous menaçoit. On entendit crier, même dans l'assemblée, qu'il falloit pendre tous les aristocrates pour que tout allat bien. On exposoit en public des figures qui représentoient les aristocrates la corde cou. On avait dressé des potences par tout; on rencontroit des bourreaux à chaque pas. Le parti favorable à la religion fut vaincu. On ne lui permettoit pas méme de parler. A chaque parole, il étoit interrompu par les hurlemens du peuple, et par le bruit que faisoit le parti dominant. Le décret fatal fut prononcé à une grande majorité..... L'évêque d'Autun, un prêtre et un moine du côté gauche n'ont point donne de voix.....

Ces lettres étoient sans doute plus que suffisantes pour justifier les plaintes que les députés du corps électoral corse vencient déposer dans le sein de l'assemblée nationale; et d'ailleurs, ils avoient le droit de les manifester.

C'est bien trop, en effet, que la partie gangrenée du corps législatif soit parvenue à faire décréter la représentation absolue, ce chef-d'œuvre d'ignorance et d'absurdité, qui sans doute ne survivra pas à la seconde législature. C'est bien trop, que la nation ait été indignement dépouillée de sa souveraineté, du droit inaliénable de voter et de consentir la loi, sans qu'on refuse aux représentés la faculté naturelle de censurer la conduite de leurs perfides mandataires. Et certes, on në doit pas peu s'étonner que ceux qui se sont montrés les défenseurs les plus acharnés du systèrae des mandats impératifs, de ces mandats absurdes donnés par des castes privilégiées, et contraires au vou national; que ceux-là, disons-nous, soient les premiers à vouloir interdire la plainte aux com

mettans.

Ce n'est pas cependant que nous désapprouvions la conduite de ceux qui, d'après le vœu de leur

conscience et de la raison, n'ont pas suivi aveuglément les inepties tracées dans leurs cahiers; le cri général de tous les patriotes les absolvoit d'avance de toute inculpation, et les adhésions nombreuses, et chaque jour multipliées de toutes les communes du royaume, prononcent la ratification solennelle de toutes les loix auxquelles ils ont coopéré.

Citoyens n'oubliez pas que, sans cette ratification, la loi n'a pas reçu sa véritable sanction. Obéissez à la loi, lorsqu'elle n'est pas contraire à la déclaration des droits; mais réclamez. C'est le devoir de tout homme libre de censurer, d'attaquer une loi absurde, fút-elle constitutionnelle.

Refus du maire de Paris envers la commune.

La commune de Paris dans ses quarante-huit sections, c'est-à-dire, la commune elle-même a arrêté d'adresser une pétition à l'assemblée nationale, tendante au renvoi des ministres. Cette volonté s'est manifestée au gré de la loi; et d'après la convocation des quarante - huit sections proclamée par le corps municipal, la commune a invité le maire de Paris à se mettre à la tête de la députation chargée de présenter la pétition à l'assemblée nationale. LE MAIRE DE PARIS A REFUSÉ.

Que signifie cette désobéissance ?

Après ce refus, le maire de Paris a été de nouveau requis par la commune de se mettre à la tête de la députation. LE MAIRE DE PARIS A REFUSÉ

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ENCORE UNE FOIS.

Quelles sont les raisons du maire ?

« D'abord il ne croit pas, dit-il, devoir se per» mettre de marcher à la tête de la députation sans » le consentement du conseil général

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Il est bien étonnant que M. Bailly, membre de l'assemblée nationale, par conséquent législateur, ignore ou veuille ignorer les premiers élé

mens du droit politique et de ses devoirs. Il est bien étonnant que M. Bailly, premier mandataire d'une commune de 250 mille citoyens actifs, croye avoir besoin du consentement de quatre-vingt mandataires de cette même commune, inférieurs à lui, pour présider la commune par laquelle, pour laquelle et au nom de laquelle seule il doit et peut agir. M. Bailly penseroit-il qu'il suffit d'avoir été nommé et installé officier municipal, pour appartenir à un corps séparé et indépendant de la commune dont il n'est que le délégué ? Que M. Bailly sache donc qu'il n'est en sa place que l'agent res ponsable de la commune, sans jamais cesser d'être soumis à sa volonté légale et reconnue. Qu'il sache que si la commune pouvoit s'administrer elle même, elle n'auroit pas besoin de magistrats municipaux; que par conséquent il ne tient avec la municipalité la place de la commune que pour agir et parler en son nom; et que lorsque la commune le requiert, au gré de la loi, de dire ou faire telle chose, son devoir est d'obéir, parce qu'alors il dit et fait la volonté de tous avec bien plus de certitude que lorsqu'il fait un acte d'autorité par lui seul; car il ne fait et ne peut faire cet acte d'autorité qu'au nom de la commune.

Que M. Bailly sache qu'il a bien, conjointement avec le reste de la municipalité, l'autorité de la commune pour agir envers les individus. Mais que lorsque la commune entière commande une chose au gré de la loi, elle reprend toute son autorité en cette chose; et qu'il ne reste plus alors au maire de Paris, à toute la municipalité, au commandant général, qu'à obéir, qu'à marcher, parce qu'alors c'est la municipalité qui implicitement le commande par la volonté générale de la

commune.

« Ensuite, dit M. le maire, il seroit dangereux » dans ces momens de fermentation de porter l'adresse de la commune à l'assemblée nationale,

sur-tout si le maire de Paris étoit à la tête de la » députation ».

Et dans quel temps M. Bailly pense-t-il que le peuple doive se plaindre, si ce n'est quand il en a de justes causes? Et dans quel temps y a-til de la fermentation, si ce n'est quand le peuple murmure et se plaint? Selon le raisonnement de M. Bailly, c'est donc quand le peuple est pressé de se plaindre qu'il faudroit qu'il ne se plaignit pas. Cette belle logique pourroit avoir ses moyens de défense; mais nous conseillons à M. Bailly de s'en servir auprès des personnes qu'il redoute peut-être, mais non devant le peuple qui l'a choisi pour le défendre et maintenir ses droits.

Sur-tout, dit-il, si le maire de Paris étoit à la téte de la députation.

De sorte que M. Bailly craignoit que la légalité de la députation de la commune ne fût trop visible. Il auroit mieux aimé qu'on prit, en ces circonstances cette députation solennelle pour une démarche partielle, que pour un vou authentique de la commune de Paris dans ses 48 sections. Que veut dire cela? Que faut-il penser de tous ces subterfuges?

Ce qu'il en faut penser ? C'est qu'il s'agissoit des ministres, idoles toujours chères ou redoutables pour MM. Bailly et la Fayette. C'est qu'en refusant une fois, deux fois d'agir contre ces pestes publiques, on s'assuroit de l'avantage de ne pas leur déplaire, quitte après à satisfaire la commune en marchant par le consentement du conseil général.

M. Bailly! M. Bailly! on peut tenir ainsi deux. chemins dans une académie; mais pour les suivre dans le poste de maire de Paris, si vous saviez combien il faut de tête et de talent! Disons mieux. pour le profit des ambidextres, dans l'état d'as-, semblage, de lumières, de force et de méfiance où nous sommes, il n'est pas donné à l'esprit hus.

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