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pagnes à sa cupidité et à son ambition? Au lieu de ramener les citadins vers les campagnes, vous forcez les campagnards, les agriculteurs à fréquenter les villes, à y puiser le poison de la corruption sous toutes les formes.

Cette abominable institution des grandes muni ́cipalités une fois faite, comment l'impôt sera-t-il réparti? Osera-t-on dire qu'il seroit assis avec l'équité qui présidera à la répartition que les municipalités feront elles-mêmes dans l'état actuel? Quand bien même on allégueroit qu'on laissera à chaque paroisse la faculté de s'imposer, cette assisė pourra-t-elle être juste, dès que, des grandes municipalités, la protection, qui desdans le systême cend toujours des cités, aura grande, lorsque les réclamations ne trouveront une influence si plus les arbitres sur les lieux, et que c'est loin du foyer de la vérité qu'il faudra aller demander justice ou redressement?

Dans les élections qu'arrivera-t-il? Chaque com. mune aura son patron, son protecteur dans la grande municipalité, et c'est cet homme-là qui déterminera toutes les élections, qui les conseillera, les inspirera, les exigera et bientôt les ordonnera, par la force de l'intérêt personnel, qui rendra toujours l'habitant des campagnes dépendant du citadin municipal.

Supposez quatre fières ayant chacun leur mé nage, j'ajoute dans la même paroisse ; que chacun gouverne le sien, les quatre ménages prospéreront. Avisez vous d'établir l'administration des quatre chez l'aîné, il rendra ses alentours souffrans et malheureux, et bientôt sera maître de tout.

Plus vous diviserez le pouvoir, plus la chose publique sera bien administrée, plus les intérêts et les droits particuliers seront bien conservés. Voulez-vous établir l'oppression, l'esclavage et le silence des loix? Concentrez le pouvoir.

Oh! périsse le jour où l'on tenteroit de le concentrer, ce pouvoir, par l'établissement des grandes

municipalités! Mais non; on n'en viendra jamais à bout. Les paysans, les cultivateurs sont armés; ils perdront la vie avant de se voir ainsi écrasés; ils ont plus de sens et de jugement qu'on ne le pense; ils voient clair.

Et nous ne comprenons pas comment le comité de constitution oseroit se latter de réussir dans cette détestable opération; il sait fort bien qu'il suffit à la moindre cité d'être traversée par un ruisseau, pour que les deux parties riveraines de mandent chacune une municipalité : tant il est vrai, que de tout temps le côté nombreux et riche a écrasé le côté foible et pauvre.

Au reste, comment établiroit-on dans la grande municipalité une égalité de représentation de tout le canton. Tantôt l'administrateur seroit pris, par le sort de l'élection, dans une paroisse, et alors il ne le seroit pas dans l'autre. Que deviendroient les droits de la paroisse qui n'auroit pas d'administrateur pris dans son sein, devant le pouvoir et l'influence de celle qui en auroit un? Parce que cet inconvénient n'a pu être sauvé dans les adininistrations de distriot, faut-il le répéter dans les municipalités? Seroit-ce à dire que parce que l'on a perdu un œil ou un bras, il est indifférent de les perdre tous les deux ?

Ce que nous disons des municipalités doit aussi s'entendre des administrations de district.

On osera encore vous dire, citoyens, qu'il y a trop de tribunaux, parce qu'il y a trop de districts, parce que cela coûte trop cher.

Quant à cette cherté ridicule, nous disons que s'il y a moins de tribunaux, il faudra les aller chercher plus loin, et cela reviendra au même. Il y a trop de tribunaux? Ah! fort bien, traîtres! Oui, sans doute, il y en a toujours trop quand on veut les gagner, les corrompre, les acheter, et en faire l'instrument de son despotisme et de ses vengeances. Il n'y en a jamais trop pour être surveillés de plus près, et pour rendre prompte justice.

A quoi donc auroit abouti la révolution, la régé nération de l'empire? Ci-devant, citoyens, le moindre petit village avoit sa municipalité. Vous pouviez là discuter encore vos intérêts d'une certaine manière. Avec les grandes municipalités, chaque paroisse deviendroit donc une espèce d'annexe civile, une sorte de commune vassale de la grande municipalité? Où cela nous conduiroit, il, sinon à une dépendance affreuse qui, remontant de proche en proche, finiroit par tout remettra entre les mains des ministres, qui n'auroient plus qu'à gagner les départemens, qu'on diminueroit encore; de sorte que la cour dévorante, débarrassée des parlemens et du clergé, jouiroit seule du bénéfice de la révolution?

L'assemblée nationale a dicté le décret sur les municipalités; le roi l'a sanctionné: ce décret est promulgué, exécuté. Cette exécution est le consentement tacite du peuple à cette loi; elle est constitutionnelle; il est hors de la puissance de l'assemblée nationale de toucher à cette loi. Nous sentons bien qu'elle s'en fera demander la réformation; mais par qui? Par les directoires de districts et de départemens. Ce droit de pétition ne • leur appartient pas; ils ne peuvent parler à cet égard au nom du peuple; ils sont les mandataires, les fonctionnaires du peuple, mais non ses représentans. Tant s'en faut qu'ils le puissent, qu'ils sont sujets du souverain, et que le souverain seul, c'est-à dire le peuple, c'est-à-dire la totalité ou la grande majorité des assemblées primaires, a seule droit de demander la réformation de la loi municipale jusque-là ce seroit forfaiture que d'attenter à cette loi.

Plait-il au souverain de conserver la présenta forme de gouvernement? Plait-il au peuple d'en laisser l'administration à ceux qui en sont actuel lement chargés? Sans la réponse négative du souverain, c'est-à-dire du peuple français, à ces deux

questions, l'assemblée nationale n'a pas le droit de toucher au décret sur les municipalités, de même qu'elle ne peut vouloir conserver et maintenir tout décret dont le peuple demanderoit l'abrogation.

Citoyens, nous vous invitons à rendre vain le projet du comité de constitution et de la cour. Nous ne vous y invitons pas sans sujet, déjà l'ordre est donné au bureau de la classe nationale, et à ses géographes de suspendre leurs travaux, leurs, divisions et leurs cartes, parce qu'on se propose de dénaturer et de réfondre le plus bel ouvrage de l'assemblée nationale. A peine la machine commence à s'organiser et à se mouvoir, que l'on veut la briser par une organisation nouvelle et désas

treuse.

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Vous ne le souffrirez pas, Français. Vous ne permettrez pas que quelques vils flatteurs, que quelques faux patriotes immolent vos droits et votre liberté à vos oppresseurs. Ecrivains patriotes! réunissez-vous; montrez au peuple le danger qu'il court par cette concentration des pouvoirs par des considérations illusoires, on le trompe, on l'abuse. Nous vous en conjurons, entrez sur cette matière dans les détails qui ne manqueront pas de vous être sensibles; faites voir au peuple qu'il est libre, et qu'il ne l'est que par le décret des municipalités; que l'on ne peut y toucher sans attenter à ses droits, à ses biens, à sa vie. Puisse-t-il, ce peuple aimant et généreux, qui a fait tant de sacrifices pour conquérir sa liberté, déjouer ce complot nouveau; complot plus à craindre que les conspirations fondées sur le fer et le feu, en ce qu'il doit s'exécuter par la voie de la séduction! Puisse-t-il jeter un cri si terrible à la première ouverture de ce complot, que ceux qui le méditent disparoissent à jamais de la patrie qu'ils voudroient anéantir!

Députation du corps électoral corse à l'assemblée nationale.

Si, contre toute apparence, il y avoit une contre-révolution, il n'y auroit jamais assez de potences, de roues et de bûchers pour expier les forfaits des patriotes. La France seroit couverte des victimes sanglantes de l'aristocratie déchaînée, et ses fureurs seroient déguisécs sous le nom de jusies vengeances, de châtimens infligés pour l'intérét de l'état et le rétablissement de l'ordre (1). Rien n'est plus facile que de calculer les affreuses intentions des ennemis de la liberté, d'après les scènes scandaleuses qu'ils donnent à l'assemblée nationale à la moindre plainte des commettans, contre les manoeuvres abominables qu'ils se permettent pour soulever les provinces.

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A la séance du samedi six, au soir, les députés des électeurs du département de Corse furent admis à la barre de l'assemblée. Là, après avoir loué, dans un discours très-patriotique, la conduite de ceux de leurs représentans qui étoient restés fidèles à la bonne cause ils parlèrent de ceux qui, relégués au côté droit du président, ne cessoient de faire passer dans leur fle l'influence de leur parti, par la correspondance la plus dangereuse.

Aussi-tôt tout le coté noir s'élance des siéges, entoure la barre et le président, et vomit les plus horribles imprécations contre les députés courageux qui, ayant à se plaindre de leurs mandataires, venoient instruire le corps législatif de l'opinion de leurs commettans. L'abbé Maury, dans un accès de son délire aristocratique, osa dire que

(1) Un conspirateur bien connu écrivoit à un de ses d:gnes correspondans, que moyennant un pendu par municipalité, l'ordre seroit bientôt rétabli dans le royaume. Ces messieurs calculent de sang froid les exécutions; et ils osent reprocher au peuple de la barbarie !

si

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