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mieux disposés à la concorde, et la licence où la liberté est la mieux entendue.

Pour connoître le véritable esprit de cette association, il ne faut qu'être instruit de la patriotique motion que fit dernièrement le sieur de Milange, capitaine de la garde nationale de Riom, de prendre pour article fondamental du projet d'organisation de la garde nationale, que ces messieurs préparent, qu'on ne comprendra dans cette garde que les nobles et les bons bourgeois ; ce sont ses termes; qu'il faut en écarter les artisans et les paysans, et les désarmer. Apprenez donc, citoyens des 83 départemens, qu'il existe dans Paris une société de vos compatriotes, où l'un des membres profère impunément de tels blasphemes; connoissez-les, et sachez rejeter loin de vous leurs perfides suggestions: il n'y eût peut être point eu de sang versé dans telle ou telle ville sans la correspondance de cette société dange

reuse.

Inconvenance des discours prononcés par les présidens de l'assemblée nationale, quand ils. prennent et quittent le fauteuil.

Les discours de réception à l'académie française ne contribuèrent pas peu à jeter du ridicule et de la défaveur sur cette compagnie. Ces tours de force de l'esprit amusoient d'abord, et finissoient, bientôt par endormir l'auditeur le plus éveillé; ces complimens d'apparat, que le récipiendaire prodiguoit à son prédécesseur mort, pour recevoir à son tour la monnoie de sa pièce, étoient pourtant bien moins hors de propos que ces flagorneries insignifiantes, que le président qui descend du fauteuil et celui qui y monte se jettent à la tête l'un de l'autre, en présence de 1198 autres députés, bouche béante, oreilles droites et cou tendu. On seroit tenté de leur appliquer ces vers du Mi santrope :

1

Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode;
Et je ne hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations. . .
Ces obligeans diseurs d'inutiles paroles

Qui de civilités avec tous font combat

Et traitent du même air l'honnête homme et le fat.. a
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu, vous n'êtes pas pour être de mes gens...
Je veux que l'on soit homme.

Sied-t-il à la majesté d'une assemblée nationale de se ployer à de pareils usages, déjà marqués au sceau du mépris ? De graves législateurs qui n'ont pas un moment à perdre, devroient-ils en trouver pour rivaliser une coterie de beaux esprits désouvrés, une quarantaine de bas flatteurs, dont le fade encens brûloit jour et nuit pour un Louis XIV et un Richelieu? Est-il de la dignité des représentans d'un peuple libre, de parler la langue d'une poignée d'esclaves salariés par un maître?

Et puis, n'est-ce pas avoir mis bas toute pudeur, que de se souffrir louer en face? Que signifient ces phrases oiseuses, ces protestations de modestie, ces actes d'humilité dont personne n'est dupe? Que résulte-t-il de ces éloges connus, donnés à celui qui s'empare du fauteuil, pour être rendus à celui qui le quitte; et ces remercimens presque toujours votés? Tous ces lieux communs ressemblent trop aux complimens froids et menteurs que les comédiens du roi sont, depuis un temps immémorial, dans l'usage d'adresser au parterre qui s'en amuse ou báille.

La nation ne trouve pas convenable que ses représentans se compromettent par de petites habitudes indignes d'elle. En rentrant dans le domaine de son indépendance, elle a abjuré toutes ces petitesses qui tiennent lieu de la servitude; elle se réserve le droit de distribuer, elle-même, dans sa sagesse, l'éloge ou le biâme à ceux de ses commettans qui

lui en paroltront susceptibles; elle n'entend pas qu'ils se payent par leurs mains. Pour prix de sa ferme contenance à la salle des menus plaisirs, elle a proclamé M. Bailly maire de la capitale. Pour récompenser M. Roberspierre de son patriotisme imperturbable, elle l'a nommé au département de Versailles. A elle seule appartient de voter des couronnes; elle ne veut pas qu'on la prévienne ou qu'on s'établisse l'interprète de ses intentions à cet égard: et c'est encore une question de savoir, si, en applaudissant au choix de M. Barnave, pour remplacer M. Merlin au fauteuil, elle approuve les remercimens décrétés à l'ex-président.

Coup d'œil rapide sur les troubles de la province d'Alsace.

Ce sont nos provinces frontières que les aristocrates ont choisies de préférence pour être le théâtre de leurs projets contre-révolutionnaires. La Provence, le Dauphiné, la Lorraine ont été successivement agités par leurs manoeuvres et leurs complots. Aujourd'hui la Bourgogne vient de voir éventer une nouvelle conspiration. Un certain M. de Bussy a été dans un château près de Mâcon, avec ses complices. On lui a trouvé une grande quantité d'habits uniformes, différens de ceux des troupes de ligne, et des gardes nationales, des mousquets, des pistolets, des sabres en abondance, et beaucoup d'argent comptant. L'assemblée nationale vient d'ordonner la translation des prisonniers dans les prisons de l'abbaye Saint-Germain.

Mais de tous les départemens du royaume, ceux d'Alsace sont les moins éloignés d'une contrerévolution. Les sourdes menées des princes de l'empire, les cabales du ci-devant clergé, la coalition de toute la noblesse du pays ont mis cette province à deux doigts de sa perte. Les corps administratifs, les municipalités sont composés d'anciens feudistes ou baillis des seigneurs, de gens

d'affaire, des moines et des ecclésiastiques. Les gardes nationales sont commandées par des cidevant comtes, marquis, etc. tous aristocrates fieffés, dévoués à l'ancien régime par état, par intérêt et par principes. Le sieur de Bouillé, le boucher de Nancy est sur la frontière, sous prétexte d'inspecter les troupes de ligne, composées des régimens qui lui sont affidés, ceux qui l'ont si bien secondé dans son abominable expédition de Lorraine. En voilà certainement plus qu'il n'en faut pour favoriser et faire réussir tous les mouvemens qui tendront à une contre-révolution.

Aussi vient elle d'être essayée dans la ville de Béfort, ainsi que nous l'avons déjà raconté daus notre dernier numéro. L'assemblée nationale a décrété à ce sujet, sur la proposition de ses comités militaire et des rapports, 10. que les sieurs Latour, ci-devant colonel propriétaire du régiment RoyalLiégeois, Châlons, major du régiment, et Gremsteims, major de la place, seront conduits dans les prisons de l'abbaye Saint-Germain; 2° que le roi sera prié d'ordonner à M. Ternant, colonel du régiment Royal-Liégeois, de rejoindre incessamment son corps; 3. que l'information des crimes commis à Béfort sera faite pardevant les juges de cette ville, jusqu'aux décrets inclusivement, pour le procès être fait aux accusés pardevant les juges auxquels sera attribuée la connoissance des crimes de lèse-nation; 4 · que sa majesté sera également priée de remplacer à Béfort les régimens de RoyalLiégeois et de Lausun qui y étoient en garnison, et de les placer dans les départemens de l'inté♣ rieur; 5o. enfin, que les informations qui seront prises sur les crimes commis à Béfort seront présentées à l'assemblée nationale, pour après les avoir examinées et s'être assuré de leur nature, circonstances et dépendances, statuer sur le sort des régimens de Lausun et de Royal-Liégeois.

Il étoit temps, sans doute, que l'assemblée nationale sévit contre les officiers, elle qui, trompée par le mi

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nistre de la guerre, avoit constamment laissé sommeiller la justice à l'égard des débats qu'ils avoient eus avec les soldats depuis la révolution. Mais devoitelle borner sa juste sévérité aux seu's officiers de Royal-Liégeois? Le si ur la Tour-du Pin n'auroitil pas dû être assujetti aux loix rigoureuses de la responsabilité, pour avoir par sa négligence, par sa connivence avec les chefs militaires, favorisé l'insurrection des régimens en garnison à Béfort? En effet, le comité des recherches de l'assemblée nationale l'avoit instruit depuis deux mois de la conduite aristocratique du sieur Latour; pourquoi n'a-t-il pas donné des ordres à cet officier pour quitter le commandement du régiment dont il étoit propriétaire? Que dis-je ? Le ministre avoit en lui un sujet trop précieux pour ses vues, pour ne pas le conserver à la tête des troupes (1).

Et voilà l'homme à qui Louis XVI, le restaurateur de la liberté, s'obstine à donner sa confiance! c'est là le ministre que l'assemblée nationale craint de dénoncer! c'est celui qui va être chargé de l'exécution du décret de Béfort! En vérité, quand on songe à de pareilles inconséquences, on ne sait pas ce que l'on doit penser de l'indifférence stoïque de nos représentans qui, malgré tant de raisons de se saisir du pouvoir exécutif, persistent encore à le laisser dans les mains de ceux qui en abusent d'une manière si insultante pour la

nation !

(1) Au mépris des décrets de l'assemblée nationale, on distribue encore des cartouches jaunes aux soldats. On nous écrit d'Epinal en Lorraine, que le sieur Friquier, dragon du régiment d'Angoulême, vient d'être renvoyé du corps par décision d'un conseil de guerre tout composé d'officiers. Le crime de ce brave patriote est d'avoir expliqué à ses camarades les decrets de l'assemblée nationale, et de les avoir instruits de l'esprit de la nouvelle constitution.

Et

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