Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode. De tous ces grands faiseurs de protestations. . . Qui de civilités avec tous font combat Et traitent du même air l'honnête homme et le fat.. a Sied-t-il à la majesté d'une assemblée nationale 1 Et puis, n'est-ce pas avoir mis bas toute pudeur, que de se souffrir louer en face? Que signifient ces phrases oiseuses, ces protestations de modestie, ces actes d'humilité dont personne n'est dupe? Que résulte-t-il de ces éloges connus, donnés à celui qui s'empare du fauteuil, pour être rendus à celui qui le quitte; et ces remercimens presque toujours votés? Tous ces lieux communs ressemblent trop aux complimens froids et menteurs que les comédiens du roi sont, depuis un temps immémorial, dans l'usage d'adresser au parterre qui s'en amuse ou bâille. La nation ne trouve pas convenable que ses représentans se compromettent par de petites habitudes indignes d'elle. En rentrant dans le domaine de son indépendance, elle a abjuré toutes ces petitesses qui tiennent lieu de la servitude; elle se réserve le droit de distribuer, elle-même, dans sa sagesse, l'éloge ou le blâme à ceux de ses commettans qui } lui en paroftront susceptibles; elle n'entend pas qu'ils se payent par leurs mains. Pour prix de sa ferme contenance à la salle des menus plaisirs, elle a proclamé M. Bailly maire de la capitale. Pour récompenser M. Roberspierre de son patriotisme imperturbable, elle l'a nommé au département de Versailles. A elle seule appartient de voter des couronnes; elle ne veut pas qu'on la prévienne ou qu'on s'établisse l'interprète de ses intentions à cet égard: et c'est encore une question de savoir, si, en applaudissant au choix de M. Barnave, pour remplacer M. Merlin au fauteuil, elle approuve les remercimens décrétés à l'ex-président. Coup d'oeil rapide sur les troubles de la province d'Alsace. Ce sont nos provinces frontières que les aristocrates ont choisies de préférence pour être le théâtre de leurs projets contre-révolutionnaires. La Provence, le Dauphiné, la Lorraine ont été successivement agités par leurs manoeuvres et leurs complots. Aujourd'hui la Bourgogne vient de voir éventer une nouvelle conspiration. Un certain M. de Bussy a été dans un château près de Mâcon, avec ses complices. On lui a trouvé une grande quantité d'habits uniformes, différens de ceux des troupes de ligne, et des gardes nationales, des mousquets, des pistolets, des sabres en abondance, et beaucoup d'argent comptant. L'assemblée nationale vient d'ordonner la translation des prisonniers dans les prisons de l'abbaye Saint-Germain. Mais de tous les départemens du royaume, ceux d'Alsace sont les moins éloignés d'une contrerévolution. Les sourdes menées des princes de l'empire, les cabales du ci-devant clergé, la coalition de toute la noblesse du pays ont mis cette province à deux doigts de sa perte. Les corps administratifs, les municipalités sont composés d'anciens feudistes ou baillis des seigneurs, de gens d'affaire, des moines et des ecclésiastiques. Les gardes nationales sont commandées par des cidevant comtes, marquis, etc. tous aristocrates fieffés, dévoués à l'ancien régime par état, par intérêt et par principes. Le sieur de Bouillé, le boucher de Nancy est sur la frontière, sous prétexte d'inspecter les troupes de ligne, composées des régimens qui lui sont affidés, ceux qui l'ont si bien secondé dans son abominable expédition de Lorraine. En voilà certainement plus qu'il n'en faut pour favoriser et faire réussir tous les mouve mens qui tendront à une contre-révolution. Aussi vient elle d'être essayée dans la ville do Béfort, ainsi que nous l'avons déjà raconté daus notre dernier numéro. L'assemblée nationale a décrété à ce sujet, sur la proposition de ses comités militaire et des rapports, 1°. que les sieurs Latour, ci-devant colonel propriétaire du régiment RoyalLiégeois, Châlons, major du régiment, et Gremsteims, major de la place, seront conduits dans les prisons de l'abbaye Saint-Germain; 2° que le roi sera prié d'ordonner à M. Ternant, colonel du régiment Royal-Liégeois, de rejoindre incessamment son corps; 3. que l'information des crimes commis à Béfort sera faite pardevant les juges de cette ville, jusqu'aux décrets inclusivement, pour le procès être fait aux accusés pardevant les juges auxquels sera attribuée la connoissance des crimes de lèse-nation; 4 que sa majesté sera également priée de remplacer à Béfort les régimens de RoyalLiégeois et de Lausun qui y étoient en garnison, et de les placer dans les départemens de l'intéa rieur; 5°. enfin, que les informations qui seront prises sur les crimes commis à Béfort seront présentées à l'assemblée nationale, pour après les avoir examinées et s'être assuré de leur nature, circonstances et dépendances, statuer sur le sort des régimens de Lausun et de Royal-Liégeois. Il étoit temps, sans doute, que l'assemblée nationale sévit contre les officiers, elle qui, trompée par le mi nistre de la guerre, avoit constamment laissé sommeiller la justice à l'égard des débats qu'ils avoient eus avec les soldats depuis la révolution. Mais devoitelle borner sa juste sévérité aux seu's officiers de Royal-Liégeois? Le si ur la Tour-du Pin n'auroitil pas dû être assujetti aux loix rigoureuses de la responsabilité, pour avoir par sa négligence, par sa connivence avec les chefs militaires, favorisé l'insurrection des régimens en garnison à Béfort? En effet, le comité des recherches de l'assemblée nationale l'avoit instruit depuis deux mois de la conduite aristocratique du sieur Latour; pourquoi n'a-t-il pas donné des ordres à cet officier pour quitter le commandement du régiment dont il étoit propriétaire? Que dis-je ? Le ministre avoit en lui un sujet trop précieux pour ses vues, pour ne pas le conserver à la tête des troupes (1). Et voilà l'homme à qui Louis XVI, le restaurateur de la liberté, s'obstine à donner sa confiance! c'est là le ministre que l'assemblée nationale craint de dénoncer! c'est celui qui va être chargé de l'exécution du décret de Bélort! En vérité, quand on songe à de pareilles inconséquences, on ne sait pas ce que l'on doit penser de l'indifférence stoïque de nos représentans qui, malgré tant de raisons de se saisir du pouvor exécutif, persistent encore à le laisser dans les mains de ceux qui en abusent d'une manière si insultante pour la nation ! (1) Au mépris des décrets de l'assemblée nationale, on distribue encore des cartouches jaunes aux soldats. On nous écrit d'Epinal en Lorraine, que le sieur Friquier, dragon du régiment d'Angoulême, vient d'etre renvoyé du corps par décision d'un conseil de guerre tout composé d'officiers. Le crime de ce brave patriote est d'avoir expliqué à ses camarades les decrets de l'assemblée nationale, et de les avoir instruits de l'esprit de la nouvelle constitution. Et Et le moyen que l'assemblée nationale ne soit pas trompée par les ministres, puisqu'ele a à se défier même de ses comités. L'affaire d'Haguenau est un exemple effrayant de la dangereuse influence de la bureaucratie sur ses décisions. Par un premier décret, elle avoit rendu justice à la véritable municipalité d'Hagueneau; et elle avoit dissous la fausse garde nationale qui s'opposoit ouvertement à la reddition des comptes des anciens municipaux. Ce décret est resté sans exécution sur une simple lettre de M. Broglie, président du comité des rapports; et, chose inouie! cette lettre a eu plus d'effet en Alsace qu'un acte du corps législatif. Depuis hier, la lettre du fils du maréchal de Broglie a reçu la sanction d'un décret. La conduite des municipaux patriotes a été improuvéc; le commandant militaire, la fausse garde nationale, tous les aristocrates d'Haguenau ont reçu des complimens, et la petition de goo citoyens actifs sur douze cents qui composent la commune, a été indignement foulée aux pieds. Voilà, il faut l'avouer, un grand encouragement pour les bons citoyens dans les circonstances malheureuses où se trouve l'Alsace. Le génie contre-révolutionnaire a soufflé sur les membres des administrations municipales, de district et de département; les ennemis de la constitution rugissent sur la frontière d'Allemagne, et l'on ne craint pas de rebuter les patriotes par des décrets notoirement injustes! Affaire de Marseille. Les troubles qui règnent à Marseille sont le fruit de la mésintelligence qui règne entre la municipalité et la garde nationale de cette ville. Ce n'est point un démêlé entre les patriotes et les aristocrates; ce sont les amis de la liberté qui, divisés d'opinion pour de misérables intérêts d'amour-propre, se donnent réciproquement les torts No. 6g. Ꭰ |