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d'agréer la Permutation. Mais ce n'est pas là ce qu'on entend par une collation néceffaire, ou collation forcée, dans le langage des Canoniftes.

Par collation néceffaire, il faut entendre celle où le Collateur n'a pas la liberté de choisir le Sujet, & où il eft aftraint à donner des Provifions à celui qui lui eft ou nommé par le Roi, ou par une Univerfité, ou préfenté par un Patron. Cette néceffité eft impofée au Collateur, ou par le titre de la fondation, ou par les loix de l'Eglife, ou par un ufage qui a acquis force de loi.

Avant l'établissement de la nouvelle Jurifprudence, les collations pour cause de Permutation, pouvoient être qua lifiées de collations néceffaires, dans les deux cas que l'on vient d'expliquer. Mais dans le premier cas, la néceffité de conférer les Bénéfices aux Permutans étoit l'effet de l'approbation que le Collateur avoit donnée à la Permutation; c'étoit donc le Collateur qui s'impofoit à lui-même cette néceffité.

Dans le fecond cas, la néceffité n'étoit impofée au Collateur , que par l'amour du devoir, & par le défir du bien de fon Diocèfe. Tout Collateur qui n'a à cœur que le bien des ames, Tome IV. D

& ne cherche que les intérêts de l'Eglife, eft en ce fens Collateur forcé même dans les collations les plus volontaires; parce que cet amour & ce défir lui impofent une espèce d'obligation de conférer les Bénéfices qui viennent à vaquer, aux Sujets qu'il croit & qu'il juge les plus capables & les plus dignes.

Lorfque la collation n'eft néceffaire que dans l'un de ces derniers fens, cette néceflité n'empêche pas qu'il ne puiffe examiner & prendre connoiffance de caufe; difons mieux, elle fuppofe l'examen & la connoiffance de caufe,

C'est pour avoir confondu enfemble ces différentes fortes de collations néceffaires, avec la collation forcée proprement dite, que les Canoniftes des derniers tems ont conclu, de ce que quelques-uns des Anciens avoient qualifié de collations néceffaires les collations pour caufe de Permutation, que les Evêques ne peuvent prendre connoiffance de caufe, lorfque des Béréficiers leur propofent d'autorifer la Permutation qu'ils ont projettée.

Si ces Canoniftes avoient bien examiné ce qui caractérise une collation véritablement néceffaire, & la diftingue

d'une collation libre ou volontaire, ils auroient remarqué, que dans celle-ci le Collateur n'eft affujetti par aucune loi, à conférer le Bénéfice vacant à tel Sujet plutôt qu'à tel autre ; parce qu'au cun n'y a droit: & que par conféquent le Collateur eft pleinement libre de fuivre les mouvemens de fa confcience; de refufer à l'un, & d'accorder à l'autre fans être tenu de rendre compte des motifs de fon refus. Il n'en eft comp table qu'à Dieu feul.

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Dans les collations néceffaires, il ne peut refufer le Sujet qui le requiert de lui conférer un Bénéfice en vertu d'un acte de Présentation, ou de lettres de Nomination, ou d'un Brévet du Roi, fans alléguer une caufe de refus. Mais pourquoi ne le peut-il pas ? Pourquoi ne peut-il l'examiner que fur fes qualités perfonnelles, fes bonnes vie & mours? Parce que ce Préfenté ce Gradué, ce Brévetaire, a déja un droit au Bénéfice qu'il demande, jus ad rem, ou qu'il eft préfumé en avoir un: or perfonne ne peut fans caufe être privé de fes droits. Le refus fans caufe feroit en ce cas une injuftice & une injure faite non-feulement à l'Expectant, mais à ceux dont il tient le droit ; c'est-à-dire aux Patrons, ou aux Univerfités ou au Roi. Dij

Réflexions fur

V I. Deux Bénéficiers qui forment le l'ufage qui ne projet d'échanger leurs Bénéfices, & permet pas aux qui en conféquence font des convenEvêques de tions mutuelles, dreffent un concordat: noiffance des acquierent-ils par ce projet, par cet caufes des Per- accord, un droit fur le Eénéfice l'un de l'autre ?

prendre con

mutations.

L'Evêque qui refufe d'approuver leur traité, commet-il à leur égard une injuftice? Leur fait-il injure; parce que ne voyant ni utilité, ni néceffité dans cette double tranflation, il ne croit pouvoir l'autorifer?

C'eft fans fondement que quel ques anciens Canoniftes ont placé les collations pour caufe de Permutation au nombre des collations forcées proprement dites: ou fi par collations forcées, ils ont feulement entendu que le Supérieur qui a admis la Permutation, ne peut en conféquence de cette admiffion, fe difpenfer de conférer aux Permutans les Bénéfices réfignés ; c'est mal-à-propos que les Auteurs qui les ont fuivis, en ont conclu que les Evêques à qui on propose d'admettre une Permutation, ne peuvent examiner fi elle eft utile; comme fi l'Evêque qui eft principalement chargé du foin des ames dans fon Diocèfe, n'avoit pas un intérêt des plus preffants, que les

Bénéfices foient poffédés par des Sujets capables d'en remplir dignement toutes les fonctions.

VIN Obfervations

miné les Cours

prudence.

Les Canoniftes qui ont établi cette maxime, avoient fans doute oublié l'origine & la nature des Permutations. On pourroit demander comment les Cours fouveraines, qui font fi atten- fur les motifs tives à conferver les droits des Ordi- qui ont déter naires, & à les rétablir, autant qu'il à adopter ja eft poffible, dans leur liberté primitive, nouvelle Jurifont adopté une Jurifprudence qui y paroît fi contraire. Deux raifons qu'on en apporte fe réduisent, dit l'Auteur des Mémoires du Clergé (1), à deux inconvéniens aufquels on prétend que cette Jurifprudence ,_ qui n'eft fondée ni fur les Saints Décrets, ni fur les Ordonnances, ni même fur aucun Arrêt de réglement, eft un reméde : 1o. Pour arrêter le commerce que l'on dit que certains Collateurs faifoient dans l'admiffion des Permutations lorfqu'elles étoient des collations volontaires 2. Pour n'obliger pas les Bénéficiers qui veulent permuter leurs Bénéfices de fe pourvoir en Cour de Rome, & d'envoyer leur argent hors du Royaume.

(1) Tom. 10. pag. 1733 & 1734.

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