Page images
PDF
EPUB

térêts divers. M. de Bifchofswerder eft patir d'ici pour Pétersbourg. On affure que de fes négociations dépendra en grande partie le fort futur de la France & de la Pologne.

RATISBONNE (le 17 Mai). Le 6 au foir, nous fûmes les témoins d'un trifte événement: vers les 7 heures, il s'éleva au-deffus du palais du prince de la Tour & Taffis, une épaiffe fumée qui fut fuivie auffi-tôt de flammes qui embraferent tout le toit, Malgré les fecours les plus prompts & les plus nombreux, il n'y eut pas moyen de fauver le bâtiment. On n'eut que le tems d'en retirer les meubles. (a)

Malgré la guerre déjà commencée entre la France & le roi de Hongrie, l'Empire Germanique ne femble pas s'empreffer d'entrer en lice, & de revendiquer par les armes fes droits fur l'Alface. On dit que plufieurs princes fe déclarent pour la neutralité, & tâchent de la faire agréer à la diete de Ratisbonne; on nomme entre autres, le prince de Baden, le duc de Würtemberg, l'électeur Palatin, l'évêque-prince de Würtzbourg & l'évêque de Bamberg, quoique celui-ci ait depuis 1790 quelques troupes à la folde de l'Autriche. On croit auffi remarquer

(a) Voilà environ un an que S. A. a mis le feu à la boutique de mon imprimeur par un décret qui proferit ce Journal dans toutes les poftes de l'Empire & des Pays-Bas. Je suis certainement bien loin de me réjouir de cette efpece de repréfailles, ame, nées par une caufe feconde quelconque, fubordonnée au premier moteur de toutes les caufes. Mais il arrive quelquefois que de tels événemens ramenent la réflexion fur des torts oubliés, & portent à des réparer & ce pourroit être ici le cas.

que dans plufieurs provinces les peuples ont
de la répugnance à feconder les intentions des
cours qui font inclinées pour la guerre. En
général, quoique les principes des démocrates
François empêchent les nations voilines de
defirer leur arrivée chez eux, on remarque
cependant qu'elles n'ont pas une bien forte
envie de les repouffer, & que cette befogne
réftera probablement aux feuls militaires fol-
dés. Le fouvenir de ce qui s'eft fait fous les
rois & les princes, fur tout dans certaines ré-
gions où le defpotifme a laiffé des traces pro-
fondes, l'idée de ce qui feroit arrivé infailli-
blement fi les événemens n'avoient troublé la
marche des chofes, tout cela met les peuples
dans une espece d'apathie qui les empêche de
rien faire contre l'un ni contre l'autre parti. Situa-
tion qui rappelle celle de l'âne de Phedre & de
La Fontaine, & qui juftifie la conduite de cet
animal, dont la prudence a par fois la mesure
de fes oreilles, comme on voit par cet apologue.

Afellum in prato timidus pafcebat Senex.
Is hoftium clamore fubitò territus,
Suadebat Afino fugere, ne poffent capi.
At ille lentus: Quæfo, nùm binas mihi
Clitellas impofiturum victorem putas ?
Senex negavit. Ergo quid refert mea
Cui ferviam, clitellas dùm portem meas?

Phed. Fab. 15. L. I.

Un Vieillard fur fon Ane, apperçut en paffant La Font.

Un pré plein d'herbe & fleuriffant.

Il y lâche fa bête, & le grifon fe rue
Au travers de l'herbe menue,
Se vautrant, grattant & frottant,
Gambadant, chantant & brontant,
Et faifant mainte place nette.
L'ennemi vient fur l'entrefaite.

Fab. 6. L.6.

Fuyons, dit alors le Vieillard.

Pourquoi répondit le paillard;

Me fera-t-on porter double bât, double charge?
Non pas, dit le Vieillard, qui prit d'abord le large,
Et que m'importe donc, dit l'Ane, à qui je fois
Dès que je dois être à un maître?
Sauvez-vous, & me laiffez paître :
Je vous le dis en bon François.

FRANCFORT (le 22 Mai). On apprend que tous les émigrés François ont reçu l'ordre de fortir de Treves, en vertu d'une déclaration de l'électeur, remife aux princes, freres du roi, en date du 3 Mai, & dont M. Duminique, miniftre de S. A. Elect. a envoyé une copie, avec une note datée du même jour, à M. Bordeaux, chargé d'affaires de France près la cour de Coblentz. Cette déclaration porte, entre autre chofes, que » S. A. S. Elect.

vient de donner les ordres les plus précis. " & les plus férieux à fon gouvernement de la ville de Treves & à fes baillifs des bailliages de Witlich & de Pfalz, que tous "les François émigrés de quelqu'état & condition qu'ils foient, quittent & évacuent le 8 de ce mois la ville de Treves, les villes de Witlich & de Pfalz, & tous les villa"ges appartenans aux bailliages de Witlich & » de Pfalz; que fi les François émigrés, éta"blis dans la ville de Treves & dans les bail

liages fufdits, font peut-être dans le cas de » ne pas trouver un afile hors l'électorat de " Treves, S. A. S. Elect. ne s'opposera pas "qu'ils viennent fe rendre dans le bas-arche" vêché, au-delà du Rhin, & préférera même

de les y recevoir en plus grand nombre, "parce qu'ils ne pourront pas faire ombrage

» dans cet éloignement des frontieres, que de » les laiffer, même en petit nombre, près des » frontieres de la France ». Cet ordre a dû s'être effectué.

Un des quatre métropolitains vient de recevoir l'envoyé de France, jacobin très- décidé, tandis qu'il perfifte depuis plufieurs an nées à ne reconnoître ni à recevoir l'envoyé du Pape, qui comme fouverain temporel,& plus encore comme chef de l'Eglife & pere commun des évêques & des peuples, doit fentir vivement ce contrafte diplomatique; furtout dans un moment où toute l'Allemagne paroît s'ébranler pour remettre en fa place la Religion & le droit des gens,

FRANCE.

PARIS (le 24 Mai). Les circonstances devenant de jour en jour plus difficiles pour les miniftres, celui de la guerre a annoncé à l'affemblée fa démiffion par la lettre fuivante :

Mes forces ne fuffisent plus à mes devoirs ; mais en quittant le poste où la confiance du roi m'avoit placé, j'emporte avec moi la confcience d'avoir Servi la chofe publique avec un zele & un dévouement Jans bornes. Ce zele m'a foutenu jufqu'au moment où j'ai cru ne pouvoir plus être utile, en restant dans le miniftere. C'est à l'armée, c'est au milieu de mes freres d'armes, que je pourrai donner encore des preuves de mon attachement à la caufe que nous défendons. Puillé-je être témoin du retour à la difcipline & à l'obéissance, fans lefquelles les troupes les plus nombreufes ne peuvent qu'effuyer des reyers! Beaucoup d'excellens officiers refufent de commander, & demandent à fervir comme fimples volontaires. L'affemblée-nationale sentira aisément combien cette perte feroit funefte; car rien ne peut remplacer le talent & l'expérience, lorsqu'ils font unis

au patriotisme. Les dernieres mesures que Taffemblée a prifes, prouvent qu'elle veut que l'infubordination dans les troupes Soit févérement punie. Je crois de mon devoir de lui rappeller encore que fans la plus exacte difcipline, la gloire du nom françois, la conftitution, la liberté font dans le plus éminent danger. J'efpere que l'aßemblée - nationale trouvera bon que je me rende à mon pofte, pour y être employé dans l'armée, à mon grade de maréchal-decamp. Sous très-peu de jours je rendrai compte à raffemblée de l'administration de mon département.

[ocr errors]

Le motif de la retraite de M. de Graves, porte, fuivant cette lettre, fur l'épuisement de les forces; mais on croit que fon motif réel a été la répugnance qu'il avoit de traiter avec certains miniftres, & le véritable fujet de fon mécontentement, l'adoption du plan d'attaque par lequel la France a fi mal débuté, auquel il s'étoit oppofé de toutes fes forces, dont il avoit prévu & représenté les fuites au confeil du roi, & qui n'eût point paffé fans la perfévérance de M. Dumourier dans les idées que celui-ci avoit conçues d'après fes correfpondances particulieres. Quoi qu'il en foit, le roi a accepté fa démiflion & nommé à fa place M. Servan, frere de l'avocat général du parlement de Grenoble. C'est un fimple colonel d'un des trois régimens formés de la gardenationale parifienne foldée. L'on ne peut fans doute lui refufer du courage, puifqu'il a eu celui d'accepter le miniftere après l'exemple de tant d'autres qui n'ont pu s'y foutenir que quelques jours. Du refte, le nouveau miniftre a fait fa premiere entrée dans l'affemblée le 11 de ce mois; il étoit accompagné du miniftre des affaires étrangeres. Connoiffant l'efprit qui

« PreviousContinue »