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torieux du plaifir, de la gloire & de luimême. Qu'on le faffe monter aux premieres dignités d'un empire; il honorera toutes les ,, places, il fera au-deffus de toutes les gran,, deurs. Qu'on le dépouille de fes titres & de ,,fa puiffance: il refte tout entier, moins fameux peut-être, mais toujours grand, puifqu'il eft vertueux. Les orages de la fortune ont beau tonner fur fa tête, la paix regne dans fon cœur, »

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"Rien n'échappe au naufrage des tems, trophées, trônes, ftatues, monumens du génie & de la valeur. Au milieu des débris ,, du monde qui s'entaffent à chaque inftant, ,, qu'a-t-il à regretter ou à craindre? Tout eft en lui-même. Certes, il n'y a qu'un Dieu ,, capable de former un chrétien! Hors ce ,, prodige renouvellé fans ceffe, & toujours ,, trop rare, la terre n'offre plus rien qui foit ,, digne des regards d'un Dieu. »

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Quelques réflexions très-courtes font mêlées de tems en tems à des obfervations plus foutenues, & fervent en quelque forte de repos à l'attention du lecteur. Mais fi leur briéveté ne les rend pas fatigantes, leur jufteffe & la maniere faillante dont elles font énoncées ne peuvent que les graver profondément dans la mémoire.

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"Le calice de la mort eft affreux, lorsqu'il faut le boire tout d'un trait; mais quand on l'a favouré en détail pendant le cours 33 de la vie, en fupportant avec douceur la maladie, les pertes, les féparations & autres épreuves, qui font autant de gouttes

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de cet amer breuvage, on s'y accoutume enfin tellement qu'à la derniere heure, où il ne reste plus qu'un peu de lie, on l'acheve au moins avec courage, quelquefois avec goût. »

Ce précepte évangélique qui a effrayé tout ,, l'univers, la haine de foi-même, eft auffi bien trifte pour le libertin, puifqu'en con féquence il eft obligé de fe haïr tout en,, tier, fon imagination, fon entendement, fa ,, mémoire, fon cœur, fes penfées, fes paroles, fes affections, fes actions, fon corps, fon ame, fes amis, fes biens, fes plaisirs, fes honneurs, fa vie & tous les momens qui la compofent. En effet, que trouvera-t-on dans lui qui ne fe reffente de fa corruption? Mais pour le jufte, la haine de foi-même ,, n'eft que la haine de ce qu'il craint & méprife déjà.,,

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"On tient tout ce que le cœur a promis, » & prefque rien de ce que promet la raison. » De-là les infidélités continuelles qu'on fait à » Dieu.

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"Le cœur eft bien plus intime à l'homme » que la raifon. Le cœur eft un confident » chéri, un ami toujours préfent, un flatteur » adroit à prévenir nos befoins les plus fe

crets, & à déguifer nos foibleffes fous les » apparences les plus féduifantes. La raifon » n'eft qu'un magiftrat férieux, qui veille au bon ordre, fans s'amufer à écouter le détail minutieux de nos fantaifies. Comme notre agent fidele, l'un ne s'infinue dans le

commerce de la fociété, que pour y tra"vailler finement à nos intérêts. Etranger juf "ques chez nous, l'autre ne paroît entrer » dans la difcuffion de nos affaires domesti »ques, que pour détourner ce qui nous ap » partient au profit public, & nous donner » le tort vis-à-vis de tout le monde..... Pref» que fans ceffe ils font en guerre; quand par "hafard ils font la paix, & s'accordent à vi,,vre en bonne intelligence, c'eft ou le plus ,, grand bien ou le plus grand mal de l'hom. ,, me, felon l'objet en faveur duquel leur réconciliation eft ménagée.,,

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Après ces judicieuses moralités, vient une hiftoire finguliere que je connoiffois déjà, mais que l'efpece d'affabulatio ou document moral, qui la conclut, rend particuliérement ré marquable.

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Comme je crains de remuer les cendrés des morts, ayant toujours eu pour principe de refpecter leur mémoire, je ne nommerai aucun des perfonnages dont je vais par,, ler, quoiqu'il ait été fort mention d'eux dans les gazettes d'Europe.

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Un grand Seigneur s'étant pris d'une belle paffion pour une dame célebre, entreprit de la lui déclarer d'une maniere nouvelle & ,, plus piquante, dans un drame qu'il compofa exprès, & qu'on nomma Comédie. La ,, piece parut belle à la plupart des connoiffeurs, quoiqu'ils n'en pénétraffent pas le deffein. En particulier l'héroïne, qui en étoit l'objet, y remarqua des traits fi fins, fi délicats, qu'elle voulut en faire les honneurs,

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& la jouer elle-même un jour de réjouiffances publiques.,,

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L'auteur étoit au comble de fes vœux ! Auffi fe chargea-t-il volontiers des fraix de la représentation; & l'on peut bien penser ,, qu'il n'épargna rien pour rendre la fête fu,, perbe. Habits, décorations, fymphonie, tout fut magnifique, admirable. Les feules machines, employées à ce fpectacle, lui coûterent plus de trente mille écus. Or, dans une de ces machines étoit cachée la dame en question fous une grande nuée ,, qu'il avoit fait peindre avec une attention finguliere. Il fe tenoit fort près de là, lorf ,, qu'au fignal qu'il donna à un homme tout dévoué à fes ordres, le feu prit à la toile de la nuée. La maifon, qui valoit cent mille écus, fut prefqu'entiérement réduite en cendres; mais la perte d'un million d'or ne l'auroit pas touché dans cette circonstance favorable, où, pour dérober aux flammes fa Dulcinée, fa belle, il lui fallut bien l'em,, porter dans fes bras, &, ce que tous les Céladon, les Dom Quichote eftiment une fortune en ce pays-là, il eut le plaifir indicible de toucher à fon pied....

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Mais qu'il paya cher un bonheur fi court! La plus cruelle destinée en fut la suite. Témoin de ce qui s'étoit paffé, un petit page ,, eut l'indifcrétion d'en parler à la perfonne du monde la plus intéreffée à cette nouvelle extrêmement défolante à toutes fortes d'égards; & l'on apprit peu de jours après que le malheureux feigneur, étant feul dans

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fon carroffe, avoit été tué d'un coup de pistolet.,,

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Doit-on regarder ce dénouement tragi,, que, comme l'effet des reffentimens d'un ,, époux qui fe crut outragé, ou de la jaloufie d'une premiere maîtreffe dédaignée, ou de la noire intrigue de quelques rivaux ? C'est ,, ce que j'abandonne à la fagacité des hifto,, riographes, & des politiques fi féconds en ,, conjectures. Il me femble découvrir dans cette anecdote quelque chofe de plus im,, portant, & de plus digne de notre curiofité même..... Et quoi donc? Un emblême du ,, monde. Oui, le monde eft plein de pareils foux qui facrifient leur véritable bonheur à la plus fotte vanité, à mille amusemens ,, puériles ou extravagans. Que voit-on dans. le monde, que des fcenes théâtrales, pref,, que toujours interrompues, ou terminées " par de terribles cataftrophes ; qu'un mélange informe de faux plaifirs, de fauffe ,, gloire, de fauffes vertus, & d'accidens ino,, pinés, de ruines fubites, de morts imprévues? Tel eft par-tout l'ouvrage des paffions.

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En vérité, quand on lit l'hiftoire du monde avec un fentiment profond de la fin ,, pour laquelle il a été créé, peut-on n'être ,, pas furpris de l'extrême petiteffe de fes hé,, ros, & fur-tout effrayé du nombre prodi

digieux d'exemples de la folie humaine!,,

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