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ordres de professeurs, ordinaires, extraordinaires et Privat-Docenten, c'est-à-dire, titulaires, adjoints, aggrégés, ainsi que sur la distinction du traitement fixe et du traitement éventuel. Au contraire, voulez-vous avoir l'idéal d'une organisation absurde de l'enseignement supérieur? Imaginez la nomination de professeurs titulaires faite par voie de concours, en quelques semaines, entre des jeunes gens qui souvent n'ont pas écrit deux lignes ni professé une année, et qui, au bout de quelques épreuves, reçoivent quelquefois à vingt-cinq ans un titre inaliénable, qu'ils peuvent garder jusqu'à soixante-dix ans sans rien faire; recevant, dès le premier jour de leur nomination jusqu'à la fin de leur vie, le même traitement, qu'ils aient beaucoup d'élèves ou qu'ils en aient peu, qu'ils ́se distinguent ou ne se distinguent point, qu'ils languissent ignorés ou qu'ils deviennent des hommes célèbres. C'est pourtant dans un pays civilisé, tout près de l'Allemagne, que se trouve une semblable organisation; et, chose admirable, elle s'y trouve bien moins soutenue par l'autorité que par une fausse opinion publique; à tel point qu'il y a sept à huit mois, MM. Broussais et Magendie, en possession d'une gloire européenne, après vingt ans de leçons publiques et de grands succès dans l'enseignement, allaient être forcés de se mettre au concours, pour avoir le titre de professeurs, avec des enfans qui peut-être n'avaient pas achevé de lire les ouvrages que ces deux hommes célèbres ont écrits. >>

Ce petit nombre de pages, extraites du gros volume` qu'occupe le Rapport si substantiel de M. Cousin, doit suffire pour faire sentir à ceux de nos lecteurs qui s'oc

cupent de l'instruction publique, tout le fruit qu'ils pourront retirer de la lecture de l'ouvrage même, et pour justifier aux yeux des autres la réputation dont jouissent les établissemens d'instruction de la studieuse Allemagne.

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ÉCONOMIE POLITIQUE.

JOHN HOPKINS, OU NOTIONS SUR L'ÉCONOMIE POLITIQUE; par l'auteur des Conversations sur la Chimie, sur l'Économie Politique, etc.

(Second article. Voy. p. 388 du T. précédent.)

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(L'intérêt qu'a excité la lecture du conte des Trois Géans que nous avons extrait de cet ouvrage, dans notre cahier précédent, nous engage à insérer encore le morceau intitulé, De la population, ou l' Ancien monde, qui fait suite à celui que l'on a lu, et qui renferme les raisonnemens les plus clairs et les plus sages sur ce sujet fort important pour le peuple des sociétés modernes. C'est un simple dialogue qui s'établit entre John Hopkins et sa femme, après le récit allégorique du colporteur. Nous doutons un peu qu'il y ait en Angleterre beaucoup d'ouvriers capables de raisonner aussi juste que Hopkins

sur la question épineuse de la population; mais le dialogue n'en est pas moins très-intéressant et en même temps d'une intelligence facile).

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De la population, ou L'Ancien monde.

«Mon père,» dit Tom, le lendemain du jour où le colporteur avait conté son histoire des Trois Géans, je ne puis comprendre pourquoi nous sommes si pauvres dans notre vieille Angleterre, car les géans, ou les grands pouvoirs de la nature, travaillent pour nous plus qu'ils ne faisaient pour les colons dont on nous a raconté l'histoire ; leurs mauvaises scies, leur petit moulin à vent et leur chétive manufacture, ne peuvent pas se comparer à toutes les fabriques qui sont établies dans notre île, et cependant ils vivaient dans l'abondance tandis qu'ici nous mourons presque de faim. »

« Leur île n'était qu'une coquille de noix, en comparaison de la nôtre,» répondit Hopkins, « et ils étaient si peu nombreux que leur manufacture et leur moulin, tout imparfaits qu'ils étaient, suffisaient à leurs besoins; tandis que chez nous, il y a un beaucoup trop grand nombre d'habitans, en proportion des fabriques et des manufactures. >>

« Il n'y a donc rien de mieux à faire que d'en établir de nouvelles,» dit Tom ; « on est sûr de ne pas manquer de bras. »

« C'est fort bien dit,» reprit son père; «mais il faudrait avoir de quoi payer la construction de toutes ces fabriques, et malheureusement l'argent est bien rare. »

« Il ne peut être plus rare que dans les colonies dont nous parlons; puisqu'on ne faisait pas même usage du peu qu'on avait apporté. Pourquoi ne pourrait-on pas bâtir ici sans argent, comme on le faisait là-bas? On nourrirait les ouvriers, au lieu de leur payer des gages.»

<«Cela reviendrait au même,» dit Hopkins; «il en coûterait autant pour nourrir et habiller les ouvriers, que pour leur donner des gages. Le malheur de notre pays, c'est qu'il y a trop d'habitans en proportion de la nourriture, des vêtemens et des maisons qu'on peut leur fournir. Sans aller chercher bien loin un exemple, prends celui de notre triste position. Ta mère a donné le jour à seize enfans, tandis que nous n'avions pas de quoi nourrir la moitié de ce nombre. Mais tu es trop jeune pour comprendre ceci. Ainsi, mon pauvre Tom, va à ton ouvrage, et ne reste plus là sans rien faire. ».

Lorsque son fils fut parti, la mère s'écria douloureusement «N'est-il pas bien cruel, après avoir travaillé jour et nuit pour ses enfans, de n'avoir pas toujours de quoi apaiser leur faim et les garantir du froid, et enfin de ne pouvoir leur donner assez d'instruction pour faire leur chemin dans ce monde? Vous savez combien nous avons eu de peine à placer Richard et Nancy; et maintenant je cherche vainement une place pour ma pauvre Jenny. Je l'ai envoyée hier se présenter chez le fermier Wilkins. Croyez-vous qu'on lui avait déjà présenté cinq ou six jeunes filles? Chacune a baissé ses prétentions pour se faire accepter; et il en a enfin engagé une qui s'est contentée pour tout gage, de sa nourriture et d'une paire de souliers par an.»

« C'est, comme je vous le disais, parce qu'il y a plus de domestiques qui cherchent des maîtres, que de maîtres qui veulent des domestiques,» répondit John.

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<«< Et qu'en ferons-nous à la maison? » s'écria la mère; «< car à présent qu'elle est grande, elle a un appétit qu'il n'est pas aisé de satisfaire. Pauvre Jenny! ce n'est pas la bonne volonté qui lui manque; elle gagnerait bien volontiers le pain qu'elle mange, si on lui en fournis-· sait les moyens. Mais on a refusé de la prendre au moulin; et il y a plus d'ouvrières qu'on n'en veut à la manufacture. >>

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«C'est parce qu'il y a plus de bras pour travailler, que d'ouvrage à faire;» répondit Hopkins du même ton.

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Vous me chantez toujours la même chanson, » s'écria la femme avec impatience. «Apprenez-moi plutôt où je pourrai trouver du pain pour nos pauvres enfans. » — « Hélas! » répondit John avec un soupir, « vous m'en demandez plus que je ne peux vous en dire. » — « Mais ne pouvez-vous au moins deviner la cause de notre détresse? >> dit-elle avec instance. - «La cause est bien facile à deviner,» dit-il ; « c'est qu'il y a plus de bouches à nourrir, que de pain pour les remplir.: »>« Et n'y a-t-il point de remède? Notre malheur est-il sans ressource?» dit-elle avec impatience. - «C'est là le point difficile, ma pauvre femme; et maintenant que nous avons une si nombreuse famille sur les bras, il faut faire de notre mieux pour l'entretenir, et diviser entr'eux le peu que nous pouvons gagner. Mais si nous avions eu moins d'enfans, il est certain que nous aurions eu plus de moyens de les rendre heureux. Voyez notre voisin Fairburn,

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