Page images
PDF
EPUB

second volume, qui complétera l'ouvrage, ne tardera pas à paraître. Le volume que nous avons sous les yeux, renferme deux parties distinctes. La première nous occupe de l'état politique de la Suisse et de ses relations avec l'étranger, jusqu'à la bataille de Pavie. Cette partie est instructive, quoique fort attristante pour un cœur suisse. C'est l'époque la plus marquée de cette ardeur inconsidérée et mercenaire des Suisses pour le service étranger. Nous y voyons la sagesse de quelques gouvernemens des Cantons, luttant en vain contre cette manie entretenue par l'esprit de vagabondage, l'attrait du pillage et un faux point d'honneur militaire. La leçon sanglante des revers en devient le remède. La seconde partie nous retrace la révolution religieuse qui, pendant que la guerre grondait au dehors, vint agiter les Cantons. Ainsi les deux traits saillans de l'époque sont reproduits aux yeux du lecteur, Cet ouvrage annonce un travail approfondi et consciencieux. Les faits y sont exposés avec simplicité, avec clarté, avec chaleur, sans longueurs, et avec une grande impartialité. Les faits glorieux, comme les fautes, y sont fidèlement représentés. Ce sont de belles pages ajoutées à celles de l'homme célèbre qui est le père de l'histoire helvétique. Nous formons des vœux pour que M. Hottinger, plus heureux que ses prédécesseurs, puisse achever l'œuvre qu'il a si honorablement commencée, et à laquelle l'appellent tout particulièrement son caractère, son savoir, et ses talens. Il a trouvé dans M. Vuillemin un digne interprète. Sa traduction pourrait passer pour un ouvrage original, tant son style est pur et étranger à tout germanisme. M. Vuillemin a fait précéder sa traduction d'une adresse aux Confédérés, qui sera entendue de tous ceux dont l'âme est accessible aux sentimens de la religion et de la patrie. Il ne sait point séparer ces deux nobles émotions du cœur. Elles doivent demeurer toujours associées chez le véritable fils de la patrie. Ce sont celles que nos pères, les fondateurs de l'indépendance helvétique, ne séparèrent jamais!

2) La Bible, traduction nouvelle avec l'hébreu en regard, et des notes philosophiques et littéraires; par S. CAHEN, directeur de l'École Israélite de Paris, etc. T. I à IV, comprenant les 4 premiers livres

--

[ocr errors]

du Pentateuque. 1832 à 1833. Les matières de théologie ne sont pas admises dans cette Revue littéraire. Il nous est donc interdit de rendre un compte détaillé de cette nouvelle traduction de la Bible, et de l'examiner sous le point de vue le plus important, celui de sa tendance rationaliste et de son système d'exégèse indépendante qui ont excité contre M. Cahen les critiques violentes des ennemis de l'examen. Nous nous permettrons toutefois de dire, sans approuver pour cela toutes les opinions de l'auteur, que cet ouvrage est à nos yeux un véritable service rendu à la science théologique et même à la religion. Nous en recommandons l'étude à tous les théologiens qui regardent leur raison comme un organe que Dieu leur a donné pour les élever jusqu'à Lui, et la théologie comme une science humaine, faillible par conséquent, mais perfectible à l'instar de toutes les autres.

Mais la Bible publiée par ce savant Israélite n'est pas faite pour intéresser exclusivement le théologien. C'est un ouvrage remarquable d'érudition et de littérature. Qui ne sait que la Bible, abstraction faite de sa majestueuse mission, est le monument le plus important que nous ait transmis l'antiquité, qu'elle renferme les annales d'une époque primitive, l'histoire du monothéisme, celle du plus singulier des peuples, et de sa constitution non moins étonnante par sa nature que par sa durée, une littérature et une poésie non moins originales et plus élevées dans leur tendance que celles de la Grèce ? Quelle carrière ce livre si souvent commenté, et qui a besoin de l'être encore, n'ouvre-t-il pas à la philologie et à la critique! Combien de rapprochemens lumineux à faire entre les mœurs du patriarche, les idées et les coutumes de la théocratie, et celles des autres peuples de l'antiquité, soit orientale, soit occidentale! Quelle influence les vastes acquisitions qu'a faites de nos jours la littérature asiatique, doivent exercer sur l'intelligence du texte sacré! L'Allemagne possède en ce moment des trésors que chaque année voit s'accroître. La littérature française présente au contraire une affligeante stérilité : les anciennes versions écrites avant les progrès de la philologie orientale, ne peuvent plus se lire dans leur idiôme barbare; l'excellente traduction de Genève (1805), qui a fait époque dans l'histoire de la

littérature biblique en France, n'a point fermé la carrière à d'autres essais, et n'est d'ailleurs accompagnée d'aucune note. C'est là surtout ce qui fait le prix de la Bible de M. Cahen. Ses remarques critiques et littéraires sont pour la France une véritable et utile nouveauté. Sans prétendre faire un choix, nous en citerons un petit nombre pour donner à nos lecteurs quelque idée de la manière de voir et des connaissances philologiques de ce nouvel interprète.

GEN. VI, V. 4.

Version de Genève.

Dès le temps où les fils de Dieu s'étaient unis avec les filles des hommes, et en avaient eu des enfans, on avait vu sur la terre des brigands, qui s'étaient rendus redoutables par leur force.

Version de M. Cahen.

Les géans étaient alors sur la terre, même après que les fils des grands eurent eu commerce avec les filles des autres hommes et qu'ils en eurent des enfans. Ce sont les héros de toute antiquité, hommes de renom.

Note.-Hannephilim; les géans. Dans les siècles sur lesquels le flambeau de l'histoire ne peut jeter qu'une pâle lueur, tout s'aggrandit, la durée vitale, la taille, la force corporelle des hommes, à l'instar d'objets vus à travers les ténèbres; mais avec les progrès de la raison tout reprend ses vraies dimensions. Cette tradition est d'une haute antiquité. Le mot hébreu semble désigner des hommes déchus (racine Náphal). Haggibborim, les héros. Septante, yeyavTES, géans. Seraient-ce les dieux Cabires?

EXODE XXIII. 9.

Version de Genève. Vous n'opprimerez point l'étranger; vous savez ce que c'est que d'être étranger, puisque vous-mêmes l'avez été au pays d'Égypte.

Version de M. Cahen.

N'opprime pas l'étranger ; vous connaissez la vie de l'étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte.

Note.

- Littéralement : : «Vous connaissez l'âme, la condition de l'étranger. » Ce sentiment se retrouve dans ce vers si touchant de

Virgile :

Non ignara mali, miseris succurrere disco.

EXODE XV.

CANTIQUE DE MOÏSE APRÈS LE PASSAGE DE LA MER ROUGE.

Version de Genève.

Alors Moïse et les Israélites chantèrent ce cantique en l'honneur de l'Éternel: «Je chante rai en l'honneur de l'Éternel; il a fait éclater sa gloire, il a jeté dans la mer le cheval et le cavalier; l'Éternel est ma force, il a été mon salut; c'est lui que je chanterai. Il est mon Dieu, je le célébrerai; il est le Dieu de mon père, je l'exalterai; le guerrier qui a combattu, c'est l'Éternel, son nom est l'Éternel. Il a précipité dans la mer les chariots et l'armée de Pharaon, et l'élite de ses capitaines a été engloutie dans la mer Rouge; ils ont été ensevelis dans les gouffres; ils sont tombés, comme une pierre, jusqu'au fond des eaux. Ta droite, ô Éternel, a signalé ta puissance! Ta droite, ô Éternel, a écrasé l'ennemi. Par l'éclat de ta majesté tu as détruit ceux qui s'élevaient contre toi; ta colère s'est

Version de M. Cahen.

Alors Mosché et les enfans d'Israël chantèrent ce cantique à l'Éternel, et dirent: Je chante à l'Éternel, car il a glorieusement triomphe; le coursier et son cavalier, il (les) a précipités dans la mer. Ma victoire, mon chant, c'est Iâh; c'est lui qui fut mon secours. Il est mon Dieu, je veux le glorifier, le Dieu de mon père, je veux l'exalter! L'Éternel est maître de la guerre; l'Éternel est son nom, il a lancé dans la mer les chariots de Par'au et son armée. L'élite de ses capitaines, il les a submergés dans la mer de Souph. Les abîmes les ont couverts, ils sont descendus dans les profondeurs, comme une pierre. Ta droite, ô Éternel, est formidable par la force ; droite, ô Éternel, brise l'ennemi. Par la grandeur de ta majesté, tu renverses tes adversaires, tu fais éclater ta colère, qui les consume comme de la paille.

ta

enflammée, et les a consumés comme de la paille; par ton souffle les eaux ont été amoncelées; les flots arrêtés dans leur cours ont formé une masse au sein de la mer; les eaux se sont durcies comme de la glace; etc.

Au souffle de tes narines les eaux se sont amoncelées, les courans se sont arrêtés comme un mur; l'abîme s'est solidifié dans le milieu de la mer, etc.

Note. Jaschir Mosché. Cette ode est destinée à célébrer la puissance que l'Éternel a manifestée en faisant périr Par'au et son armée dans les eaux de la mer Erythrée. Des pensées élevées, exprimées par deux ou trois mots, caractérisent cette composition poétique. Elle se distingue de tous les cantiques du Pentateuque, par la simplicité des termes, l'extrême lucidité des idées, la vérité des images et la vivacité du coloris, qualités qui constituent le vrai sublime. Toutes les comparaisons sont empruntées à la nature inorganique. Sous le souffle de Dieu, les eaux s'élèvent comme des murs; sa colère dévore les Égyptiens comme de la paille; comme du plomb, ils tombent dans la mer. Dans la bénédiction de Jâcob, dans celle de Moïse, la plupart des métonymies se rattachent à la nature organique. Cette différence mérite d'être remarquée, etc.

« PreviousContinue »