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était du devoir de tout employé de donner son nom à toute personne qui le réclamerait.

M. de Bullemont lui demanda de me faire des excuses. Sur son refus, M. de Bullemont lui déclara qu'il ne pouvait pas continuer à faire partie de l'administration.

Le chef du cabinet du Préfet de police m'écrivit la lettre ci-dessous :

Monsieur le Conseiller municipal,

19 juin 1876.

Pour faire suite à notre entretien de l'autre jour, je m'empresse de vous faire connaître que l'employé de ma division dont vous aviez à vous plaindre vient d'être l'objet de la part de M. le Préfet d'une mesure de révocation, et qu'au moment où je vous écris il ne fait plus partie du personnel de l'administration.

Le chef de cabinet,

PAUL JOLLY.

Le Préfet me renouvela ses excuses de vive voix. C'était fort bien. Mais le nom? Le bureau du Conseil municipal le demanda de son côté. Il n'y eut pas moyen de l'obtenir. Je suis convaincu que, sorti par une porte, cet employé est rentré par une autre, et que son outrage à un conseiller municipal lui a valu un avancement inespéré. La mesure n'était qu'une mesure de parade.

J'ai cité dans la Prostitution1 un échantillon du langage de M. Coué, le chef du second bureau de la 1re division. Ab uno disce omnes.

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CHAPITRE IV

LES COMMISSAIRES DE POLICE

Magistrats indépendants. — Les

Isolement et

Les commissaires de police. État d'hostilité de la Préfecture de police contre les commissaires de police. officiers de paix. La comptabilité de M. Mangin. effacement des commissaires de police. Conflits. surannées. La surveillance des théâtres.

Attributions

On lit dans les Notes sur l'organisation de la Préfecture de police (août 1880):

« Les commissaires de police sont des magistrats nommés par le Président de la République sur la proposition du Ministre de l'intérieur. Ils sont placés sous les ordres du Préfet de police.

>>

En réalité, la première phrase n'est que l'expression d'une de ces fictions si nombreuses dans notre organisation administrative. C'est le Préfet de police qui a la véritable nomination des commissaires de police; on verra plus loin qu'ils sont souvent nommés à la suite d'un concours; et les juges de ce concours appartiennent exclusivement à la Préfecture de police.

Du reste, il est tout naturel que ce soit le Préfet de police qui ait la haute main sur leur nomination; il est responsable de leurs actes; ils sont ses surbordonnés permanents.

Je signale ce fait, parce que, dans une organisation de la police réellement municipale, les commissaires de police devraient être, soit nommés par le pouvoir municipal sur la présentation du directeur de la police municipale, soit

si

choisis à l'élection, comme dans l'organisation municipale de 1790; et il est bon de montrer immédiatement que on objectait le mode actuel de nomination des commissaires de police, cette objection ne serait pas sérieuse.

Les Notes sur la Préfecture de police définissent de la manière suivante le caractère et les attributions des commissaires de police:

« Leurs attributions sont administratives et judiciaires. << Ils concourent à la police générale, veillent à l'observation des lois qui intéressent le bon ordre et la sûreté publique et assurent l'exécution des ordonnances de police. Ils se tiennent en contact permanent avec la population. Si un accident grave se produit, ils prennent d'urgence toutes les mesures que nécessitent les circonstances, procèdent aux actes de leurs fonctions et préviennent l'autorité supérieure.

<< Comme officiers de police judiciaire, ils sont les auxiliaires du procureur de la République en matière correctionnelle et criminelle, et remplissent près le tribunal de simple police les fonctions du ministère public.

<«< Les commissaires de police ont le droit d'exercer dans toute l'étendue de Paris.

« La circonscription qui leur est assignée ne limite pas leurs pouvoirs, mais fixe les lieux où ils doivent se tenir constamment à la disposition du public. » (P. 9.)

D'après cette définition des attributions et du caractère des commissaires de police, définition empruntée, du reste, à la législation, on devrait croire que la véritable police administrative et judiciaire à Paris se fait par l'entremise des commissaires de police. Et en effet, c'est ce qui devrait être.

Il n'en est rien. Tandis que la Révolution avait voulu faire du commissaire de police un magistrat très considéré, largement rémunéré, se présentant aux populations avec un caractère de haute estime, l'organisation de la Préfecture de police, telle qu'elle est résultée de l'Arrêté de messidor, a eu pour résultat de l'effacer, de diminuer

son rôle, de le réduire à n'être qu'un simple subordonné, relégué dans son quartier, considéré avec une sorte de méfiance hautaine par l'administration centrale.

D'après le décret du 17 septembre 1859, il y avait un commissaire de police par quartier; puis 28, groupés deux à deux, furent placés sous l'autorité d'un seul commissaire.

En 1871, le Chef du pouvoir exécutif rétablit le chiffre de 80. Au 31 août 1874, un décret le réduisit à 70. Maintenant, il y a 75 commissaires de police attachés aux quatrevingts quartiers, 3 commissaires chargés de délégations judiciaires et spéciales; 1 commissaire de police près la Bourse; 6 commissaires de police attachés au service de la garantie des matières d'or et d'argent: soit un total de 86.

Le service actif de chaque arrondissement est fait sous la surveillance d'un officier de paix qui relève directement du chef de la police municipale.

La nomination des officiers de paix appartenait, d'après la loi de 1791, aux officiers municipaux et leur exercice devait durer quatre ans ; d'après la loi du 25 floréal an IV, ils étaient nommés par le département de la Seine sur une liste triple, présentée par le bureau central. Elle leur donnait le droit de sommer les citoyens de leur obéir sous peine de trois ans de prison. Depuis l'ordonnance du 25 février 1825, ils ne dépendent que du Préfet de police.

Dans l'organisation actuelle de la police, à Paris, le commissaire de police, qui est un magistrat, joue un rôle amoindri à l'égard de la Police municipale.

L'officier de paix est en communication télégraphique directe avec la Préfecture de police, va tous les jours au rapport, à la Préfecture de police. Deux fois par jour il y envoie le compte rendu complet de la police de son arrondissement. Il reçoit son inspiration directe du chef de la Police municipale. C'est lui qui commande à tous les gardiens de la paix de l'arrondissement; ils relèvent de lui et non du commissaire de police. De là, des

conflits permanents. L'officier de paix pousse souvent ses agents à multiplier les contraventions, alors que le commissaire de police trouve qu'elles sont trop nombreuses.

quar

Un accident a lieu, un crime a été commis sur la voie publique l'officier de paix est informé; la police municipale le connaît; le commissaire de police dans le tier duquel a eu lieu l'accident ou le crime peut l'ignorer. Cela n'arrive pas pour les choses graves, soit; mais il y a des cas où les gardiens de la paix ont reçu des reproches, parce que le commissaire de police avait été immédiatement et directement informé par eux.

Devant la Commision du budget de 1881, le Préfet de police et le chef de la police municipale avaient déclaré qu'ils ne croyaient pas que ces cas pussent se produire.

De nouvelles et plus complètes informations, prises par moi, me permettent d'affirmer l'existence continue de ces conflits.

Des gardiens de la paix de service la nuit relèvent des contraventions. Qui en est informé? L'officier de paix. Elles n'arrivent au commissaire de police que par son intermédiaire, et les contrevenants qui espèrent empêcher d'y donner suite vont le matin, vers dix heures, assiéger l'officier de paix pour lui demander de ne pas les transmettre. A l'instar du Préfet de police, il peut « étouffer l'affaire ».

Autre exemple. Des gardiens de la paix arrêtent une personne. Le commissaire de police trouve que l'arrestation a été arbitraire ou trop prompte. Il relâche la personne. L'officier de paix peut prendre fait et cause pour les gardiens de la paix et réclamer contre le commissaire1.

Cette subordination du commissaire de police à l'agent inférieur fut organisée d'une manière très simple par M. Mangin. Il ordonna que chaque commissaire de police

1. Voir liv. IV, ch. VI, les Responsabilités.

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