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LIVRE PREMIER

LE ROLE DE LA POLICE DANS LE PASSÉ

Rome.

CHAPITRE PREMIER

LA POLICE DANS L'HISTOIRE

Organisation guerrière. Importance de la police.

chie absolue. - Droits régaliens.

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MonarDelamarre. L'âme de la cité.

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Les biens de l'âme, du corps et de la fortune. >> La police des habits. Prévenir le mal, faire le bien. Prétention de la police. Prévenir et réprimer. Les attributions de la police sont en raison inverse du droit de l'individu.

A Rome, l'individu n'était qu'une molécule de la cité. L'organisation était guerrière. Résister aux attaques des voisins et les soumettre : tel était le seul idéal de la plupart des cités antiques. Le citoyen n'était qu'un soldat, faisant faire par des esclaves le travail utile. Les dieux étaient les dieux de la cité, la religion dominait les institutions politiques. Le commerce ne se faisait point en vertu de l'application régulière de la loi de l'offre et de la demande; l'approvisionnement était souvent le résultat d'un tribut.

Il en résultait que les censeurs, plus tard, le préteur, assisté des édiles, sous Auguste, le préfet de la ville, avaient les droits de police les plus étendus. Non seulement ils devaient surveiller la propreté des rues, l'entretien du pavé, les quais, les étalages, la solidité des con

structions, les poids et mesures, les tavernes, les jeux, les incendies, mais encore ils avaient tout pouvoir pour s'ingérer dans le commerce, ils devaient veiller à l'approvisionnement de la cité, ils appliquaient les lois somptuaires, ils maintenaient la religion; en un mot, ils avaient le droit de s'occuper de tout et de régler chacune des actions de l'individu. Ils avaient de plus un droit de juridiction immédiat et absolu. Ils pouvaient briser sur place les mesures qu'ils jugeaient fausses, mettre en pièces et brûler les objets qui encombraient la voie publique, et faire donner des coups de baguette aux gens de condition servile ou « du menu peuple »,'coupables de désordre ou d'insolence.

:

Sous la monarchie absolue, il ne devait y avoir qu'une volonté, qu'une initiative dans la nation celle du roi. Lui seul avait des droits; ses sujets n'avaient que des privilèges qu'il voulait bien leur concéder. Il ne devait pas y avoir une autre foi que la sienne, pas une autre pensée que la sienne, pas une autre action que la sienne. Il était arrivé à faire du droit que tout homme a d'employer ses forces et ses facultés, selon sa volonté, à la satisfaction de ses besoins, un droit régalien. Ses sujets devaient lui acheter le droit de travailler, le droit d'échanger, le droit de se déplacer. Dans cette conception, la police s'attribue un droit de direction sur tous les actes des citoyens.

Delamarre, qui écrivait son grand Traité de la police à la fin du dix-septième siècle, expose très naïvement ces prétentions. Selon la mode du temps, éprouvant le besoin de mettre sa doctrine sous le patronage des anciens, il s'appuie sur l'autorité d'Isocrate :

L'un des plus savants orateurs de la Grèce, dans un de ses discours, fait l'éloge de l'ancien gouvernement d'Athènes, et pour amener ses concitoyens à rappeler ces heureux temps, il représente que la police, dont il désirait le rétablissement, n'est autre chose que l'âme de la cité, qu'elle y opère les mêmes effets que l'entendement dans l'homme, que c'est elle qui pense à tout, qui règle toutes choses, qui fait ou qui procure tous les biens nécessaires aux citoyens et qui éloigne

de leur société tous les maux et toutes les calamités qu'ils auraient à craindre 1.

Quant à Delamarre, il accepte complètement ce rôle providentiel de la police, et il le définit ainsi:

J'ai commencé par prouver l'existence et la nécessité de la police, la dignité de ses magistrats et la soumission que l'on doit à ses lois; j'ai ensuite montré que son unique objet consiste à conduire l'homme à la plus parfaite félicité dont il puisse jouir en cette vie.

Ce bonheur de l'homme, comme chacun sait, dépend de trois sortes de biens, les biens de l'âme, les biens du corps et ceux qu'on appelle de la fortune. La privation des premiers jette les ténèbres dans son esprit, corrompt son cœur et lui fait oublier ses principaux devoirs; celle des seconds l'abandonne à la langueur et aux souffrances, et si les derniers lui manquent, il est rare, sans une grâce d'en haut ou des secours tout particuliers, qu'il puisse jouir d'un véritable repos.

On trouvera, suivant cet ordre, dans le cours de ce traité par rapport au bien de l'âme, toutes les lois qui concernent la religion et les mœurs; pour les biens du corps, toutes celles qui ont pour objet, la santé, les vivres, les habits, le logement, la commodité des voies publiques, la sûreté et la tranquillité de la vie.

La science et les arts libéraux sont une espèce de classe à part où l'on peut dire que se trouvent renfermés tous ces différents biens que la police a pour objet 2.

D'abord, le Prévôt de Paris, établi par la royauté contre les anciennes seigneuries, l'homme du roi, puis à partir d'une ordonnance de Louis XIV, en date du 18 août 1674, et d'un édit de juin 1700, le Lieutenant de police, sont chargés d'assurer aux Parisiens « les biens de l'âme, du corps et de la fortune ». Pour remplir cette grande tâche, ils chassent les juifs, surveillent les hérétiques, font observer les fêtes religieuses, les temps de pénitence, poursuivent les jurements et les blasphèmes. Ils règlent la tenue des habits, des meubles, des équipages et des bâtiments.

Trois choses occupent la police à l'égard des habits, dit Delamarre 1o les étoffes dont elle règle le commerce; 2o les ouvriers qu'elle contient dans l'ordre et la discipline

1. Delamarre, t. Ier, p 2.

2. Ibid., tome Ier, p. 6

CHAPITRE II

LES PRINCIPES DE LA RÉVOLUTION

La Constituante et la police.

Les attributions de la - Le

Rôle de l'État.
police. Le rôle de la police. La loi de brumaire an IV.

but de ce livre.

Au dix-huitième siècle, les philosophes, les physiocrates, les encyclopédistes dégagèrent très nettement le principe suivant: Le rôle de l'Etat n'est pas un rôle de Providence, chargé de pourvoir aux besoins des citoyens et de les obliger de n'agir que d'après sa permission. Chaque individu doit agir librement, employer ses soins, ses forces, ses fa-cultés, son activité, son intelligence, comme bon lui semble, sous sa responsabilité. C'est le système répressif substitué au système préventif. C'est le système de la liberté de l'individu, du self government, opposé au système de la direction par l'Etat.

La Constituante limita beaucoup le rôle de la police, qui ne fut plus chargée d'assurer de gré ou de force le bonheur intégral des citoyens. L'article 50 de la loi du 14 décembre 1789, sur la constitution des municipalités, détermine ainsi ses attributions:

« Faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. »

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La loi du 16 et 24 août 1790, titre XI, énumère de la manière suivante les attributions de la Police:

- Art. 3.- Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques; ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles.

2o Le soin de réprimer et punir les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblées publiques, les bruits et attroupements nocturnes qui troublent le repos des citoyens.

3o Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics.

4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids, à l'aune ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vente publique.

5o Le soin de prévenir par les précautions convenables et celui de faire cesser par la distribution des secours nécessaires les accidents et les fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties, en provoquant aussi, dans ces deux derniers cas, l'autorité des administrateurs de département et de district.

6o Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés ou les furieux laissés en liberté et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces.

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Il n'est plus question ici de « faire vivre chacun selon sa condition, d'assurer la subsistance des habitants », de réglementer leur toilette. Cette loi ne donne point à la police le droit de se livrer à l'espionnage des citoyens, d'entrer dans leurs réunions, d'interdire ou d'autoriser leurs associations, de détenir les livrets d'ouvriers, de constituer des monopoles, de faire toutes les ordonnances et règlements sur le travail qui se multiplièrent sous l'Empire et dont quelques-uns ont encore survécu.

L'instruction pour la procédure criminelle (préambule au titre de la police de la loi du 21 octobre 1791) explique très bien le rôle de la police et ses difficultés.

<< L'action de la police doit être assez modérée pour ne pas blesser l'individu qu'elle atteint. Il ne faut pas qu'il

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