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fon.plan, parle tantôt au roi & tantôt du roi, fans lui adreffer la parole On ne fait en quel temps l'ouvrage a été compofé. Il n'y eft point parlé de la naiffance de Louis XIV, & ce filence fur un événement de cette conféquence feroit juger que ce teftament auroit été compofé auparavant. Dans quelques endroits (a), on n'y donne à Louis XIII que vingt-cinq ans de regne, & la vingt-cinquieme année du regne de ce prince concourt avec l'année 1635. Mais dans quelques autres (b) le récit des actions de Louis XIII eft conduit, jufqu'en 1638. L'ouvrage paroît donc avoir été compofé à diverfes reprises; & ce qui femble confirmer cette opinion, c'eft qu'on y trouve d'abord une fuccincte narration de toutes les grandes actions du roi jufqu'à la paix faite en l'an.... (la date en blanc) ce qui fuppoferoit le deffein de traiter de tous les événemens jufqu'à la paix qu'on pouvoit alors regarder comme prochaine, & qui ne fut pas faite. Il y a encore des lacunes en d'autres endroits (c).

Le premier chapitre de la prémiere partie eft bien plus l'éloge du miniftre que celui du roi ; & fi Richelieu fut l'auteur de cet ouvrage, il faut avouer que non-feulement il fut peu modefte, mais qu'il eut encore l'imprudence de ne le pas paroître en parlant à fon maître. C'eft un défaut qui regne dans prefque tout l'ouvrage. Il eft peu vraisemblable que le miniftre d'un roi de quarante ans lui fafle des leçons plus propres à un jeune prince qu'on inftruit, qu'à un monarque de qui l'on dépend.

Le fecond chapitre où l'auteur traite de la réformation de l'ordre eccléfiaftique, eft étrangement bigarré. Des réflexions judicieufes y font précédées & fuivies d'une differtation fur les appels comme d'abus (d), où l'auteur fait prefque autant de fautes qu'il dit de mots. Il n'a connu ni l'origine, ni la nature, ni les vrais motifs de ces fortes d'appels, & je crois pouvoir affurer, fans craindre de me tromper, que le grand miniftre dont on a emprunté le nom, n'ignoroit aucune de ces chofes. Cette partie du teftament politique eft donc l'ouvrage de quelque eccléfiaftique ignorant ou prévenu.

On auroit moins de peine à attribuer au cardinal ce que l'auteur dit fur d'autres points qui intéreffent directement la cour de Rome. Richelieu, en qualité de cardinal, devoit être porté à favoriser les intérêts du pape; mais comme François & premier miniftre du roi, il étoit obligé au contraire d'appuyer les intérêts de la Frante contre les entreprises de Rome. On le fait parler à fon maître en ces termes (e): » Ainsi qu'il eft de leur de>> voir (des princes), de maintenir l'honneur du pape, comme fucceffeur

(a) Chap. 6 de la premiere partie, p. 176 de l'édition de 1689.

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» de faint Pierre & Vicaire de Jefus-Chrift, auffi ne doivent-ils pas céder » à leurs entreprises, s'ils viennent à étendre leur puiffance au-delà de fes limites. Si les rois font obligés de refpecter la tiare des fouverains pon»tifes, ils le font auffi de conferver la puiffance de leur couronne «. Il remarque qu'il eft difficile de bien diftinguer l'étendue & la fubordination des deux puiffances, & il donne ce confeil judicieux. » En cette matiere, » il ne faut croire ni les gens du palais, qui mesurent ordinairement la » puiffance du roi par la forme de fa couronne, qui, étant ronde, n'a » point de fin, ni ceux qui, par l'excès d'un zele indifcret, fe rendent ≫ ouvertement partifans de Rome. La raifon veut qu'on entende les uns & » les autres, pour faire réfoudre enfuite la difficulté par des perfonnes fi doctes. » qu'elles ne puiffent fe tromper par ignorance, & fi finceres que ni les » intérêts de l'Etat ni ceux de Rome ne les puiffent emporter contre la » raison. «< Rien n'eft plus fage que ce confeil..

Dans ce même chapitre, où il ne devoit être queftion que de la réformation de l'ordre eccléfiaftique, l'auteur traite des lettres. Ce n'étoit pas På le lieu d'en parler (a). La raifon qu'il donne de la place qu'il a affignée aux lettres eft digne de remarque. » Je dois, dit-il, en parler en cet en» droit, puifque leur empire eft justement dû à l'église, en tant que tou»tes fortes de vérités ont un naturel rapport à la premiere, des facrés » myfteres de laquelle la fapience éternelle a voulu que l'ordre eccléfiaf»tique fût le dépofitaire. « Quel logicien que cet auteur !

Il ne raisonne pas mieux, lorfqu'il entreprend (b) de prouver que parmi les miniftres de France, il doit y en avoir un qui ait l'autorité fupérieure. Pour ne rien laiffer à défirer fur ce fait, je vais rapporter ce qui en a été dit.

Le Long dans fa bibliotheque hiftorique, Amelot de la Houffaye dans fa traduction de Tacite, la Bruyere & le maréchal de Villars dans leurs discours à l'académie Françoise, se font accordés à l'attribuer à Richelieu.

Il y a, de ce teftament, une copie en Sorbonne, qui lui eft venue de l'abbé des Roches, fecrétaire du cardinal, lequel a légué fa bibliotheque à cette maifon. Il y en a des copies manufcrites dans plufieurs bibliothe ques; & la famille de Richelieu n'a jamais douté que ce teftament politique ne fût du cardinal.

Les chofes étoient en cet état, lorfqué Voltaire (dans un ouvrage intitulé: Des menfonges imprimés, qui fe trouve à la fuite de la tragédie de Sémiramis, pag. 161 & fuivantes) a prétendu que c'étoit l'ouvrage d'un fauffaire.

Ménard, de l'académie des belles-lettres, fit imprimer, en 1750, une

(a) Sect. X.

(b) Sect. 6 ch. 8 de la premiere partic.

brochure qui a pour titre: Refutation du fentiment de M. de Voltaire, qui: traite d'ouvrage fuppofe le Teftament Politique du cardinal de Richelieu. Cette brochure eft affez foible, & il en eft parlé page 344 du premier Journal de Trévoux de février 1750.

Il a été fait une feconde brochure par Mairan, de l'académie Françoise, qui a pour titre : Lettre fur le Teftament Politique du cardinal de Richelieu 2750; & celle-ci eft extrêmement bonne, précise & folide.

Sous le titre de Teftament Politique, nous avons deux parties diftin&tes du même ouvrage. La premiere, dit Mairan, favoir : Le Difcours Hiftorique, fert d'introduction au Teftament Politique proprement dit, qui eft la feconde. Le cardinal regardoit la paix prochaine comme le terme où il fe proposoir de finir fon hiftoire. L'ouvrage (felon Mairan, après la découverte de deux teftamens latins) devoit être compofé de trois parties, c'eft-à-dire, qu'entre les deux que nous avons, il devoir en placer une troifieme qui eût été l'hiftoire abrégée de Louis XIII pendant la paix, comme la premiere eft l'histoire des troubles du commencement de fon regne. Mairan réfute pied à pied toutes les objections de Voltaire. On ne peut rien de mieux.

Un écrivain (a) dit que ce teftament politique fut fait fous les yeux & fur les mémoires de Richelieu, par deux hommes qui lui étoient attachés, dont l'un eft Bourzeis. Il ne nomme pas l'autre.

Mairan penfe qu'il n'y a rien dans le teftament politique qui ne puisse être du cardinal de Richelieu; qu'on y trouve beaucoup de chofes qui ne peuvent être que de lui; que l'ouvrage ne peut être d'un fauffaire; qu'il ne fauroit avoir été compofé depuis la mort de Louis XIII; que le plan de ce teftament a dû être dreffé long-temps avant l'exécution; que le cardinal ne l'a exécuté que fucceffivement; qu'il eft poffible, & même affez vraisemblable, qu'il n'ait pas écrit ou dicté tout l'ouvrage; qu'il y a plufieurs chapitres où lui feul a mis la main, & qu'il y en a quelques autres dont il peut avoir confié la rédaction à des ouvriers fubalternes, qui auront travaillé, non d'après fes vues générales, ou d'après des idées vagues recueillies de fes converfations, mais fur les canevas tout tracés que lui-même leur aura donnés à remplir; que l'ouvrage, ainfi compofé, n'avoit pas acquis toute fa perfection; & que fi l'auteur eût affez vécu pour le retoucher, il auroit pu en retrancher quelques détails peu néceffaires, quel ques phrafes louches ou obfcures, quelques expreffions peu nobles.

Si Richelieu a été l'auteur du teftament politique qui paffe fous fon nom, il est au moins certain que cet ouvrage a été interpolé, & qu'il y a deux défauts capitaux, qui n'y feroient point, s'il en étoit l'auteur, ou s'il l'avoit fimplement lu. 1. Quoi! le premier miniftre d'un roi de France aura employé une grande partie d'un chapitre, pour engager fon maître à fe

(4) L'auteur de l'Esprit des Loix. Geneve, 1748, 2 vol. in-4to.

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priver du droit de régale dans la moitié de fon royaume! 2°. Quoi! le premier miniftre d'un roi de France aura parlé, comme l'on a fait ici, des appels comme d'abus, qu'il appelle un mal! Jamais prince ni miniftre à jeun ne penfera ainfi; & les appels comme d'abus font une voie auffi légitime qu'ancienne, auffi fainte que précieuse, pour conferver aux Etats leur fouveraineté, & pour empêcher les ufurpations du clergé.

Dans un volume des manufcrits de Béthune & de Colbert, intitulé: Affaires de France, on a une piece qui eft la fuite du teftament politique de Richelieu, & l'on y voit ce qui s'eft paffé de plus remarquable en 1634, 1640 & 1641. En plufieurs endroits de cette fuite on reconnoît la main même du cardinal, qui y fait des corrections: d'où il feroit très-naturel de conclure que ce teftament & fa fuite font de Richelieu; quoique la preuve ne foit pas compléte, il en résultera toujours qu'on y trouve de grands principes de politique (a).

(a) Il y a encore dans ce manufcrit deux lettres écrites de la main de Gafton, l'une à Louis XIII & l'autre à Richelieu, pour obtenir la grace du duc de Montmorency, où ce prince ne rappelle point la promefle qu'on lui avoit faite dans fon accommodement de la lui donner par conféquent, lorfqu'il fe plaignit qu'on lui avoit manqué, fa plainte n'avoit point trait au duc de Montmorency.

RICHER D'AUBE, (François) Moralifte, Jurifconfulte & Politique.

RICHER

ICHER D'AUBE, fucceffivement confeiller au parlement de Rouen, maître des requêtes, confeiller au confeil du commerce, intendant de Caen & de Soiffons, eft auteur d'un ouvrage intitulé: Effai fur les principes du droit & de la morale, à Paris, chez Bernard Brunet, 1743, in-4to. PP. 516, outre une préface qui en contient 40.

Cet ouvrage eft divifé en deux parties, auxquelles l'auteur n'a point donné de titre particulier. La premiere contient 407 nombres, & la feconde 500.

Les principes du droit & de la morale, intéreffent tous les hommes. II n'y en a point qui ne doive s'en inftruire, parce qu'il n'y en a point qui n'ait des devoirs à remplir dans la fociété. L'auteur 'eft plein de l'amour de la juftice, & chaque page, chaque ligne de fon livre la prêche aux fouverains, aux fujets, à tous les hommes; mais fes raifonnemens ne font pas toujours juftes, & fes principes font prefque tous faux; il confond les droits qu'il s'étoit propofé de diftinguer, & raifonne fouvent dans un droit par les principes d'un autre droit. Il fuppofe que les chefs des familles

naiffantes furent autant de vrais rois, il tombe dans beaucoup d'erreurs fur la formation des fociétés & fur l'introduction des loix civiles; & l'idée qu'il donne du droit des gens n'eft pas plus exacte, S'il faut l'en croire, la let tre de créance d'un miniftre public eft fon plein pouvoir; les traités de paix & tous les contrats publics que les Etats font entr'eux font nuls, à moins qu'une juftice exacte n'en foit la bafe; & toute ceffion faite par un fouverain à un autre fouverain eft illufoire, fi le peuple n'y a confenti, décifion dont il donne cette raifon, que le domaine des couronnes eft inaliénable. S'il reconnoît que les privileges d'un miniftre public font fondés & indifpenfables, il les fait ceffer dès que ce miniftre public en abuse, & leur ôtant toute leur force, dans le feul cas pour lequel ils ont été accordés, il penfe que les miniftres doivent jouir de ces privileges dans les lieux où ils ne font que paffer, & où ils ne doivent pas exercer leur miniftere. Quant aux prifonniers de guerre, il les affujettit à ne rien faire pour se fouftraire à leurs vainqueurs, & prétend que c'eft une condition fans laquelle on leur auroit ôté la vie, comme fi le victorieux pouvoit fans crime en priver le vaincu, aujourd'hui que la guerre eft un état de convention qui a fes loix. 11 penfe que rien ne répugne à ce que le maître qui, avant d'avoir réduit un autre homme à l'esclavage, auroit pu le tuer, conferve le pouvoir de lui donner la mort s'il le juge néceffaire. Cet efclave, s'il eft puni de mort par fon maître, aura encore gagné (dit l'auteur) tout le temps qu'il aura vécu depuis qu'il eût pu légitimement être tué; mais l'esclavage eft inconnu en Europe, les prifonniers de guerre ne font point efclaves, les loix Romaines ôterent le droit de vie & de mort aux patrons, les Turcs eux-mêmes le leur refufent, & la propofition de l'auteur n'eft pas moins contraire aux loix pofitives de tous les Etats, qui réservent ce droit aux fouverains, qu'à l'humanité & au précepte du décalogue qui défend de tuer. Il enfeigne auffi qu'il eft permis de tuer quand il s'agit de défendre fon honneur attaqué; qu'il eft des cas où, même avec réflexion, un homme peut tuer celui qui veut lui enlever fon bien; qu'on peut pren dre ou endommager le bien d'autrui, quand il eft vrai qu'on ne pourroit fubfifter fans cela, & qu'on eft pouffé par une néceffité preffante, bien entendu qu'on en reftituera la valeur, lorfqu'on fera en état de le faire. Ce livre, pour le dire en un mot, eft plein d'erreurs, de fauffes idées, de mauvais raifonnemens.

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