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des intentions conftantes de rendre à chacun la juftice, des foins & des attentions infatigables. On peut même prétendre d'eux de l'ordre, & une conduite réglée dans leurs affaires domestiques; car celui qui ne fait pas gouverner fa maison, ne s'entendra pas mieux à gouverner les citoyens ;' & fur-tout le défordre de fes affaires le rendra plus acceffible aux tentations, plus facile à corrompre. C'eft cette confidération qui a porté le roi de Pruffe, à rendre une ordonnance très-fage, par laquelle tout confeiller dont les biens en viennent à un concours, eft caffè eo ipfo.

On ne fauroit donner une idée trop relevée de l'importance des fonctions de ceux qui fiegent dans les tribunaux pour juger. C'eft le bonheur de chaque perfonne qui fait celui de toute une famille, le bonheur de chaque famille qui fait celui d'une fociété, d'une ville, le bonheur de chaque ville qui fait celui des provinces, de tout l'Etat. Or ce bonheur confifte principalement dans la jouiffance paifible des avantages que vous avez acquis par des voies légitimes. Mais c'est le bon ordre de la juftice, l'habileté, l'intégrité, la vigilance des magiftrats, qui font la bafe de ce bonheur. Il en résulte une égalité entre les fujets, qui empêche le plus foible d'être la victime du plus fort, en les mettant dans une dépendance commune des loix.

Il résulte delà une conféquence bien naturelle, c'eft que des emplois de cette importance doivent être munis de tous les fecours extérieurs, qui peuvent les rendre refpectables, & fur-tout que le fouverain, au nom duquel la juftice s'adminiftre, doit la foutenir de toute fon autorité. La charge elle-même doit être non-feulement mife fur un pied honorable & diftingué; mais ceux qui l'exercent ont befoin d'être falariés, d'une maniere qui leur attire de la confidération. Les chofes les plus excellentes peuvent tomber dans l'aviliffement, faute de relief extérieur.

L'effentiel néanmoins, il faut en convenir, c'eft de purger d'abord les' chambres de juftice de tous les fujets qui les déshonorent, & qui pechent, foit par une ignorance groffiere, foit par malice. Affurément, c'eft prodiguer fa pitié que de l'accorder à ceux qui font deftitués pour de pareilles causes; ou plutôt, c'eft une pitié cruelle que celle qu'on a de leur fort, puifqu'il s'agit vifiblement d'opter entre l'intérêt perfonnel d'un petit nombre d'hommes fort méprifables, & le bonheur de toute la fociété. Ce n'eft qu'après la deftitution des mauvais juges qu'on pouvoit établir cet ordre de Procédures, & mettre en vigueur le beau plan du roi de Pruffe. Qu'il n'y ait donc, s'il eft poffible, que des gens d'élite dans les tribu& voyons comment les chofes s'y pafferont alors; c'eft-à-dire, continuons à développer la nouvelle ordonnance. D'abord le préfident, qui doit avoir une fupériorité de mérite, auffi-bien que de rang fur fes affeffeurs, doit d'un côté, veiller exactement à ce qu'ils rempliffent leurs devoirs, & de l'autre, étre fort attentif aux fiens propres. Il faut, avant qué de diftribuer les actes, qu'il acquiere lui-même une idée nette de la nature

naux,

de chaque procês. Il faut qu'il ne perde, pour ainfi dire, pas de vue la chancellerie & les avocats, & qu'il repaffe tous les mois les a&tes, afin de voir fi les affaires fe pouffent comme elles le doivent, & pour ramener à leur devoir ceux qui les négligent, en fe fervant des cenfures, où même des punitions. Il faut qu'il reçoive fans diftinction toutes les repréfentations qui lui font adreffées, que les confeillers de tout le college faffent le rapport de ces repréfentations, à l'ouverture de la féance, & que les réfolutions qui les concernent, foient pareillement prifes par tout le college. Le préfident en un mot, eft comme l'ame du corps; c'eft lui qui doit, en dirigeant tout conformément aux loix, donner le branle à tout le corps, & en régler l'action.

Les confeillers font obligés à le feconder, & pour cet effet, leur affiduité eft fpécialement requife. Perfonne ne doit s'abfenter par des raifons légeres & arbitraires. Comme le confeiller qui a le rapport d'une affaire, en doit déformais répondre, il eft aifé de comprendre que ce motif l'engage fuffisamment à y donner tous fes foins. Les autres parties du devoir des confeillers font fuffifamment connues; & comme ils exercent la fonction de juge conjointement avec le président, cela revient aux idées que nous avons déjà développées.

Diverfes chofes réglées par la nouvelle ordonnance, fervent infiniment à abréger le détail des Procédures. Une des principales confifte dans la maniere prefcrite, pour faire de bouche toutes les remontrances & actes requis pour l'inftruction du procès. Les avocats, en fe chargeant des caufes, doivent être munis de procurations de leurs parties. Eux feuls font tenus d'inftruire la caufe, & de comparoître aux jours d'audience de la cour de juftice, où ils font établis. Avant la plaidoierie, eux ou ceux qu'ils ont fubftitués à leurs places, lorfqu'ils ne peuvent pas être préfens eux-mêmes, préfentent leurs pieces d'écriture, dont l'original eft joint aux actes judiciaires, & la copie fur le champ remise à l'avocat de la partie adverse. Ils demandent les délais, fuivant l'exigence des cas, & font tel autre réquifitoire, qu'il convient pour inftruire le procès, au lieu des requêtes, fommations, interpellations & autres actes par écrit, qui fe faifoient auparavant, dans le cours du procès. Sur quoi, & après avoir brièvement oui l'avocat de l'autre partie, la juftice, fur le protocole tenu à ce fujet, donne un décret qui eft publié à l'audience fuivante. S'il arrive quelque incident, qui ne puiffe pas être décidé d'abord, on renvoie les avocats dans l'autre chambre, pour plaider & contefter plus amplement. On délivre en conféquence les expéditions au greffe, ou à la chancellerie, & cela épargne tout le temps & les frais qu'il en coûte aux parties, pour dreffer les requêtes, & pour faire fignifier les décrets, fommations & autres actes. Une précaution importante encore, c'eft qu'aucune représentation ne foit recue, à moins qu'elle ne foit fignée d'un avocat. C'eft à l'avocat à n'en figner aucune qui foit irréguliere, & à dreffer lui-même le mémoire, fui

vant la teneur de l'ordonnance, faute de quoi il eft d'abord mis à l'amende. Si quelque partie opiniâtre veut paffer outre, & négliger ces formalités, il faut l'abandonner à fon fort; ou, fi l'avocat l'affifte, il doit se faire donner une déclaration qui exprime, comment il a voulu la détourner de pouffer l'affaire dont il s'agit, & lui en représenter les fuites, qui retombent alors uniquement fur ladite partie. Et afin qu'il paroiffe qu'aucun plaignant n'eft abandonné & dénué de fecours, l'avocat doit expliquer aux perfonnes qui forment de femblables plaintes, les raifons qui engagent la juftice à ne faire aucune attention à leurs griefs. Outre cela, on établit un avocat à part pour les pauvres. Pourroit-on méconnoître, combien tous ces arrangemens font falutaires, & à quel point ils fervent, tant à abréger les procès, qu'à les débarraffer des maux qu'ils traînoient à leur fuite?

Avant la nouvelle ordonnance, c'étoient les procureurs, qui faifoient le recueil des informations, & qui étoient chargés de prefque toute la conduite du procès. Aujourd'hui les avocats vaquent feuls à ces fonctions, & l'ordonnance déchargeant par-là les parties d'une très-grande quantité de frais, a abrogé fans retour l'office des procureurs, & débarraffé par ce moyen la fociété d'une profeffion regardée comme très-nuifible. C'est done aux avocats à fe mettre foigneufement au fait de toutes les circonstances, avant que d'entamer le procès. Ils doivent être exactement inftruits des preuves, avant que de propofer la plainte, raffembler les documens, & pourvoir en général à tout ce qui peut inftruire folidement, & terminer promptement les affaires. Il eft facile de fe faire après cela une idée comment il eft poffible de poursuivre les procès fans aucune interruption, & les conduire tout de fuite à leur fin. Car, dès que les avocats ont par devers eux toutes les informations, en entreprenant l'affaire, ils peuvent paffer auffitôt à la preuve. Il y a certains temps déterminés pour cela, Tous peine de la perte du procès; & les raifons en font les mêmes que nous avons développées, en parlant des termes de l'appel.

On objectera fans doute que cette promptitude peut être très-préjudiciable aux abfens, & à toute perfonne arrêtée par des obftacles légitimes, puifqu'elle leur ôte le temps & les moyens de déduire leur droit. Mais cette difficulté tombe déjà à l'égard du demandeur, puisqu'il est requis, comme on vient de le voir, que l'affaire foit pleinement inftruite avant que d'être portée en juftice, qu'il dépend de lui de prendre tout le temps dont il a befoin pour l'inftruire, & que l'avocat même ne doit pas l'entreprendre, qu'il ne la voie en état d'être pouffée & vidée dans l'efpace des termes preferits; & pour ce qui regarde le défendeur, il eft extrêmement rare qu'il puiffe fouffrir des arrangemens fufdits. Suppofons, par exemple, qu'on attaque un officier abfent, ou toute autre perfonne empêchée dûment, il. eft réglé que le défendeur peut expofer d'abord fes empêchemens, & demander un délai pour avoir le temps de raffembler fes moyens de défense; lequel lui fera accordé, tel qu'on le jugera conyenable aux circonftances

où il fe trouve, & que la Procédure ne fera entamée qu'après l'expiration de ce délai. On ne fauroit humainement mieux pourvoir à tout.

Un des plus grands abus des tribunaux, c'étoit la lenteur avec laquelle les confeillers faifoient leurs rapports, qui traînoient fouvent chez eux pendant plufieurs mois. On y a remédié. Il n'y a point de rapport qui ne doive être expédié en huit, ou du moins, en quinze jours, fuivant qu'il renferme plus ou moins d'ouvrage; & s'il étoit, dans certains cas, abfolumest néceffaire de paffer ce terme, ce ne feroit qu'après avoir produit les preuves de cette néceffité au préfident. Ceux qui difent que l'exécution de ce réglement eft impoffible, & qu'il faut que les procès acquierent une certaine maturité, s'expriment avec bien peu de jufteffe. Car qu'est-ce que la maturité d'un procès, finon fa pleine & folide inftruction ; & l'expérience ne vient-elle pas de donner des exemples par milliers, que cerre inftruction peut aifément fe parfaire pendant l'efpace de temps qui lui eft afsigné ?

Il régnoit dans les procès une coutume finguliere, qui ne manquoit guere néanmoins d'avoir lieu dans toutes les affaires d'une certaine impor tance; c'étoit d'envoyer aux univerfités les actes d'un procès inftruit pour être décidé. Les parties pauvres s'en trouvoient ordinairement fort mal. D'ailleurs, un profeffeur qui n'avoit aucun ufage de la pratique, qui n'avoit jamais fiégé dans aucun tribunal, & qui n'étoit pas même au fait des coutumes du pays, recevoit les affaires les plus compliquées à débrouiller & à décider. Tout au plus étoit-il en état de donner les folutions des queftions de droit, & l'explication des loix. Mais il faut bien d'autres chofes pour rendre une fentence, & les circonftances variant les cas à l'infini, c'eft le développement de ces circonftances qui demande une attention & une patience, que ces profeffeurs n'étoient pas en état d'y apporter. Auffi l'expérience prouvoit-elle continuellement que ces décifions d'univer fités n'aboutiffoient qu'à des longueurs exceffives, fans aucun fruit. Les actes reftoient quelquefois abfens des mois, ou même des années; & quand c'étoit une univerfité étrangere, on n'avoit aucun moyen de la contraindre à terminer, & à renvoyer les actes. Auffi le roi, parfaitement inftruit de ces abus, avoit-il déjà aboli, depuis deux ans, une coutume. auffi dommageable. L'écueil qu'on fe propofe d'éviter, en portant les affaires de tribunal en tribunal, favoir de tomber deux fois entre les mains du même juge, eft suffisamment évité par les voies d'appel ci-deffus mentionnées. Je ne crois pas qu'on prétende qu'il y ait quelque oppreffion à craindre de la part des grands, parce que le tribunal fupérieur rend fon jugement dans le même diftrict, où l'affaire a été traitée en premier reffort. Ce n'eft pas fous la domination d'un monarque jufte & puiffant, aux yeux duquel tous fes fujets font égaux, qu'on doir craindre de voir donner de femblables entorfes à la juftice; & fi le monarque étoit dans d'autres où trouveroit-on les moyens de prévenir les injuftices?

idées,

Rien donc affurément de mieux réglé, que les appels & les inftances. On appelle d'abord de la juftice inférieure à la juftice fupérieure, qui vous expédie quelquefois dans l'efpace de quatre femaines. Voilà deux inftances. La troisieme a lieu par l'appel au tribunal; & pour empêcher que les procès n'y traînent, on a pris la fage précaution d'ordonner que le procès pendant à cette derniere inftance, feroit préalablement inftruit, & qu'après que les parties auroient établi leurs faits, les actes feroient envoyés à l'examen du tribunal qui juge en dernier reffort.

il

Je crois pouvoir m'arrêter ici. Quoique tout l'expofé que je viens de faire, ne concerne que les procès, & ne rende raifon que des mesures prifes dans le nouveau plan, pour en bannir déformais tous les abus, eft aisé par cette partie importante de l'adminiftration de la juftice, de juger de toutes les autres, & de fe convaincre qu'en fuivant les mêmes principes, on peut porter la lumiere dans les recoins les plus ténébreux de l'empire de la chicane. Auffi le roi de Pruffe, pour compléter fon ou→ vrage, a-t-il fait compofer un corps complet de loix civiles, conçues d'une maniere claire & intelligible, rangées dans leur ordre, & propres à décider toutes les questions de droit fur lesquelles les jurifconfultes font partagés. C'est le CODE FRÉDÉRIC dont il a été parlé amplement au mot CODE.

Si l'on joint présentement la preuve de fait à celle de raisonnement; fi l'on en appelle à la réuffite merveilleufe de cette opération par-tout où elle a été employée jusqu'à présent, on ne doutera plus qu'elle n'affure pour toujours une des principales branches du bonheur de la fociété, & qu'elle ne faffe une des époques les plus glorieufes de l'hiftoire de Pruffe. Il n'eft pas moins grand, il eft plus grand aux yeux du fage, d'avoir dans l'Etat un nombre fuffifant de personnes propres à maintenir au dedans l'ordre & la justice, que d'entretenir une armée, dont la valeur & la discipline mettent à l'abri de toutes les infultes du dehors. M. FORMEY.

PROCUREUR, f. m. Celui qui eft chargé de la procuration d'un autre pour traiter en fon nom.

LORSQU'UN Procureur exécute de bonne foi fa commiffion, & fuivant

les ordres que nous lui avons donnés, nous fommes obligés d'approuver & de ratifier ce qu'il a fait pour nous & en notre nom.

Il faut remarquer fi le pouvoir du Procureur s'étend jufqu'à la parfaite conclufion de la convention, ou fi le maître s'eft réservé l'approbation & la ratification de la convention. Il faut favoir auffi fi le cas demande que le Procureur déclare jufqu'où fon pouvoir s'étend, fur-tout lorsque la négociation eft compliquée, & fi la perfonne avec qui le Procureur doit traiter, a pu en être informée au jufte, fans être trompée.

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