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puifqu'elle s'accorde avec celle de Dieu même, qui nous en a donné le goût, & qu'elle fuppofe un mérite de vertu que nous devons rechercher.

L'eftime des hommes en particulier étant plus fubordonnée à leur ima gination qu'à la providence, nous la devons compter pour peu de chofe, ou pour rien; c'eft-à-dire, que nous devons toujours la mériter, fans nous foucier de l'obtenir : la mériter par notre vertu, qui contribue à notre bonheur & à celui des autres : nous foucier peu de l'obtenir, par une noble égalité d'ame qui nous mette au-deffus de l'inconftance & de la vanité des opinions particulieres des hommes. Recherchons l'approbation d'une confcience éclairée que la haine & la calomnie ne peuvent nous enlever, par préférence à l'eftime des autres hommes qui fuit tôt ou tard la vertu. C'eft fe dégrader foi-même que d'être trop avide de l'eftime d'autrui; elle est une forte de récompenfe de la vertu, mais elle n'en doit pas être le motif.

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RESCISION, f. f.

A Refcifion eft un bénéfice que les loix accordent à celui qui a été lélé dans quelque acte où il a été partie, pour le remettre au même état où il a été avant cet acte, s'il y en a quelque jufte cause.

Il n'eft pas toujours néceffaire pour obtenir la Refcifion, que celui qui la demande faffe voir que c'eft par le dol de fa partie qu'il a été trompé; mais il fuffit en plufieurs cas, qu'il y ait une léfion d'une autre nature, fi elle eft telle qu'elle doive avoir cet effet. Ainfi, par exemple, fi un mineur a emprunté de l'argent qu'il ait mal employé, la bonne foi de fon créancier n'empêchera pas la reftitution. Ainfi un majeur qui fe trouve beaucoup léfé dans un partage, le fera réformer, encore qu'on ne puisse imputer aucun dol au co-partageant.

On peut faire refcinder ou annuller par la Refcifion ou reftitution en entier, non-feulement des conventions, ou d'autres actes qu'on ait fait volontairement, mais même des arrêts où l'on auroit été partie, s'il y en a quelque jufte caufe; comme fi celui qui fe plaint eft un mineur qui n'ait pas été défendu, ou même un majeur, s'il y a quelque dol de fa partie, ou quelqu'autre moyen de ceux que les loix reçoivent.

Les Refcifions étant fondées fur des faits & des circonftances, comme s'il y a du dol de la partie, une violence exercée fur celui qui veut être relevé, quelque erreur, quelque furprise, ou autre caufe qui puiffe y donner lieu; on ne les ordonne qu'avec connoiffance de caufe. Et il dépend de la prudence du juge de difcerner fi les moyens qu'on allegue font fuffifans; & fi l'équité demande la Refcifion.

Parmi les circonftances qu'il faut pefer dans une Refcifion, on doit confidérer quelle eft la conféquence de la chose dont il s'agit, & quelles se

ront les fuites de la Refcifion fi elle eft accordée. Car on ne doit pas l'ore donner facilement dans des circonftances, où pour réparer une légere lé fion, la Refcifion auroit des fuites qui pourroient aller à quelque injuftice. Lorsqu'il y a lieu de Refcifion, elle a fon effet non-feulement contre les perfonnes de qui le fait y a donné lieu, mais auffi contre ceux qui les repréfentent, & les tiers poffeffeurs. Ainfi, par exemple, fi celui qui avoit acheté un héritage d'un mineur, le vend à un tiers, la reftitution pourra être exercée contre ce tiers, & contre tout autre poffeffeur, & il n'aura que fon recours contre fon vendeur. Ainfi, un propriétaire dépouillé de fon héritage par une vente ou autre titre confenti par l'effet d'une violence, pourra agir contre tout poffeffeur de cet héritage & l'évincera, quoique la violence ne fût pas de fon fait.

Les héritiers de ceux qui pouvoient être relevés peuvent exercer la Refcifion. Car encore qu'elle femble ne regarder que la perfonne qui a été léfée, le droit de réparer le préjudice fouffert en fes biens paffera à fon héritier. Et le pere même héritier de fon fils mineur, peut demander la reftitution du chef de fon fils.

La Refcifion ne peut être demandée par un procureur conftitué, quoiqu'il eût une procuration générale; mais il en faut une expreffe pour une demande de cette qualité. Car le filence de celui qui pourroit fe plaindre d'un acte en eft une approbation : & il eft jufte de préfumer que ne marquant pas expreffément qu'il veuille être relevé, il veut s'en tenir à ce qu'il a fait.

Si la caufe de la reftitution ayant ceffé, celui qui auroit pu être relevé a ratifié l'acte dont il pouvoit fe plaindre, il n'y fera plus reçu; car l'approbation fait un nouvel acte qui confirme le premier. Ainfi, par exemple, fi un mineur étant devenu majeur ratifie une obligation dont il auroit pu être relevé; il ne pourra plus l'être. Ainfi, celui qui, étant en pleine liberté, ratifie un acte qu'il prétendoit avoir confenti par force, ne pourra plus s'en plaindre.

Si la Rescision ou reftitution eft ordonnée, les chofes feront remises, de la part de celui qui eft relevé, au même état où elles auroient dû être, fi l'acte, qui eft annullé par la Rescision, n'avoit pas été fait. Mais comme il rentre dans fes droits, & recouvre ce qui doit lui être rendu, foit en principal ou intérêts & fruits, s'il y en a lieu; il doit auffi, de fa part, remettre à fa partie ce qui pouvoit être tourné à fon profit; de forte qu'il ne profite de la Refcifion que le fimple effet de rentrer dans fes droits, fa partie rentrant auffi, de fa part, dans les fiens, autant que l'effet de la Rescifion pourra le permettre. Ainfi, le vendeur, qui fait annuller un contrat de vente dont il avoit reçu le prix, doit rendre ce prix. Mais fi un mineur eft relevé d'une vente qu'il auroit faite, ou d'un contrat de rente qu'il auroit confenti pour de l'argent qu'il eût emprunté, il ne rendra ni du prix de cette vente, ni du capital du contrat de rente, que

ce qui s'en trouvera tourné à son profit par un emploi utile. Ainfi la Refcifion eft réciproque ou non, felon la juftice qui peut être due à celui qui eft relevé.

Si, dans l'acte dont on demande la Refcifion, il y avoit d'autres chefs que ceux dont celui qui veut être relevé, pourroit avoir sujet de se plaindre; & qu'il n'y eût point de liaifon des uns aux autres; la Refcifion feroit bornée à ce qui pourroit y donner fujet, & ne s'étendroit pas au furplus de l'acte. Mais s'il y avoit quelque liaison entre ces différentes parties de l'acte, l'effet de la Refcifion s'étendroit à tout, foit en faveur de celui qui la demanderoit, ou pour l'intérêt de fa partie, en tout ce qui devroit être remis au premier état.

Si un tuteur avoit vendu un fonds commun entre fon mineur & lui; & que ce mineur fe fit relever, l'acquérear pourroit obliger ce tuteur, foa vendeur, à reprendre fa portion, par cette raison qu'il ne feroit pas tenu de divifer l'effet du contrat, & de garder une portion qu'il n'auroit pas voulu acheter féparée du refte.

Les Refcifions & reftitutions doivent être demandées dans le temps prescrit par les loix, & quand il eft expiré, on n'y eft plus reçu.

Le temps de cette prescription commence de courir du jour que la caufe de la Refcision a ceffé. Ainfi il commence contre les mineurs du jour de leur majorité, & contre les majeurs du jour qu'ils auront eu la liberté d'agir. Ce temps de la prefcription fe compte à l'égard des héritiers qui demandent la reftitution; en forte qu'il faut joindre le temps qui avoit couru contre la perfonne à qui ils fuccedent, avec celui qui a couru contr'eux. Mais fi l'héritier étoit mineur, fon temps ne commenceroit d'être ajouté à celui du défunt que du jour de fa majorité; car il feroit relevé de cela même qu'il auroit manqué de demander la restitution pendant fa minorité.

RESTITUTION, f. f. L'action de rendre un bien que l'on ne possede pas à jufte titre, à fon légitime propriétaire.

C'EST une des premieres regles de la morale, que celle qui nous ap

pelle à reftituer. Si moi-même je ne regarde pas une poffeffion comme légitime chez un autre, & que je juge que le bien qu'il poffede dût m'être rendu, je dois juger de même de tout ce que je poffede à titre non légitime. Le premier qui eft appellé à reftituer, c'eft celui qui s'eft mis en poffeffion d'un bien qui ne lui appartenoit pas, & dont il a dépouillé un autre. Auteur du mal, il eft appellé à réparer tout le dommage caufé par fon injuftice, non-feulement en rendant ce qu'il a pris, mais encore en indemnifant celui qu'il a dépouillé de tout ce qu'il a perdu par la privation qu'il lui a occafionnée.

Ce premier n'ayant aucun droit fur ce qu'il a ravi, de quelque maniere qu'il s'en foit emparé, ne fauroit communiquer à un autre un droit qu'il n'avoit pas; quelque don par conféquent que l'on m'en faffe, je ne fau→ rois en être légitime poffeffeur, dès que je fais fous quel titre le poffédoit celui qui s'eft arrogé l'injufte droit de me le donner. Je fuis done tenu, tout comme le premier, à la Reftitution entiere & compléte, & de l'objet même, & de tout ce que fon vrai propriétaire a perdu par cette privation pendant que j'en ai été en poffeffion.

Celui qui a acheté ce qui avoit été ravi, fachant qu'il l'achetoit de celui qui n'avoit pas le droit de le vendre, eft tenu également à la Reftitution, fauf fon recours fur le vendeur; fans quoi il feroit le complice du raviffeur; mais fi l'acheteur a acheté en bonne confcience, croyant que le vendeur étoit légitime propriétaire, il n'eft pas obligé à la Reftitution, qu'autant qu'on lui rembourse ce qu'il a payé; parce qu'il n'y a nulle juftice à ce que moi acheteur je fois dépouillé de mon bien plutôt que celui à qui on voudroit que je rendiffe ce que j'ai acheté; pourquoi mériterois-je plutôt d'être volé que lui? Cependant comme l'acheteur pourroit bien être recéleur, & qu'il importe d'arrêter le cours des vols en rendant difficile au voleur la vente de fes rapines, on oblige ordinairement l'acheteur à rendre, fans remboursement, ce qu'il a acheté d'un voleur, afin de le rendre plus attentif à ne pas acheter ce qu'on n'avoit pas le droit de vendre.

En général dès que l'illegitimité de la poffeffion eft prouvée, la Reftitu, tion devient néceffaire, & tout refus de reftituer eft une continuation du vol, & l'injufte poffeffeur eft coupable de vol, auffi long-temps qu'il retient ce qu'il n'avoit pas le droit de pofféder.

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RICHARD OT, (Jean) Célèbre négociateur.

JEAN-RICHARDOT, préfident du confeil de l'archiduc Albert, avoit la

confiance de fon prince, qui fe fervoit de ses avis en toutes fes affaires, & employoit fa perfonne dans les plus importantes. Il étoit chef de l'ambaffade, que le même archiduc envoya, au nom du roi d'Espagne, à Vervins, où fe fit la paix entre les deux couronnes en l'an 1598. Quelques années après, le roi Philippe III envoya le connétable de Caftille en Angleterre, pour complimenter le roi Jacques fur fon avénement à la couronne, & pour faire un traité d'alliance avec lui. Le connétable, qui n'étoit pas un fort grand négociateur, fubftitua Richardot, & quelques autres miniftres de l'archiduc, qu'il fit paffer en Angleterre, où ils préparerent tout le traité, en forte qu'il n'y manquoit que la fignature, lorfque le connétable arriva à Londres. Quoi que ce ne fût qu'un fimple traité d'amitié & de commerce. Richardot donna de très-grandes preuves de fon habileté en la négociation, qui fe fit à la Haye au commencement du fiecle dernier, pour la treve de douze ans. Car bien qu'il ne fût pas le chef de l'ambaffade, pendant que le marquis Spinola y étoit, il ne laiffa pas d'avoir toute la confiance & le fecret de l'archiduc, qui lui permit d'avoir des conférences particulieres avec le préfident Jeannin. Tellement qu'on peut dire, , que le fort de la négociation, pour ce qui regardoit l'intérêt du roi d'Espagne & de l'archiduc, fe fit entre ces deux miniftres. Il étoit homme d'honneur, & fi quelquefois il entroit un peu d'artifice dans quelques-unes de fes actions, ce n'étoit pas fans faire quelque violence à fon naturel. Tant il eft vrai qu'il faut avoir le plus grand empire fur foi-même, pour ne pas fuccomber à des tentations délicates, & que la droiture naturelle n'eft pas à l'épreuve de certaines circonftances féduifantes, fi elle n'eft fortifiée par la réflexion, & par des principes puifés dans la raison la plus pure!

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Tome XXVII.

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