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» Le maréchal de Villeroy aura le titre de gouverneur, fuivant ce qui » eft porté par mon teftament, aura l'œil fur la conduite du jeune roi, » quoiqu'il n'ait pas encore fept ans, jufqu'au quel âge de fept ans accomplis la ducheffe de Vantadour demeurera, ainfi qu'il eft toujours accou» tumé, gouvernante & chargée des mêmes foins qu'elle a pris jufqu'à » préfent. Je nomme pour fous-gouverneurs Sommery qui l'a déjà été du » dauphin mon petit-fils, & Geoffreville, lieutenant-général de mes armées. » Au furplus, je confirme tout ce qui eft dans mon teftament, que je » veux & entends être exécuté en tout ce qu'il contient. Fait à Versailles » le 13 d'avril 1715.

» Je nomme pour précepteur du dauphin le fieur de Fleury, ancien » évêque de Fréjus, & pour confeffeur le pere Tellier. Ce 23 d'août 1715. » Signé, LOUIS.

Le cas pour lequel Louis XIV avoit fait toutes ces difpofitions, arriva bientôt. Ce monarque mourut (a), & le roi mineur fon arriere-petit-fils, tint le lendemain (b) fon lit de juftice au parlement de Paris. Ce qui s'y paffa eft digne d'une grande confidération.

Le duc d'Orléans repréfenta que cette maniere de gouverner à la pluralité des voix étoit nouvelle en France; qu'elle ne s'accordoit point avec la forme monarchique feule reçue dans ce royaume; & que la Régence lui appartenoit par le droit de fa naiffance.

On pouvoit opposer au duc d'Orléans, que le teftament du feu roi, en le déclarant chef du confeil de Régence, lui avoit confervé la prééminence due à sa naissance, qu'il n'y avoit aucune loi qui eût ordonné que, pendant une minorité, il y eût un Régent, ni que ce Régent fût le premier prince du fang; qu'un pere en mourant, avoit droit de nommer un ou plufieurs tuteurs à fes enfans; qu'il n'étoit point aftreint à les choifir dans fa famille, ni à préférer fon plus proche parent au plus éloigné; que la qualité de plus proche héritier donnoit droit à la fucceffion, non à la tutelle; qu'ainfi l'établissement d'un confeil de Régence n'avoit rien d'illégitime; qu'il ne convenoit point qu'un pupille fût entre les mains & à la difpofition de fon héritier préfomptif; qu'il n'y avoit point de loi qui l'ordonnât; qu'il feroit même à fouhaiter qu'il y en eût une qui le défendît ; que la coutume y étoit formellement contraire; que depuis l'établiffement de la monarchie, ce qu'on prétendoit être un droit inconteftable, n'étoit jamais arrivé; que c'étoit pour parer aux inconvéniens que les meres des rois mineurs avoient toujours eu la Régence, en dépit des oppofitions du premier prince du fang; que la garde & la tutelle de Philippe-Augufte avoit été confiée au comte de Flandres, & celle de Charles VIII à la prin

(4) Le premier de feptembre 1715.

(b) Le deux.

Tome XXVII.

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ceffe de Beaujeu, & non à Louis duc d'Orléans; que fi la Régence emportoit néceffairement la garde de la perfonne du roi, on devoit fentir la néceflité d'un confeil de Régence; & qu'enfin le cas dont il s'agiffoit, dans la minorité de Louis XV, étoit abfolument différent de celui qui s'étoit préfenté fous la minorité de Louis XIV, puifque, dans la précédente minorité, c'étoit à une mere que le gouvernement abfolu de l'Etat & la tutelle du roi avoient été confiés, & que dans celle-ci il étoit queftion d'un héritier préfomptif.

Mais le duc du Maine, que le feu roi avoit honoré d'une confiance particuliere, ni les autres princes & feigneurs qui affiftoient au lit de justice, ne répondirent rien; & la Régence fut déférée au duc d'Orléans, tout d'une voix. Voici les difpofitions de l'arrêt.

» Ce jour, la cour, toutes les chambres affemblées, &c. la matiere mife » en délibération, a déclaré & déclare Mr. le duc d'Orléans Régent en » France, pour avoir, en ladite qualité, l'adminiftration des affaires du » royaume pendant la minorité du roi; ordonne que le duc de Bourbon fera dès à présent chef du confeil de Régence, fous l'autorité de Mr. le » duc d'Orléans, & y préfidera en fon abfence; que les princes du fang » royal auront aufli entrée audit confeil, lorfqu'ils auront atteint l'âge de » vingt-trois ans accomplis; & après la déclaration faite par Mr. le duc d'Orléans, qu'il entend fe conformer à la pluralité des fuffrages dudit » confeil de Régence dans toutes les affaires, à l'exception des charges, » emplois, bénéfices & graces qu'il pourra accorder à qui bon lui fem» blera, après avoir confulté le confeil de Régence, fans être néanmoins affujetti à fuivre la pluralité des voix à cet égard; ordonne qu'il pourra » former le confeil de Régence, même tels confeils qu'il jugera à propos, n & y admettre les perfonnes qu'il en eftimera les plus dignes, le tout » fuivant le projet que Mr. le duc d'Orléans a déclaré qu'il communiquera » à la cour; que le duc du Maine fera furintendant de l'éducation du roi, » l'autorité entiere & le commandement des troupes de la maifon dudit » feigneur roi, même fur celles qui font employées à la garde de fa per» fonne, demeurant à Mr. le duc d'Orléans, & fans aucune fupériorité » du duc du Maine fur le duc de Bourbon, grand-maître de la maison » du roi.

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Il fut réglé en même temps, que le duc d'Orléans fe choifiroit un confeil de confcience, pour la diftribution des bénéfices & des affaires eccléfiaftiques, autre que celui que le feu roi avoit établi par fon teftament. Le duc d'Orléans témoigna qu'il vouloit y faire entrer un magiftrat de ce corps, qui aimât la patrie, qui connût les véritables intérêts du royaume, & qui pût veiller à ce que les libertés de l'églife gallicane ne fuffent point bleffées. Le feu roi avoit nommé dans fon teftament le Tellier pour confeffeur du jeune roi, le parlement décida que le Régent nommeroit luimême un confeffeur au roi, lorfqu'il en feroit temps.

Le parlement avoit confervé, comme nous venons de le voir, au duc du Maine, la qualité de furintendant de l'éducation du roi, après en avoir détaché le commandement des troupes ; & l'on ne comprend pas en effet, qu'on puiffe refufer à un fouverain dans fa famille, le droit dont jouiffent tous les particuliers dans la leur. Néanmoins, le duc de Bourbon ayant représenté quelque temps après, que fe trouvant le premier prince du fang en état de veiller à l'éducation du roi, pendant que le Régent gouverneroit le royaume; la qualité de furintendant lui appartenoit par les loix de l'Etat, le roi mineur tint un autre lit de juftice au Louvre, où il ôta au duc du Maine cette qualité qu'il donna au duc de Bourbon. C'eft un jugement que le Régent accorda aux circonftances, & qui ne peut être proposé pour regle.

Cet événement rappelle le fouvenir d'une loi de Charondas, législateur de Thurium, laquelle d'un côté confioit le foin de l'éducation des orphelins aux parens du côté maternel de qui il n'y avoit rien à craindre contre la vie de ces enfans; & de l'autre donnoit l'adminiftration de leurs biens aux parens du côté paternel qui avoient intérêt de les conferver ces biens, dont ils pouvoient devenir les héritiers par la mort des pupilles. Il nous rappelle auffi l'ufage que le fénat Romain fit, de fon autorité après la mort de Tibere auquel il avoit été extrêmement foumis, tant que ce prince avoit vécu. Suetone (a) affure que deux ans avant fa mort, il avoit figné un teftament où il faifoit Caius Caligula & le jeune Tibere fes héritiers chacun par moitié, & les fubftituoit l'un à l'autre. Cafaubon a cru que cela s'entendoit moins de fes biens particuliers que de l'empire. Dion (b) affure même que Tibere avoit laiffé l'empire au jeune Tibere, par fon teftament; qu'il l'avoit ordonné en plufieurs manieres, afin qu'on n'y pût trouver aucune difficulté ; & qu'il en avoit fait lire l'ordonnance dans le fénat par Macron. Dion ajoute ce qu'on lit auffi dans Suetone (c), qu'après la mort de Tibere, le fénat caffa ce teftament, afin de donner l'autorité entiere à Caïus, & de n'être pas fous le pouvoir d'un enfant, qui n'avoit pas encore atteint l'âge d'entrer dans la compagnie.

(a) L. 3. Ch. 76.

(b) L. 59.

(c) L. 5. ch. 14.

LES

RELATION O U RAPPORT.

Des Relations ou Rapports des négociateurs.

ES Relations ou Rapports, que le négociateur fait fucceffivement à la cour, forment un des principaux objets de fa charge & de fes occupations. C'est par leur moyen qu'il rend à fon maître un compte exact & fidele de tout ce qui fe paffe à la cour où il réfide, tant à l'égard de la négociation dont il eft chargé, que par rapport aux autres affaires intéreffantes qui y furviennent durant tout fon féjour. On conçoit aisément que ces Relations font d'une conféquence infinie, tant pour la cour qui les reçoit, & qui les envisage comme la regle des mesures qu'elle prend pour les intérêts politiques, que pour le miniftre qui les envoie, comme étant la pierre de touche de fon habileté dans l'art de négocier. Cette confidération nous engage à donner ici quelques regles générales pour la maniere de dreffer les Relations: un bon efprit les appliquera facilement à tous les cas de détail; un génie trop borné ne fait profiter d'aucune inftruction générale, & l'on auroit beau particulariser, il ne deviendra jamais habile homme.

Depuis le dix-huitieme fiecle il n'y a pas de pays policé en Europe, d'où l'on ne puiffe écrire deux fois par femaine à la cour, en faisant partir les lettres par la pofte ordinaire. C'eft une commodité qu'il ne faut point négliger, mais faire réguliérement deux Rapports par femaine. Le tableau général de l'Europe qu'un négociateur doit avoir fans ceffe devant les yeux, & la fcene mouvante de la cour où l'on eft, nous offrent toujours affez de matiere pour remplir une couple de pages. En tout cas, il faut dire qu'on n'a rien à dire, mais ce cas eft rare. Toutes les Relations doivent être écrites fur des feuilles entieres, in-folio, d'un format uniforme & pas trop grand, pour pouvoir entrer aux archives dans les rayons des étagettes. C'eft une petite attention qui évite des embarras. On fait bien de prendre ce format avant de partir. On commence par numéroter fa Relation, en plaçant le numéro au haut de la feuille à main gauche; & visà-vis, à la droite, on marque la date & le lieu d'où l'on écrit; & immédiatement au-deffous, on met la courtoifie en vedette, comme par exemple,

RELATION N°. I. &c.

A Londres, le 2 janvier 1759.

SIRE, ou monfeigneur, ou hauts & puiffans feigneurs, &c. &c. Il faut laiffer une marge du quart de la largeur de la feuille, qui serve non-feule

ment à marquer les rubriques des différentes matieres qu'on traite, mais auffi les renvois & les petites notes.

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Les préambules & les ornemens inutiles font très-déplacés dans une Relation. On doit d'abord entrer en matiere fans détours recherchés; & il faut en général s'appliquer à un ftyle clair, mais concis. La prolixité eft toujours un vice de diction, & fur-tout dans les affaires. Les Rapports deviennent longs, quand on n'a pas le temps de les faire courts, c'est-àdire, d'en châtier le ftyle. J'ai cru remarquer que les Relations des miniftres de France étoient ordinairement trop diffufes; & ce défaut me paroît confidérable. Un monarque, un miniftre du cabinet, qui doit lire avec attention une quarantaine de Rapports par femaine, en pefer mûrement la teneur, prendre des réfolutions fur chaque matiere, & faire expédier les réponses, eft au désespoir, lorsque ces Rapports font d'une ennuyeufe longueur, fans compter que le négociateur perd à écrire un temps qu'il devroit employer à agir. Les jeunes miniftres croient fe donner vis-à-vis de leur cour un air d'hommes laborieux en allongeant outre mefure leurs dépêches, mais ils oublient que le but de leur miffion eft de négocier, & non pas d'accabler leur cour par des Relations immenfes, qui ont emporté trop de temps à dreffer. C'eft auffi pour la même raifon qu'il faut faire un choix judicieux des matieres, dont on veut faire l'objet de chaque Rapport. Il ne s'agit pas d'écrire tout ce qui fe paffe, mais tout ce qui mérite d'être marqué, & dans une Relation, les nouvelles frivoles ne doivent point occuper la place que devroient tenir celles qui font effentielles. Mais, en revanche, ces dernieres ne fauroient être marquées avec trop de clarté & de précision.

Ce qu'il y a de plus difficile à rendre, c'eft le résultat des audiences qu'on a prifes du fouverain, ou des conférences qu'on a eues avec fes miniftres puifqu'il faut non-feulement y détailler les paroles & toutes les particularités de l'entretien, les raifons qui y ont été alléguées de part & d'autre, avec toute l'exactitude & toute la fidélité imaginables, & rapporter, pour ainfi dire, le dialogue mot pour mot; mais représenter auffi le caractere du prince & de fes miniftres, la contenance qu'ils ont eue, les geftes qu'ils ont faits, les mouvemens qui leur font échappés, & cela avec des couleurs fi vraies, & d'une maniere fi reffemblante, que celui qui lit la dépêche, puiffe connoître auffi diftinctement l'état des chofes, que s'il avoit affifté à la conférence même. Un clin-d'œil peut trahir les vrais fentimens du plus habile homme-d'Etat, fur-tout quand le négociateur a eu le temps & l'adreffe de l'étudier.

Les Relations qui ne contiennent que des faits narrés féchement, ne valent guere mieux que des gazettes. Si ces faits font importans, il faut néceffairement les accompagner de réflexions qui en développent les caufes véritables ou apparentes, & les motifs les plus fecrets, fi l'on eft affez pénétrant pour les découvrir. C'eft ici où le génie du négociateur fe déploie

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