Page images
PDF
EPUB

Le gage eft un effet mobiliaire ou immeuble, que le débiteur remet ou affecte au créancier pour la fureté de la dette, & dont le créancier de meure saisi, soit à titre de gage ou d'hypotheque, jufqu'à ce qu'il foit payé. Ces effets ou gages, font ftériles par eux-mêmes, ou bien de quel que revenu s'ils produifent du revenu, ils font remis communément avec: la claufe d'antichrefe, par laquelle on ftipule que ces revenus céderont au profit du créancier, pour l'intérêt de fon argent, à la charge par lui de rendre au débiteur, ce qui excédera la valeur de ces intérêts. Si la chose remise en gage eft ftérile, communément on ajoute au contrat la clause commiffoire, par laquelle le débiteur confent que fi dans un temps déter miné, il n'a point acquitté la dette, le gage appartiendra en pleine propriété au créancier. Dans les contrats qui ne renferment point formellement la claufe d'antichrefe, il n'eft permis en aucune maniere au créancier de difpofer de l'immeuble qui lui eft affe&té fans le confentement du débiteur, qui en eft resté propriétaire. Au refte, dans tous les cas, le créancier doit avoir le plus grand foin de la chofe qui lui a été remife; en forte que fi elle vient à fe gâter, à fe détériofer, à fe perdre, ou à périr par sa faute, il en eft refponfable.

D'après ce qui vient d'être dit, on a fair fuffifamment connoître, qu'on donne le nom de gages aux chofes que le débiteur délivre actuellement au créancier; & le nom d'hypotheque, aux biens fonds qu'on lui affigne, ou qu'on lui affe&te feulement.

S. X I.

Des manieres de fe dégager des engagemens où l'on eft entré. LA maniere la plus fûre & la plus naturelle de fe dégager de l'obligation où l'on eft entré en contractant, eft d'effectuer ce qu'on a promis, ou par foi-même, ou par autrui; car, dès-lors, il ne refte plus rien à démêler entre les contractans. On demande à ce fujet, fi ceux qui ont payé pour autrui, fans fon confentement, ou à fon infçu, peuvent le faire rembourfer, & fi ceux pour qui l'on a ainfi payé, ont befoin de fe dégager, puifqu'ils n'ont contracté aucun engagement par eux-mêmes; que leur dette eft payée, & qu'ils ne font point cenfés liés par un acte qu'ils n'ont point connu? On répond que fi c'eft contré le confentement exprès, & formellement refufé, que l'on a payé pour une perfonne; celle-ci n'a réellement contracté aucune obligation; fi c'eft à fon infçu, celui qui paye a entendu faire cette libéralité au débiteur, qui, en ce cas, n'a point contracté d'engagement; ou bien il a entendu fe mettre en la place & acquérir les actions du créancier, qui doit remettre fon titre à celui qui le paye, ou lui rendre l'argent qu'il en a reçu, & pourfuivre fes droits contre le débiteur. Pour être dégagé, on doit payer à celui envers qui l'on s'eft engagé,

ou du moins envers une perfonne fpécialement chargée par le créancier de recevoir la dette en fon nom; car, en payer quelqu'autre, foit par erreur, ou par imprudence, ce n'eft nullement s'être acquitté. A l'égard de la maniere de s'acquitter, elle doit être ftrictement conforme à celle dont on eft convenu que l'on s'acquitteroit, & point du tout par un équivalent, quel qu'il puiffe être; à moins qu'il n'y ait eu des conventions poftérieures entre les contractans, ou que la fituation du débiteur ne devienne telle, qu'il ne puiffe s'acquitter que par partie; cas, dans lequel, en juftice même il obtient des délais; les intérêts auxquels il eft condamné tenant lieu d'équivalent, dont les juges lui permettent d'ufer dans cette pofition.

La vente du gage ou fa retenue acquife au créancier, aux termes de la convention, dégage entiérement le débiteur; ainfi que la compenfation, ou l'acquit réciproque de deux perfonnes qui fe trouvent également débitrices & créancieres Pune de l'autre d'une même chofe, de même efpece, de même valeur; en forte que tout confidéré, la dette eft liquide de part & d'autre. On dit que pour que cette compenfation ait lieu, il faut que les deux débiteurs fe doivent l'un à l'autre une chofe de même efpece & de même valeur; car, très-certainement, il ne feroit ni jufte, ni raifonnable de vouloir compenfer un boiffeau de blé avec un boiffeau d'avoine, un cheval avec un bœuf, une maifon avec une chaumiere, &c.

Lorfque le créancier tient quitte fon débiteur, celui-ci eft dégagé de la dette; & l'on peut tenir quitte un débiteur de deux manieres, expreffément, ou tacitement; expreffément lorfqu'on remet au débiteur fon obligation, fon titre, en un mot, l'acte en vertu duquel la dette étoit exigible, & qu'on ne garde rien qui puiffe faire valoir l'action qu'on avoit contre lui; ou bien, quand on déclare formellement & par écrit que l'on fe reconnoît payé de tout ce qui pouvoit être par lui dû jusqu'au jour de la déclaration du créancier , quoique celui-ci ne reçoive néanmoins aucun payement effectif; c'eft ce que les Romains appelloient acceptilation. On eft dégagé tacitement de l'engagement contracte, forfque celui envers qui l'on s'eft engagé, empêche l'exécution de la convention, ou bien qu'il occafionne que l'on ne la fait point: par exemple, je me fuis engagé de faire une chose à un terme convenu, fur l'avis qui m'en fera donné par celui en faveur de qui j'ai promis de la faire; il ne m'a point averti, & fon filence étant une renonciation à ce qu'il étoit en droit d'exiger de moi, me dégage de mon obligation; je fuis également dégagé, s'il fait faire par un autre ce que nous étions convenus que je ferois pour lui.

De même que le confentement mutuel des contractans fuffit pour former une obligation, leur dédit mutuel les dégage, à moins pourtant que la nature même du contrat ou de la chofe qui en eft l'objet, ne le permette point car, quoique le confentement des parties fuffife pour former le mariage, leur dédit mutuel, quand l'union eft confommée, ne fuffit pas pour l'annuller, &c.

L'infidélité de l'un des contractans à remplir fa promeffe, dégage l'autre de la fienne, & rompt l'engagement qu'il n'avoit contracté que relativement à cette promeffe; car, il eft jufte que tout ce qui eft fondé sur une condition, tombe de lui-même, lorfque cette condition n'eft pas remplie; or, la promeffe du contractant infidelle, étoit la condition fur l'accomplis fement de laquelle l'engagement de l'autre étoit fondé.

L'obligation ceffe & s'anéantit fouvent auffi par le changement de l'état, ou de la condition fur quoi cette obligation étoit fondée. Ainfi, le magiftrat qui a juré de défendre & de protéger les citoyens, n'y eft plus obligé, lorfqu'il fort de magiftrature: de même le ferment que j'ai fait d'obéir au magiftrat, ne me lie plus, lorfque je deviens membre d'un autre Etat non que par-là l'on veuille dire qu'il foit permis au peuple de changer de forme de gouvernement, ou aux citoyens de s'expatrier, uniquement pour ne pas obéir aux loix; attendu que le premier devoir eft de refter attaché à sa patrie, à son fouverain & aux loix du gouvernement fous lequel on vit on ne parle que des cas particuliers, où l'amélioration de notre fortune, une fucceffion, &c. nous engagent à aller nous fixer ailleurs; dans ces cas, c'eft le gouvernement dans lequel nous allons nous établir, auquel nous fommes obligés d'obéir, & de fubftituer fes loix à celles du gouvernement que nous avons quitté, & auquel nous ne tenons plus par les engagemens qui nous attachoient à fui.

[ocr errors]

Le temps anéantit auffi les engagemens dont la durée dépendoit d'un terme fixe & convenu; ce terme écoulé, il ne refte plus d'obligation. La mort fait ceffer auffi, & anéantir tous les engagemens perfonnels, & dont, par cela même qu'ils étoient perfonnels, elle rend l'exécution impoffible.

C'eft encore fe dégager que de fubftituer en fa place un tiers qui, notre débiteur, s'oblige pour nous envers notre créancier, auquel il promet de payer ce que ce débiteur nous devoit lui-même; c'eft ce que l'on appelle une délégation, pour laquelle le confentement du créancier principal eft indifpenfablement néceffaire, quoique celui du délégué ne le foit point du tout.

Si je fuis débiteur d'un homme dont je deviens l'héritier, la dette s'éteint par confufion; car, il feroit absurde d'être en même temps le débiteur & le créancier de foi-même.

La novation dégage auffi de l'engagement, & par novation on entend un changement fait de concert par les deux contractans à des obligations antérieures, qu'ils ont pu, d'accord l'un & l'autre, modifier ainfi qu'ils l'ont voulu.

§. XII.

S. XII.

De la maniere d'interpréter les conventions & les loix.

COMME on emploie dans tous les engagemens volontaires certains fi

gnes, pour indiquer l'intention des contractans, ainfi que les conditions & les claufes du contrat; de même il eft des regles fuivant lefquelles on découvre la véritable fignification de ces fignes. Les principales de ces regles font 1°. que comme chacun n'eft tenu qu'à ce à quoi il a voulu s'engager, en matiere de promeffes en général, on ne doit pas tant avoir égard aux paroles qu'à l'intention de celui qui les prononce; & qu'ainfi, quand on a contracté un engagement, celui envers qui l'on s'eft engagé, a droit de nous contraindre à effectuer tout ce qui fuit d'une droite & naturelle interprétation des fignes dont on s'eft fervi. 2°. Qu'à l'égard des paroles, tant qu'il n'y a point d'ailleurs de conjecture fuffifante qui oblige de les entendre dans un fens particulier, on doit leur donner celui qui leur eft propre, non felon l'analogie ou l'étymologie grammaticale, mais felon l'ufage commun du peuple, maître abfolu des langues; mais que, concernant les termes de l'art employés dans une convention, il faut les expliquer fuivant la définition qu'en donnent les maîtres, ou ceux qui font verfés dans l'art ou la fcience dont il s'agit entre les contractans. 3°. Que lorfqu'une expreffion, une phrase ou une période font fufceptibles de plufieurs fens, il faut, pour découvrir le véritable, avoir égard aux conjectures. 4°. Que c'eft par le même moyen, des conjectures, qu'il faut tâcher de concilier les contradictions apparentes. Ces conjectures doivent être tirées de la nature même de l'affaire qui a été la matiere de l'engagement; des effets ou des fuites qui réfulteroient d'un certain fens; de la liaifon qu'ont ces expreffions qu'on veut interpréter, avec d'autres expreffions employées par le même contractant, & qui font affez claires; enfin de la confidération des motifs des contractans, ou des motifs du légiflateur, fi ce font les expreffions d'une loi, dont on cherche le véritable fens par le moyen des conjectures.

Une quatrieme regle que l'on doit fuivre, dans la maniere d'interpréter les conventions & les loix, eft, qu'on ne doit point oublier qu'il y a un grand nombre de termes, auxquels on a attaché plufieurs fignifications, les unes plus & les autres moins étendues. 5°. Que les promeffes & les conventions roulant communément fur des chofes favorables, ou fur des chofes odieuses, ou fur des chofes mixtes, c'eft-à-dire, qui tiennent des deux premieres, il faut avoir beaucoup d'égard à la claffe à laquelle appartient la convention qu'on interprete. Les choles favorables font celles qui rendent égale la condition des deux contractans, & celles qui tendent à l'utilité publique. Par conventions odieufes on entend celles qui impofent quelque charge à l'une des parties feulement, qui font plus onéreuses à l'un des contractans qu'à l'autre, ou même qui lui impofent quelque peine. Les conTome XXVII,

[ocr errors]

ventions mixtes font celles qui apportent du changement à un acte, pour le bien de la paix, favorables ou odieufes fuivant que l'avantage qui en revient eft fenfible ou le changement confidérable; de maniere pourtant, que tout le refte étant d'ailleurs égal, le favorable l'emporte.

6°. D'après ces obfervations, il eft de maxime, qu'en matiere de chofes qui ne font pas odieufes, il faut donner aux termes toute l'étendue dont ils font fufceptibles, fuivant l'ufage commun; & que fi un mot a plufieurs acceptions, il faut lui donner, dans le doute, la plus générale. 7°. Qu'en matiere de chofes tout-à-fait favorables, fi celui des contractans qui parle entend la jurifprudence, ou fe conduit par les confeils des jurifconfultes, il faut, non feulement donner aux termes toute l'étendue qu'ils ont dans le langage ordinaire, mais auffi la fignification qu'ils ont en ftyle de droit, ou dans quelque loi. 8°. Qu'on ne doit cependant point avoir recours à un fens entiérement impropre, à moins, qu'il n'en réfultât autrement quelque chose d'abfurde, ou qui rendit la convention nulle & de nul effet: & que par cela même, il faut refferrer l'étendue de la fignification propre & naturelle des termes, lorsque l'on ne pourroit éviter fans cela ou quelque abfurdité, ou quelque injuftice. 9°. Qu'en matiere de chofes odieufes, on peut admettre un peu la figure même, pour éloigner un peu le fens propre & littéral.

On étend en quelques circonftances, les promeffes ou les loix par des conjectures tirées d'autre chofe que du fens des termes, mais cette extenfion n'a pas lieu auffi facilement, ni auffi fréquemment que la restriction: on s'en fert toutes les fois qu'une loi, comme il arrive fouvent, peut & doit être appliquée à bien des chofes qui n'y font point exprimées, foit que cette application foit trop fenfible & trop naturelle pour qu'on n'ait pas cru néceffaire d'en faire mention dans la loi ou la convention, foit que le législateur n'ait pû prévoir tous les cas, ni fonger à tout.

C'est encore une regle à laquelle il faut avoir grande attention que, dans les cas où il eft queftion de reftreindre les conventions ou les loix par des conjectures; ces conjectures fe tirent d'un défaut originaire de confentement ou de la volonté, défaut qui s'infere ou des abfurdités manifeftes qui s'enfuivroient fi l'on n'apportoit quelque reftriction à des termes généraux; attendu que l'on ne doit jamais préfumer qu'une perfonne de bon fens veuille des chofes abfurdes; ou du motif qui, feul, ayant déterminé pleinement & efficacement les contractans, ne convient cependant point à un certain cas d'ailleurs renfermé dans l'étendue des termes dont ils fe font fervis; ou enfin du défaut de la matiere, c'eft-à-dire, de ce que la nature même de la chofe ne permet pas d'étendre plus loin des termes généraux ainfi, un fief ayant été donné à quelqu'un pour lui & pour fes defcendans måles, il eft conftant, & l'on doit décider en reftreignant ces termes généraux, que les defcendans mâles fortis d'une de fes filles, ne font pas compris là-dedans; attendu qu'un tel ordre de fucceffion

« PreviousContinue »