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qu'afin de prouver l'eftime qu'il fait de tous les concurrens, entre lefquels il ne veut fe décider ni par paffion, ni par aucune prédilection particuliere.

Lorfqu'il s'agit de la décifion d'une caufe criminelle, fans doute ce n'eft point dans la vue de favoir fi l'accufé mérite ou ne mérite point d'être puni, qu'on s'en rapporte au fort, qui n'a jamais lieu, lorfqu'il n'est queftion que de punir un feul coupable, mais lorfque plufieurs perfonnes fe trouvent atteintes & convaincues du même crime, on juge plus convenable de n'en punir qu'un, pour qu'il ferve d'exemple, que de perdre beaucoup de citoyens, en les faifant tous périr; alors le moyen le plus fage d'éviter l'injustice & la partialité, eft de les faire tirer au fort, afin que la peine ne tombant que fur celui que le hafard indiquera, ce coupable ne puiffe s'en prendre à fes juges, perfuadé d'ailleurs, qu'il a mérité le châtiment auquel fes complices n'échappent que par le même hasard qui le fait fuccomber.

Il eft fort ordinaire encore que le fort décide dans les affaires des particuliers, lorsqu'il s'agit, foit du partage d'une fucceffion que l'on divife en autant de lots, qu'il y a d'héritiers, foit dans le cas de l'adjudication d'un bien, qui ne peut être poffédé que par une feule perfonne, entre plufieurs qui y ont un droit égal, foit qu'il faille charger d'une chose onéreuse, mais indivifible, une perfonne qui n'eft pas plus obligée de s'en charger que toute autre.

Le fort décide encore plus fouvent en temps de guerre qu'en temps de paix; car qu'est-ce prefque ordinairement qu'une bataille, fi ce n'eft une pure décision du fort. Auffi la guerre a-t-elle beaucoup de conventions ou il entre beaucoup de hafard; c'eft ainfi qu'on remet le fuccès d'une guerre à une bataille, ou comme les Romains & les habitans d'Albe, à un, deux ou trois champions de part & d'autre; ou bien encore lorfque d'après la décifion du fort, on envoie dans un pofte très-dangereux, & où la mort eft vraisemblablement inévitable, un capitaine, tandis que plufieurs autres auffi capables que lui de défendre ce pofte, euffent pu y être envoyés.

On peut dire encore qu'il y a une espece de convention tacite où il entre du hafard, entre deux perfonnes qui vont fe battre en duel pour terminer un différend; de maniere que celui des deux qui tue l'autre, n'eft point du tout obligé de dédommager la femme & les enfans de fon adverfaire de la perte qu'ils ont faite, puifqu'il a couru le même risque, & qu'ils font convenus tous deux de terminer par ce moyen leur conteftation. Mais cette exemption n'empêche pourtant point que les particuliers qui s'engagent dans un duel, ne foient très-puniffables, puifqu'ils vont directement contre les loix du fouverain; & que pour terminer leurs différends, quels qu'ils foient, ils commettent de tous les crimes le plus contraire à l'établissement des tribunaux politiques.

La gageure, par laquelle, l'un affirmant & l'autre niant un événement Tome XXVII.

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à venir ou paffé, mais à eux inconnu, ils dépofent de part & d'autre une certaine fomme, confentant qu'elle foit remife à celui des deux, dont l'affertion fe trouvera conforme à la vérité; la gageure eft auffi une convention où il entre évidemment beaucoup de hafard.

La plupart des jeux font mêlés de halard & d'adreffe; mais il en eft beaucoup, où il n'entre que du hafard; & quoiqu'ils foient défendus, à caufe de leurs fuites funeftes à la fortune des familles, toutefois, ils ne renferment rien d'injufte, à n'en juger que par l'équité naturelle, attendu que chacun des joueurs expofe fon argent, rifque également, & joue fon bien, dont il peut difpofer comme il l'entend. Il arrive auffi que plufieurs perfonnes ayant acheté une chose en commun, tirent enfuite au fort, à qui l'aura toute entiere; cette convention eft très-permife, & c'eft ce que Fon appelle la raffle; différente de la lotterie, autre convention où le hafard fait tout, & qui pourtant eft très-permife, en ce que dans celle-ci, qui confifte en ce que de plufieurs billets mis dans le même vafe, ou dans la même roue, quelques-uns feulement portent le figne du gain, & fur-tout, en ce que la loi de la raffle eft que la fomme totale, compofée de ce que chacun des intéreffés donne, n'excede point la valeur de la chose tirée au fort; au lieu que l'argent mis dans les lotteries peut excéder un peu, & ordinairement excede de beaucoup, la valeur des lots que les particu liers en retirent.

Enfin, on peut mettre au nombre des conventions où il entre du hasard, le contrat d'affurance, par lequel, moyennant une certaine somme, on affure des marchandifes qui doivent être tranfportées, foit par mer, foit par terre; de maniere que fi elles viennent à périr, l'affureur eft obligé de les payer. Cette convention exige beaucoup de bonne foi; car fi le maître des marchandifes fait qu'elles font déjà péries, c'eft un dol que de les faire affurer; & fi l'affureur eft inftruit qu'elles font arrivées à bon port, il prend un argent qu'il ne gagnera point, puisqu'il fait bien qu'il n'a aucun rifque à courir.

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ON appelle conventions acceffoires celles qui ne fubfiftant & ne se sou

tenant point, pour ainfi dire, par elles feules, ainfi que les conventions principales, font comme dépendantes de celles-ci, auxquelles on les ajoute. C'est par elles que les contrats fimples font modifiés, foit en y attachant quelque chofe qu'ils ne renferment point, foit en les dépouillant expreffément de quelque chofe,qui les accompagne naturellement. Il eft une autre forte de conventions acceffoires; ce font celles qui donnent des furetés l'exécution d'un contrat déjà modifié, & terminé d'ailleurs dans pour toutes fes clauses.

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foit avant

Les conventions acceffoires peuvent être ajoutées au contrat, fon accompliffement, foit immédiatement après, de maniere qu'elles ne font dès-lors avec lui qu'un feul acte & un même tout. Dans les contrats de bonne foi, la maniere dont eft donné le confentement des parties peut en être la convention acceffoire. Dans les contrats rigoureux, par exemple, dans celui de vente & d'achat, les défignations de la marchandife & la détermination du prix, font les fujets fur lesquels peuvent rouler les conventions acceffoires elles ne peuvent avoir pour objet les qualités effentielles, fans lesquelles tel ou tel contrat ne fauroit être conçu; mais les qualités naturelles qui accompagnent ordinairement les contrats, quoiqu'elles n'y foient pas quelquefois exprimées formellement; & c'eft par cela même qu'on en peut convenir fans détruire l'effence du contrat. Quant aux qualités accidentelles, comme elles ne font en aucune maniere une fuite de la convention principale, elles peuvent y être attachées enfuite, ou bien en être détachées par les contractans, ainsi qu'ils en conviennent acceffoirement. Ces conventions ajoutées peuvent enfin rendre plus onereufe l'obligation principale, ou bien la rendre moins rigoureufe ou moins étendue.

Au refte, la même regle qui prononce la nullité de tout contrat, qui a pour objet une chose ou une action illicite ou contre les mœurs, profcrit auffi & annulle toute convention acceffoire qui renferme quelque chofe de déshonnête. Je ne puis ftipuler dans mon contrat de mariage, que ma fem. me fera libre d'accorder fes faveurs à qui bon lui femblera, ni lorfque j'achete un effet, ou que je vends, ou que je traite fur quoi que ce puiffe être, que je n'entends point être tenu de ma mauvaise foi, &c.

Les conventions acceffoires peuvent tellement altérer les qualités effentielles du contrat principal, qu'il change entiérement de nature; & il devient abfolument nul lorfqu'il paroît évidemment que les contractans ont réellement voulu des chofes décidément incompatibles; par exemple, s'il a été ftipulé dans un contrat de vente, que le vendeur ne feroit jamais obligé de délivrer la chofe qu'il vend, ni l'acheteur de la payer; dans un contrat de fociété, qu'aucun des affociés ne participeroit au gain, ni à la perte. Toutefois fi ces claufes ne font que mal conçues, & s'il paroit que les contractans, d'ailleurs de bonne foi, fe font mal exprimés feulement; alors, l'irrégularité des expreffions n'annullera point l'acte qui en foi, & fuivant l'intention des parties, n'a rien de contraire aux loix, ni aux mœurs. Il en eft de même des conventions acceffoires ajoutées fur le champ au contrat principal, & qui, pourvu qu'il ne s'y trouve rien d'oppofé aux loix, font valides, foit qu'elles alterent l'effence même de la convention principale, ou qu'elles alterent fes propriétés naturelles, ou qu'elles lui donnent quelques qualités accidentelles. Ainfi, quelqu'effentielle que foit la garantie du vendeur dans le contrat de vente, l'acheteur eft cependant le maître de l'affranchir de cette garantie: dans quelques autres actes

on peut par ftipulation, rendre plus ou moins rigoureux l'engagement qui rend l'un des contractans refponfable de fa propre négligence.

par la

Toute convention acceffoire ajoutée quelque temps après la conclufion d'un contrat, quel qu'il foit, & qui diminuant quelque chofe de l'engagement eft favorable au débiteur, eft très-valide, & donne au dernier une légitime exception à oppofer aux demandes de l'autre. En effet, fi convention principale, j'ai promis de vous rendre dans fix mois l'argent que vous m'avez prêté, & qu'enfuite par une ftipulation nouvelle, nous foyons convenus que le terme du payement feroit reculé à une année; vous n'avez rien à me demander au bout de fix mois : & c'eft ce qu'on appelle une convention ajoutée négative. Par la même raifon, fi le contrat paffé, le débiteur confent à avancer le terme du payement, le locataire à quitter dans un an la maison qu'il avoit louée pour fix; cette ftipulation eft obligatoire, & il ne peut oppofer, en exception, la convention principale modifiée enfuite; & c'eft là ce qu'on appelle convention ajoutée affirmative.

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On donne le nom de conventions fiduciaires à celles par lefquelles, dans un contrat en vertu duquel on aliene formellement une chofe on ftipule qu'on ne la vend qu'à condition que l'acquéreur la rendra quelque jour au vendeur, quand celui-ci fe trouvera en état de la reprendre; on l'appelle fiduciaire, parce que, quoique la propriété foit transférée, elle ne l'eft cependant point fi pleinement, que l'acquéreur puiffe en difpofer à fa fantailie, puifqu'au contraire il a engagé fa foi & fon honneur de ne l'aliener dans la fuite qu'en faveur du vendeur.

Les conventions acceffoires qui donnent des furetés pour l'exécution d'un contrat, formé & déterminé par lui-même, font celles par lefquelles un tiers vient prendre fur foi une obligation d'autrui; de maniere que fi le débiteur principal ne remplit pas fon engagement, ce tiers confent à être mis en fa place, & conféquemment de payer. C'eft en un mot, une convention par laquelle on fe rend caution; & ce cautionnement a lieu, foit en matieres civiles, c'eft-à-dire, de chofes & d'actions fufceptibles d'eftimation à prix d'argent, foit en matiere de crimes, lorfque la caution qui prend le nom de pleige, répond que l'accufé fubira la peine portée par la fentence; foit enfin en matiere d'affaires publiques, lorfque de fon pur mouvement, on promet quelque chofe qui concerne l'Etat, ou lorfque par l'autorité du fouverain on fe rend otage.

En général, il eft de principe que la caution, en quelque matiere que ce foit, ne peut être tenue au-delà de l'engagement du débiteur principal. Celui qui donne commiffion ou ordre à quelqu'un de prêter une fomme déterminée à un tiers, n'eft caution fans contredit que de la fomme que le commiffionnaire a prêtée. Mais dans tout autre cas, par exemple dans celui où un tiers intervient pour cautionner le débiteur principal, il peut ftipuler en s'engageant, qu'il n'entend répondre que d'une partie de la

dette & non de l'engagement entier; & fi le créancier y confent, la caution ne fera responsable que de ce à quoi elle s'eft engagée.

Mais ce cas excepté, & toutes les fois que la caution paroît avoir entendu répondre de la dette entiere, elle y eft tenue, d'une obligation encore plus étroite que celle du débiteur principal: car il est évident que le créancier ne s'eft déterminé à prêter que par la fureté du payement que ce cautionnement lui a donné; & il eft tout auffi évident que la caution fachant à quoi elle s'expofoit, fi le créancier principal n'étoit pas en état de payer, c'eft à elle feule qu'elle doit s'en prendre, & n'accufer que fa trop imprudente facilité. Cependant, comme les femmes, plus excufables par l'ignorance où elles font communément des affaires, & plus faciles à perfuader, font d'autant plus expofées à contracter des engagemens dont elles ignorent la rigueur & l'étendue, les loix Romaines ont pourvu aux embarras dans lefquels elles pourroient trop facilement fe jeter, & elles leur accordent le bénéfice du fénatus confulte Velleien, par lequel il eft ordonné qu'elles ne pourront cautionner, ni s'obliger valablement pour qui que ce foit. Par le même efprit d'équité, ces loix qui font toujours en vigueur permettoient à un homme endetté de fe libérer, en abandonnant tous fes biens à fes créanciers; fans accorder le même bénéfice à la caution, attendu que les créanciers étoient cenfés n'avoit prêté, que par ce qu'au moyen de ce cautionnement, ils étoient affurés que dans le cas d'infolvabilité du débiteur ils feroient payer par fon répondant.

Toutefois, comme le cautionnement eft un acte de libéralité, de confiance & de bienfaisance, le droit civil, en cela d'accord avec le droit naturel, veut que le créancier s'adreffe premiérement au débiteur, & par infuffifance de ce dernier, à la caution, & c'eft ce qu'on appelle droit de difcuffion & de poftériorité afin même de dédommager autant qu'il eft poffible celui qui a cautionné, obligé de payer au créancier, ce dernier eft tenu de lui remettre tous fes droits, & toutes fes actions contre le débiteur, même les gages, qui peuvent avoir été remis pour répondre d'une partie de la dette.

Quant aux cautions en matiere criminelle, elles avoient lieu autrefois, & lorfque l'opinion commune étoit que chacun étant maître de fa propre vie, pouvoit également en difpofer comme il vouloir, en faveur d'autrui. Mais aujourd'hui les pleiges ne reftent obligés que dans le cas où ils fe font mis par adreffe en la place de l'accufé qu'ils ont fait évader; & alors le juge eft en droit de punir cette caution, à proportion du préjudice que peut caufer à l'Etat l'évafion du criminel. Cependant il ne paroît pas que le pleige, n'étant d'ailleurs ni l'auteur, ni le complice du crime, le magiftrat foit en droit de punir de mort l'évafion que cet homme a favorifée, & c'eft moins à lui qu'à ceux qui étoient prépofés à la garde du coupable, qu'il doit s'en prendre. Ce que l'on dira ailleurs des engagemens & des obligations des otages, difpenfe d'en parler ici.

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