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vrages des manufactures Pruffiennes, & pour l'achat de plufieurs marchandifes du Levant.

Le roi de Pruffe a une très-grande influence dans le Saint-Empire, & dans toute l'Allemagne; car, comme électeur de Brandebourg, il a une voix dans le college électoral, & il jouit dans le degré le plus éminent de toutes les prérogatives attachées à la dignité électorale. Mais il a encore outre cela, cinq voix au college des princes, & à la diete de l'empire; favoir, comme duc de Magdebourg, prince de Halberstad, duc de la Pomeranie citérieure, prince de Minden & prince de Camin; & l'on ne fauroit disconvenir que les décifions de l'affemblée des princes ne donnent un grand poids aux réfolutions générales de la diete. Dans le cercle de la Bafle-Saxe, le roi de Pruffe exerce alternativement avec la maifon de Brunswick-Lunebourg, la charge de directeur; ce qui lui donne beaucoup d'autorité dans tout ce pays. Dans le cercle de Weftphalie, la maifon de Brandebourg jouit auffi de la direction du cercle, conjointement avec l'évêque de Munfter & la maifon de Neubourg, en vertu du traité fait en 1665. Enfin, le roi de Pruffe eft le plus ferme appui du corps évangélique établi dans l'empire. Tant de prérogatives, tant de droits, doivent néceffairement donner au monarque pruffien un très-grand crédit dans tout l'empire; furtout fi l'on confidere que ce prince poffede un feptieme de l'Allemagne, fans compter même la Siléfie; qu'il entretient une formidable armée, & que les maifons de Bareuth & d'Anfpach, qui figurent avec éclat dans le cercle de Franconie, tiennent encore à la maifon de Brandebourg, dont ils font iffus. Quoique la qualité de membre de l'empire fuppofe une certaine dépendance du corps germanique en général; qu'elle affujettiffe à certains devoirs; qu'elle impose certaines contributions, certains contingens, &c. il eft conftant néanmoins que le roi de Pruffe eft plus grand & plus puiffant, comme membre de l'empire, que fi tous fes Etats étoient détachés de la Germanie, & que ce prince les poffédât avec une fouveraineté illimitée, tous les liens avec la diete étant rompus. Car, (réduisons les choses au vrai,) le roi de Pruffe tire tous les avantages qu'il peut de sa qualité de membre de l'empire, & ne s'affujettit pas aux inconvéniens qui en résultent, qu'autant qu'il veut. En effet, fuppofé qu'il y eût quelque fentence prononcée contre lui, quel eft le prince, ou électeur, qui voulût fe charger de l'exécution contre un roi de Pruffe? Ce monarque d'ailleurs se forme un parti confidérable dans l'empire. Les maifons Palatine, de Würremberg, de Heffe, de Mecklembourg, & autres, s'attachent beaucoup à lui; & il doit de fon côté leur fournir de juftes raifons de continuer le même fyftême. Cela ne fauroit fe faire que par les bons procédés qu'il aura pour elles, par le zele avec lequel il époufera leurs intérêts & les protégera, & par l'amitié qu'il leur témoignera. Il peut rendre à l'empereur tous les égards extérieurs, & toute la déférence qui eft due au chef de la nation germanique; mais il n'eft pas homme à recevoir la loi de Tome XXVII.

V

qui que ce foit; & s'il reconnoît un empereur au-deffus de lui, c'est toujours avec de fortes reftrictions. Au refte, le roi de Pruffe eft intéreffé au maintien du fyftême général de l'empire, de fes tribunaux, fur-tout de la chambre impériale, & de tous les bons établiffemens qui y exiftent.

La Pologne exigeoit une fort grande attention de la cour de Berlin. Ce pays vafte, peuplé d'une nation belliqueufe, touchoit d'un côté à la Prufse, de l'autre à la nouvelle Marche & à la Siléfie. Il eft certain que, fi jamais le fyftême, ou la forme du gouvernement en Pologne, fût venu à changer, & que cette nation eût commencé à fentir fes forces, elle auroit pu devenir une voifine formidable & dangereufe de la monarchie pruffienne, C'est pour cette raifon, que les rois de Pruffe tâcherent d'entretenir, autant qu'ils le purent, les Polonois dans cette indolence & dans ce déclin de forces, néceffaire à ce que leur gouvernement amphibie fe perpétuât heureufement. Tout ce qui peut affoiblir la nation polonoife, eft utile à la Pruffe. Elle étoit intéreffée à ce que l'efprit guerrier des anciens Sarmates s'éteignît chez les Polonois modernes; que les rois fuffent élus felon fes vues; qu'ils n'acquiffent jamais une grande autorité fur le peuple; que les dietes fuffent rompues; que l'armée de la couronne tombât de plus en plus en décadence, &c. Nous voyons quel parti il a tiré de toutes ces circonftances, & des derniers troubles qui ont agité ce royaume auffi malheureux que mal conftitué.

Le Danemarc a peu de liaifons avec la Pruffe; leurs Etats ne font point contigus, fi ce n'eft par un très-petit coin, où le duché d'Oftfrife confine au duché d'Oldenbourg. Il ne fe fait guere de commerce réciproque entre les deux nations : en un mot, les relations qui pourroient naître entr'elles, ne peuvent guere être qu'indirectes, & naiffent du fyftême politique de l'Europe en général. La Pruffe a cependant fujet de ménager cette cour; parce que le Danemarc tient la clef du Sund & de la mer Baltique, fur laquelle tous les ports pruffiens font fitués. Tous les navires qui paffent par ce détroit, font obligés d'y payer des droits de péage, qui ne laiffent pas que de charger beaucoup les marchandifes, & de gêner le commerce. Autrefois la ville de Stettin étoit exempte de cette charge; fes bâtimens paffoient librement; mais, lorfque cette ville tomba au roi de Pruffe, les miniftres de Danemarc eurent l'adresse d'inférer dans le traité, que les habitans de Stettin refteroient fur le même pied que les fujets du roi de Danemarc, relativement au péage du Sund. On trouva après, que ceux-ci font obligés de payer ces mêmes droits; & le miniftere de Pruffe fe vit pris pour dupe. Il s'agiroit donc de trouver quelque correctif pour remédier à cette faute. Le roi de Danemarc peut encore être très-utile à la Pruffe, lorsqu'il s'agit de maintenir l'équilibre dans le Nord.

Autrefois la Suede vivoit dans une méfintelligence prefque perpétuelle avec le Brandebourg; & le grand électeur eut prefque toujours les armes à la main contre elle. La bataille de Fehrbellin & les fuites qu'elle eut,

délivrerent le Brandebourg des Suédois; & la paix de Weftphalie calma tout. Le roi Frédéric-Guillaume fit de nouveau la guerre à la Suede, & lui enleva Stettin avec une bonne partie de la Pomeranie. Cette province étoit la pomme de difcorde entre ces deux puiffances. Aujourd'hui les choses ont bien changé de face. La Suede n'eft plus redoutable à la Pruffe; elle ne fauroit penfer à s'étendre du côté de la Pomeranie, étant toute occupée à défendre fes foyers & fa liberté contre les entreprises de la Ruffie. Elle a même un très-grand befoin des fecours du roi de Pruffe pour ce but; & ce prince, par une politique fort naturelle, fe voit obligé de la protéger de tout fon pouvoir; en un mot, la puiffance de la Ruffie, qui a éclaté tout d'un coup fous Pierre I, réunit les intérêts de la Pruffe & de la Suede. Ces liens fondés fur des intérêts d'Etat, ont encore été refferrés par les liens du fang; le roi de Pruffe donna fa fœur au prince royal de Suede, & de ce mariage font fortis des princes dont la postérité occupera vraisemblablement affez long-temps le trône de Suede. Tant que la Ruffie reftera auffi formidable qu'elle l'eft, & qu'elle gardera ses conquêtes fur la mer Baitique, la Pruffe doit entretenir une fort bonne harmonie avec la cour de Stockholm, pour faire face conjointement à cette puiffance, dont l'agrandiffement pourroit devenir funefte à tout le Nord. Le commerce qui fe fait entre la Suede & les fujets Pruffiens, eft prefque tout paffif pour ces derniers; ils ne fauroient cependant s'en paffer, puifque c'eft du cuivre, du fer & des chofes de cette nature, qu'ils tirent de la Suede, & qui ne fe trouvent point chez eux.

La Ruffie eft de toutes les puiffances celle que le roi de Pruffe a le plus à craindre. Elle eft formidable par fes propres forces, par la facilité avec laquelle elle peut fe rétablir de fes pertes, mais plus encore par fa fituation du côté de la Courlande, qui la met en état d'arrêter ce monar que toutes les fois qu'il veut marcher en avant d'un autre côté. Il a dû fentir en plufieurs occafions, combien cette fituation étoit gênante, en particulier lorfque la Ruffie époufa avec tant de chaleur les intérêts de la maifon d'Autriche & de celle de Saxe. La tactique & la valeur Pruffiennes ont cédé quelquefois à la force & à l'intrépidité des armées Ruffes. D'ailleurs le roi de Pruffe ne peut rien gagner du côté de la Ruffie, & il rifque de beaucoup perdre; au moins la Pruffe courroit-elle le plus grand danger d'être ravagée par ces peuples. Un auteur Pruffien fouhaitoit pour l'avantage de fon roi ainfi que pour la plupart des puiffances de l'Eu» rope, que la nation Ruffe rentrât dans cette barbarie & ce néant dont » Pierre l'a fait fortir; qu'elle perdit les conquêtes qu'elle a faites sur » les Suédois, & qu'elle n'eût ni port, ni un pouce de terre fur la mer » Baltique; en un mot, qu'elle fut reléguée dans l'Afie, & n'eût plus » rien à démêler avec les affaires de notre Europe. « Un fouhait bien plus humain eut été de défirer de voir cette nation s'éclairer de plus en plus & fe gouverner par des principes qui la fiffent aimer & refpe&ter. Voilà

où tendent les vœux & les foins de l'immortelle Catherine II. Nous les voyons couronnés d'un glorieux fuccès. La cour de Berlin a pris le parti le plus fage avec la Ruffie. Sa politique eft d'entretenir une bonne harmonie avec la cour de Pétersbourg, d'avoir pour elle tous les égards convenables, de conclure des alliances avec elle, d'envoyer en Ruffie des princes ou des princeffes qui puiffent un jour monter fur le trône de cet Empire, ou du moins en approcher de près; enfin, d'avoir la Ruffie pour amie autant que cela fe peut. Cette conduite eft d'autant plus fenfée, qu'il se fait un commerce fort important entre les fujets du roi de Pruffe & ceux de la Ruffie. Ces derniers tirent de Berlin des étoffes, des dorures, des nippes, des carroffes, & toutes fortes d'ouvrages de manufactures & de marchandises; les Pruffiens, au contraire, prennent en Mofcovie des pelleteries, du cuir de Rouffi, de la rhubarbe, & toutes les denrées dont ce pays abonde, qu'ils vendent enfuite aux autres nations de l'Europe. Ce commerce eft fort avantageux aux fujets du roi de Pruffe, qui par cette raifon & par plufieurs autres, entretient la meilleure harmonie qu'il peut avec la Ruffie. Ne pouvant empêcher que cette formidable puiffance fit des progrès du côté de l'Europe & en particulier qu'elle n'acquit une grande influence dans les affaires de la Pologne, il a, pour ainfi-dire, fait caufe commune avec la Ruffie, & l'on fait combien cette politique lui a été avantageuse.

La Porte Ottomane eft une puiffance avec laquelle le roi de Pruffe n'avoit rien à démêler. Les fujets Pruffiens n'ont aucun commerce direct en Turquie, les Etats ne fe touchent point, & il n'y a rien de commun entr'eux. Cependant, lorfqu'en 1744 & 45 la Pruffe fe trouva en guerre avec la maison d'Autriche, & qu'elle étoit menacée par d'autres voisins, il eût été fort avantageux pour elle, que le grand-feigneur eût voulu faire agir feulement quelques milliers de Tartares, ou d'autres troupes, qui auroient tenu à la fois en échec la reine de Hongrie, la Pologne & la Ruffie. Ces confidérations & d'autres ont fait changer les chofes, & les liaisons de la Pruffe avec la Porte font devenues beaucoup plus étroites depuis ce temps-là.

Je finis cet article, en difant que la fucceffion de la maifon de Brandebourg ne tombe que fur les enfans mâles; les princeffes en font entièrement exclues.

IL

DESIM POSITIONS

Dans les Etats du roi de Pruffe.

paroit que la forme dans laquelle les impofitions territoriales, font réparties en Pruffe, a été établie, ou du moins a reçu fon dernier Etat, fous le regne du feu roi.

Les Etats du roi de Pruffe font compofés de dix ou douze Etats fouverains, indépendans les uns des autres. Il y a dans chacun des affemblées d'Etats pour régler les affaires domeftiques. Ils s'affemblent de trois mois en trois mois pour ce qui concerne la levée des contributions.

Chaque Etat indépendant eft diftribué en cercles, & chaque cercle a un directeur.

Il y a à Berlin un directoire qui regle les finances en dernier reffort, & on garde dans les archives de ce directoire ou chambre des finances des cartes de tout le pays.

Les terres font diftribuées en différentes claffes, felon la qualité du terrain, fa fituation, fes avantages pour le commerce; & de temps en temps, on fait la révifion de cette diftribution des terres.

Deux fortes de perfonnes concourent à la répartition des impôts; favoir, la nobleffe du diftri&t ou les propriétaires des terres, & les gens qui font chargés des intérêts du fouverain.

La chambre des finances a des fubdélégués dans le diftrict, qui font avec le directeur la perception des deniers royaux, qu'ils reçoivent des mains des baillis & des collecteurs, qui touchent la quote-part des payfans, mais fans pouvoir les exécuter.

Ainfi le collecteur porte à la caiffe de fon diftri&t, ce qu'il a reçu & l'état de ceux qui font en retard de payer. C'est le directeur qui emploie la contrainte. Les propriétaires payent environ vingt ou vingt-cinq pour cent de leur revenu, c'est-à-dire à peu près le quart; & les eccléfiaftiques payent quarante ou quarante-cinq pour cent, c'eft-à-dire, près de la moitié. Il réfulte de cette forme d'adminiftration, que l'opération de ceux qui font préposés au recouvrement des deniers, eft éclairée par le directeur du diftrict; que la contrainte s'exerce par le directeur, & qu'il en rend compte à l'affemblée du diftri&t, que les directeurs n'ont aucun profit à faire dans les abus, étant payés à une fomme fixe par année & enfin que l'impofition étant folidaire, tout le monde a intérêt d'avoir les plus grands ménagemens, parce que la ruine du contribuable tomberoit à la charge du district.

Au furplus la contrainte affurée de la perception forme le contrôle exact des opérations respectives.

Le roi de Pruffe, actuellement régnant, a établi cette forme dans les nouvelles acquifitions qu'il a faites.

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