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du dernier duc. Il y a des ports, comme Embden, Grutfiehl, Norden, & autres, qui pourroient encore être beaucoup meilleurs qu'ils ne font, fi l'on faifoit quelques dépenfes pour le déblayement. La réfidence des princes étoit dans la ville d'Aurich. Le pays eft très fertile, & les haras d'Oftfrise, de même que les beftiaux en général, font en grande réputation. Les inondations y caufent fouvent de grands dommages; on les prévient par les digues, qui coûtent un louis d'or la toife à refaire.

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17. Le duché de Neufchatel & Valengin eft fitué en Suiffe, fur les frontieres de Bourgogne. Il a fix milles de long fur deux de large. Le terrain eft fertile, & les contrées font charmantes. Il y a trois villes, un bourg, & quatre-vingt-dix grands villages. Le plus grand commerce s'y fait en vins; il y a des fabriques d'horlogerie, de coutellerie, & de plufieurs autres chofes utiles. Cette province eft extraordinairement bien peuplée. Le roi la fait régir par un gouverneur, qui eft à la tête du confeil d'Etat. Neufchatel a des pactes de confédération avec les cantons de Berne, Fribourg, Soleure & Lucerne, qui fubfiftent depuis l'an 1529.

18. Le duché de Siléfie fait un des plus beaux fleurons de la couronne de Pruffe. Il confine à la Pologne, à la Hongrie, à la Bohême, à la Moravie, à la Luface & à la Marche de Brandebourg. Sa longueur eft eftimée de foixante milles d'Allemagne fur vingt de large. Il eft comme femé de villes & de villages. Des géographes modernes affurent qu'on y compte 300 villes, 500 bourgades, & environ 4000 villages. On a fupputé le nombre des habitans à deux millions d'ames. Je n'oferois garantir l'exactitude de tous ces calculs, car je fais combien il eft difficile, pour ne pas dire impoffible, de compter des hommes. Mais quand je confidere qu'on ne fait pas un pas en Siléfie, fans rencontrer quelque ville ou villages, que toutes les villes font fort bien peuplées, & que les montagnes fur-tout fourmillent d'habitans qui y travaillent aux manufactures; je fuis tenté de donner beaucoup de créance au dénombrement que je viens de rapporter. Ce duché fe partage en Haute & Baffe-Siléfie. La derniere contient dix principautés & cinq feigneuries. La Haute-Siléfie n'a que fept principautés & deux feigneuries. Le roi de Pruffe ayant fait la conquête de tout ce pays, la maifon d'Autriche n'en a confervé que la principauté de Tefchen, les villes & diftricts de Troppau & de Jaegerndorff, avec les feigneuries d'Olbersdorff & de Hennersdorff; tout le reste a été cédé à perpétuité à la maison de Brandebourg, & l'on peut voir au long dans le traité de paix de Breslau, comment les limites ont été réglées. La Siléfie abonde de tout; le terroir y eft en général très-bon, & il n'y a pas un pouce de terre qui ne foit cultivé. Indépendamment des denrées ordinaires, il y croît beaucoup de lin & de chanvre, ce qui fait la matiere premiere des fabriques de toiles, de napages, de batiftes & de fil, que l'on trouve dans ce pays en fi grande quantité, qu'il n'y a point d'exagération à dire, que la Silefie fournit de toiles le quart de l'Europe & des Indes. Les montagnes en plu

fieurs contrées renferment des métaux & du marbre fort beau. Le roi a fait rétablir les carrieres. Il y a auffi des manufactures de draps communs qui ont beaucoup de vogue, & dont il fe fait un débit considérable à la foire de Leipfick. Les Polonois conduifent une quantité furprenante de chevaux, de bœufs & d'autres beftiaux à Brieg, où il fe tient des foires qui font fréquentées par des marchands de plusieurs contrées d'Allemagne, de Flandre & même de France.

19. Le comté de Glatz a appartenu dans les temps les plus reculés, à la Baffe-Siléfie; il avoit été incorporé au royaume de Bohême, dont il formoit le dix-huitieme cercle; & enfin il a été cédé au roi de Pruffe, par la paix de Breslau. Cette province eft fituée entre la Siléfie & la Bohême, au pied des Monts gigantefques. Tout le pays eft montueux; & l'on ne fauroit y entrer,. que par des défilés pratiqués à travers des rochers fort hauts. Mais, lorfqu'une fois on fe trouve dans la capitale, nommée auffi Glatz, on eft étonné de l'abondance qui y regne en toutes choses. Le pain, l'eau, le gibier, le poiffon, le fruit, tout y eft excellent. Le pays a de même différentes mines, des carrieres, & il donne du bois & de la houille en abondance. On y trouve auffi les eaux minérales de Landeck qui font fort falutaires. Le comté de Glatz a neuf milles de long, cinq de large & vingt-quatre de circonférence.

20. Dans la Baffe-Luface la maifon de Brandebourg poffede encore

1. La ville de Cotbus, qui eft jolie, affez peuplée, & dont les habitans fe nourriffent à l'aide de la brafferie, & de toutes fortes de fabriques. Elle eft munie d'un château fortifié.

2. La ville de Peitz qui eft petite, mais bien fortifiée.

3. La ville de Befckau, petit endroit.

4. Storckau, autre ville peu confidérable avec une feigneurie du même nom, fur les bords de la Sprée.

5. Sommersfeld, encore une petite ville.

21. Dans la Thuringe eft fitué le comté de Mansfeld, proche des frontieres de Magdebourg & d'Anhalt. Les comtes qui la tenoient à titre de fief, s'endetterent au point, que leurs créanciers alloient fe faifir de ce pays. Mais l'électeur de Saxe & l'archevêque de Magdebourg, en qualité de feigneurs fuzerains, s'y oppoferent, & mirent l'an 1570 ledit comté en féqueftre. Ce féqueftre dure encore aujourd'hui. La ville d'Eiflében & la grande moitié de cette province, eft fous le gouvernement de la Saxe. Le roi de Pruffe, comme duc de Magdebourg, tient la ville de Mansfeld avec tout le refte du pays, qui confifte en plufieurs feigneuries, terres, châteaux, &c. Les princes de Mansfeld d'aujourd'hui n'ont confervé que certains revenus qui leur font affignés, & cinq petits villages.

22. En Thuringe, le roi de Pruffe a encore le comté de Hohenftein,

qui eft compofé des villes d'Ellrich, de Lohra, de Clettenberg, de Bleicherode, & de quelques autres petits endroits.

Je ne citerai point ici le droit de protection que le roi de Pruffe a fur la ville & le chapitre de Quidlinbourg, fur l'ordre de St. Jean de Sonnenbourg, non plus que diverfes autres prérogatives dont il jouit en divers endroits de l'Allemagne. Ajoutez-y les ceflions faites de nos jours par la Pologne, favoir la Pomérelie, les pays de la Grande-Pologne qui fe trouvent le long de la Noteiz, en fuivant cette riviere jufqu'aux frontieres de la Nouvelle-Marche, & jufqu'à la Viftule près de Worden & de Sulitz y compris la Noteiz même; plus, comme équivalent du refte de la Pruffe Polonoife, le palatinat de Malborg & la ville d'Elbing, l'évêché de Warmie & le palatinat de Chelm.

On voit donc que les différentes provinces qui compofent la monarchie Pruffienne, ne forment qu'une chaîne de pays, tantôt contigus, & tantôt féparés par des Etats voilins. Il n'y a point de royaume en Europe qui foit auffi long, mais la largeur du territoire Pruffien ne répond nullement à fa prodigieufe longueur. Il n'y a que du côté de la Siléfie, que ce pays s'arrondit : le refte forme une espece de langue de terre, qui traverse environ la moitié de l'Europe. Pour peu que l'on confidere attentivement la fituation locale de cet Etat, on comprendra ce qu'il faudroit au roi de Pruffe pour joindre fes provinces, & fe procurer une communication non interrompue de l'une à l'autre.

Cette vafte longueur de pays a encore un autre inconvénient, en ce qu'elle multiplie trop les voifins du roi de Pruffe. On en compte jufqu'à quarante, tant grands que petits, avec lefquels il y a mille incidens à difcuter, foit pour les limites, foit pour d'autres objets.

Les principales fortereffes que ce prince entretient contre tant de voifins, font Wefel fur le Rhin dans le duché de Cleves; Minden fur le Wéfer; Magdebourg fur l'Elbe; Spandau fur le Havel; Cuftrin au confluent de l'Oder & de la Warthe; Stettin en Poméranie vers la mer Baltique; Glogau, Brieg, Neiffs, Schweidnitz, Glatz, & Cofel en Siléfie, tout le long de l'Oder; Konigsberg, Pillau & Mémel en Pruffe, avec plufieurs autres forts de moindre importance. Toutes ces places font extraordinairement bien fortifiées & fournies de toutes les munitions imaginables pour foutenir un fiege long & opiniâtre.

Nous avons déjà indiqué les principales denrées du pays, en parlant de chaque province en particulier. Mais, indépendamment de ces produits naturels, il y a plufieurs excellentes manufactures, qui font la bafe du commerce. En général, on pourroit dire que tout fe fabrique dans le Brandebourg. Le roi a des châteaux meublés avec la plus grande magnificence, fur-tout le château conftruit dans le voifinage de Poftdam; & tous ces meubles fans exception, ont été faits dans fes Etats. Peut-être même que les habitans entreprennent trop de chofes; & qu'en voulant tout faire &

tout avoir, ils se laiffent diftraire des objets où ils réuffiffent fupérieurement pour des manufactures où il n'y a guere d'apparence qu'ils aillent jamais loin. Les principales fabriques y font celles des draps fins & ordinaires de Berlin, des draps communs de Siléfie, des étamines & de toutes fortes de petites étoffes de Berlin, des toiles & des napages de Siléfie & de Weftphalie; du fil de Siléfie, des miroirs, des glaces, des verres & des cryftaux de Berlin; des carroffes, des galons & des dorures; des étoffes riches à la maniere de Lyon; des armes à feu, des armes blanches & de coutellerie; des fabriques de bas & de bonnets de laine, de velours, de la couleur bleue qu'on nomme le bleu de Berlin, & de plufieurs autres chofes femblables. Il y a outre cela de fort habiles artiftes, peintres fculpteurs, architectes, graveurs, & autres, dont les ouvrages font avidement recherchés. En un mot, le peuple y eft très-induftrieux.

Ces denrées & ces manufactures font la matiere premiere du commerce de ces pays. La Pruffe eft avantageufement fituée pour faire le commerce avec fuccès. Les ports qu'elle a fur la mer Baltique, la mettent en état de trafiquer avec toutes les nations de l'Europe; auffi voit-on continuellement beaucoup de navires étrangers dans ces mêmes ports. Il feroit même à fouhaiter, que la conftruction des vaiffeaux, & la navigation des sujets Pruffiens mêmes, y fût plus encouragée, afin que les Anglois, les Hollandois, & d'autres ne fuffent pas les voituriers maritimes des marchandises de ce pays. Cette entreprife feroit d'autant plus facile, que la Pruffe abonde en matériaux pour la conftruction des vaiffeaux, & que la côte qui eft fort longue, pourroit fournir beaucoup de matelots. Au refte, ce royaume a d'admirables débouchés en Pologne, en Ruffie, en Courlande, & en Livonie. Il faut bien cependant qu'il y ait encore quelque chofe de défectueux dans les arrangemens du commerce; car la Pruffe n'eft pas riche & les denrées y font à trop vil prix. Je ferois tenté de croire, qu'on n'y eft pas affez entreprenant, & qu'on ne tire pas parti affez des avantages de fituation. Qu'est-ce qui empêcheroit, par exemple, que les Pruffiens fiffent venir des bœufs de Pologne, qu'ils les engraiffaffent dans leurs excellens pâturages, & qu'ils en revendiffent la chair falée aux François, aux Hollandois, aux Hambourgeois, &c. La Ruffie tire un argent confidérable de ce feul article de commerce, que la Pruffe pourroit faire avec beaucoup plus d'avantage encore, fur-tout fi le roi y permettoit l'entrée du fel de mer pour cet objet feulement. La Poméranie a encore de fort bons ports fur la Baltique; & l'Oder qui paffe près de Stettin, eft d'une utilité infinie pour le commerce de cette province. Depuis que la Siléfie est entre les mains du roi, & qu'on boir dans ce pays des vins de France, au lieu des petits vins de Hongrie, qu'on y buvoit autrefois, le feul commerce du vin eft devenu un objet fort confidérable à Stettin. La Siléfie répand fes toiles & fon fil dans la moitié du monde; les nations commerçantes les y achetent, & les envoient jufques dans les deux Indes. Il s'y fait en

core un commerce affez fingulier avec la Pologne. Le Polonois s'en va dans la forêt, muni d'une fimple hache. Il y coupe un arbre dont il trouve moyen de fabriquer un chariot, fans y mettre un feul clou de fer. Ce chariot fait, il le charge de cire, de miel & de toutes les denrées qu'il trouve chez lui, il y attele deux bœufs, & le conduit ainfi jufques fur la grande place de Breflau. Là il vend fes denrées & fes bœufs; il brûle petit-à-petit le chariot, & s'en chauffe la nuit. Enfuite il fait emplette des marchandises dont il peut avoir besoin, & s'en retourne à pied, fon paquet fur le dos, jufques dans fon hameau. La Marche, quoi qu'en difent des financiers peu habiles, eft le pays du monde qui femble être le mieux fitué pour le commerce. Elle a des débouchés de tous côtés. Il n'y a qu'à jeter un coup-d'œil fur la carte pour en être convaincu. Quatre grandes rivieres, l'Oder, l'Elbe, le Havel & la Sprée, y paffent & lui donnent une communication aifée avec la mer du Nord par Hambourg, & avec la Baltique, par Stettin. Il femble néanmoins, que ceux qui font chargés des affaires de commerce dans le Brandebourg, ne tirent pas tout l'avantage qu'ils pourroient de cette fituation favorable, & des intentions glorieufes du grand prince qui y regne aujourd'hui. Peut-être qu'à force de vouloir bien faire, ils font mal; peut-être auffi que de faux principes invétérés leur font illufion. Quoi qu'il en foit, le malheur eft, que le commerce qui veut une liberté entiere, y eft gêné, forcé, & qu'il reçoit à tout moment quelque nouvelle entrave. Les provinces de la Weftphalie ont le Wefer & quelques rivieres moins grandes, qui leur fervent à faire paffer chez l'étranger leurs denrées & leurs manufactures. Le pays de Cleves a la Hollande & tous les Pays-Bas pour débouché; & le Rhin, qui paffe près de Wéfel, lui procure tous les moyens poffibles pour négocier avantageufement avec fes voisins. Je n'ofe prefque parler de l'Oftfrife. Cette province a des ports fur la mer du Nord, qui font placés, pour ainfi dire, au centre de l'Europe, & d'une maniere fi favorable, qu'on y pourroit former les plus grandes entreprifes. On diroit qu'il n'y a que les Hollandois qui en fentent l'importance. Au refle, je fuis tenté de croire, que tant de vaftes provinces mériteroient l'établiffement d'un confeil-général de commerce, qui pût porter ses vues de tous côtés, & favorifer d'une maniere efficace 'le commerce de chacun de ces pays en particulier.

La navigation des Pruffiens n'eft pas fort confidérable. Le roi n'entretient pas une chaloupe armée pour la défendre; & les établiffemens que l'électeur Frédéric-Guillaume avoit formés pour cela, font tombés totalement. Les négocians de. Konigsberg, de Pillau, de Colberg & de Stettin mettent à la vérité de temps en temps quelques bâtimens en mer, mais le nombre n'en eft pas grand. Depuis peu Stettin a envoyé un vaiffeau dans la Méditerranée, & encore eft-ce avec un très-grand rifque d'être pris par les corfaires de la côte de Barbarie, qui ne refpectent pas le pavillon pruffien. En temps de guerre, on a prefque autant de peine à faire en

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