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fur l'objet de fa politique qu'ils favoient lui être le plus à cœur en tâchant de lui perfuader que le refroidiffement des puiffances maritimes étoit néceffaire, pour qu'on pût les amener à former les plus étroites liaisons. En effet, il n'étoit pas impoffible de faire croire à l'Angleterre & à la Hollande qu'on n'étoit coupable envers elles que pour avoir trop préfumé de leur affection pour fa majefté impériale; & qu'on n'avoit tant infifté fur le commerce d'Oftende que parce qu'on ne les favoit pas absolument décidées à ne le point tolérer. Alors il étoit naturel qu'autant par égard pour les intentions de fa majesté impériale, que pour lui faire oublier l'infulte qu'elles lui avoient faite en traitant à Séville à fon infçu, elles accordaffent pour le renouement que leur véritable intérêt leur ordonnoit plus qu'elles n'auroient accordé pour la continuation de l'ancienne alliance, fi elle n'avoit point été altérée. Le mécontentement de l'empereur lui donnoit pour ainfi dire de nouvelles prétentions & de nouveaux droits fur leur amitié.

La cour de Versailles avoit pris à Séville fa revanche des traités de Vienne conclus fans fa participation. Celle de Vienne ne voulut pas refter fur les repréfailles. Elle prifoit d'autant plus ce petit triomphe, que déjà le cardinal de Fleuri ayant jeté les fondemens de la réputation dont il a joui pendant fa vie, le miniftere François comptoit fur la fupériorité de sa politique. Bientôt la négociation fut engagée dans le plus profond fecret avec la cour de Londres. Milord Waldgrave, ambaffadeur extraordinaire à Vienne, en régla les préliminaires pendant le mois de mai 1730, & Mr. Robinfon qui le remplaça au mois de juillet continua l'ouvrage avec tant de fuccès, que le nouveau traité digéré prefque fous les yeux d'un des plus habiles politiques que la France ait jamais eu, fut figné & ratifié avant que le cardinal eut voulu croire qu'il fe négocioit. Mr. de Chavigni, miniftre de France dans l'Empire, ne s'en étoit point laiffé impofer par les inftances que les miniftres de l'empereur faifoient auprès des cercles contre le traité de Séville. Mais les ordres & les inftructions qu'il recevoit de fa cour, portant uniquement fur les obftacles qu'il devoit leur oppofer, il lui fallut fe refufer à fes propres lumieres, & ne faire usage du crédit qu'il s'étoit acquis dans l'Empire, que pour empêcher le corps Germanique d'entrer dans les mesures que l'empereur fembloit prendre au préjudice des contractans de Séville.

L'empereur Charles VI, plus grand terrien & auffi puiffant dans l'Empire qu'aucun de fes prédéceffeurs depuis Charles-Quint, a été accufé d'avoir repris le projet de la monarchie univerfelle, attribué aux princes de fa maifon. C'est une accufation qui n'eft fondée que fur des fpéculations que l'hiftoire de fon regne dément. A peine fut-il poffeffeur de la couronne impériale, & l'unique mâle de fa maifon, que tout entier à la crainte de l'extinction de celle-ci, & du paffage de celle-là dans une maifon électorale qui s'éleveroit fur les ruines de la fienne, il forma le deffein d'affurer

d'affurer tous fes Etats à fa fille aînée, afin que le mari qu'il lui choifiroit, devenant le prince le plus capable de foutenir les charges de la dignité impériale, il fut une tige qu'on ne diftinguât pas de la fouche. Ce deffein devoit rencontrer une multitude de difficultés au dedans & au dehors de l'Empire. La cour de Vienne ne fit pas un pas qui ne tendît à les aplanir : & fes vues pour le commerce d'Oftende y entrerent pour quelque chofe, auffitôt qu'elle fut perfuadée que les puiffances maritimes étoient réfolues de les traverfer. Elle espéra que fon union avec la cour de Madrid, la mettant au-deffus des oppofitions, l'Angleterre & la Hollande feroient obligées de rechercher l'empereur d'accommodement; & elle s'attendoit à le leur faire payer par l'aveu & la garantie de la difpofition impériale. Les difficultés qu'elle fit naître à la prife de poffeffion des Etats de Parme & de Tofcane par un infant, n'eurent point d'autre principe que la crainte de fortifier contre fa fille un prétendant aux Etats d'Italie. L'acquifition de la Sicile ne lui fembla fi importante, qu'à caufe des facilités que cette ifle entre les mains du duc de Savoie pouvoit donner aux princes Espagnols, pour faire valoir leurs droits fur Naples. La protection qu'elle donna fi hautement au prince électoral de Saxe pour fe placer fur le trône de Pologne, la guerre ruineufe qu'elle foutint pour fa querelle, étoient le prix de l'amortiffement de fes prétentions fur la fucceffion Autrichienne.

Le premier acte pour l'établiffement d'un ordre particulier de fucceffion dans la maifon d'Autriche Habsbourg eft de l'an 1520. L'empereur CharlesQuint étant convenu avec Ferdinand fon frere, de la divifion de la maifon en deux branches, fit à Bruxelles le 22 d'octobre la ceflion en faveur de la puînée, de tous les Etats Autrichiens d'Allemagne; fous la condition qu'au défaut des mâles de cette branche, les filles de la branche alnée feroient appellées par préférence à la fucceffion. Ferdinand roi des Romains, & affuré dès-lors de fuccéder à fon frere dans la dignité impériale, fit peu de cas de la réserve ftipulée dans la ceffion. Il regardoit les Etats d'Allemagne comme fa légitime, qui lui venant de droit, lui étoit un propre auquel fon aîné ne pouvoit impofer des charges. Dans fon teftament de l'an 1543, il inftitua pour héritiere univerfelle de fes Etats, au défaut des mâles, l'archiducheffe Anne, fa fille aînée, avec droit de représentation pour fa poftérité. Ce prince poffédoit du chef de fa femme, les royaumes de Hongrie & de Bohême, avec leurs dépendances & annexes.

La difpofition teftamentaire de Ferdinand étoit abfolument illégitime, ainfi que la réserve de Charles-Quint: puifque les Etats d'Autriche n'étoient tombés dans la maifon de Habsbourg, que parce que la fucceffion féminine n'avoit pas eu lieu après la mort de Frédéric-le-Belliqueux, dernier duc de la premiere maifon d'Autriche. Ottocare roi de Bohême, qui avoit époufé Marguerite, tante de Frédéric, s'étant emparé des Etats Autrichiens, Tome XXVII.

B.

en vertu de la difpenfe accordée aux filles de cette maison par l'empereur Frédéric Barberouffe, Rodolphe de Habsbourg empereur les réclama au nom de l'Empire comme des fiefs dont il lui appartenoit de difpofer; & les ayant déclarés fiefs vacans, nonobftant les proteftations du duc de Baviere, qui produifoit les preuves de fa confanguinité avec Frédéricle-Belliqueux, en ligne directe mafculine, il en donna l'inveftiture à fon fils Albert, qui a fait fouche de la feconde maifon d'Autriche.

Après le mariage de l'archiducheffe Anne, fille de Ferdinand premier avec le duc de Baviere Albert V, le teftament de Ferdinand devint moins défectueux. Remettant la maifon de Baviere dans fes droits, il fembloit lui faire raifon de la proteftation qu'elle avoit faite en pleine diete contre l'inveftiture accordée par Rodolphe à Albert fon fils.

Ferdinand II, ayant été adopté en 1616 par l'empereur Mathias, craignit d'être inquiété fur fon adoption par Philippe III roi d'Espagne, qui du chef de fa mere, fille de Maximilien II, & fœur de Mathias, prétendoit au moins les royaumes de Bohême avec leurs dépendances & annexes. Pour établir entre les deux branches, l'union que l'état de fes affaires dans l'Empire lui rendoit néceffaire, il paffa avec Philippe, en 1617, un accord fuivant lequel les princes & princeffes d'Efpagne étoient appellés par préférence à hériter de tous les Etats de la branche Allemande Autrichienne, au défaut des mâles. Son teftament de 1621, & fes codiciles de 1635 ne dérogent point à cet accord. Il y pourvut feulement à la fucceffion mafculine, en établiffant le majorat ou l'indivifibilité en faveur des aînés.

L'empereur Léopold, qui ne foupçonnoit point la prochaine extinction de la ligne mafculine, confirma par fa difpofition de 1703, le majorat ordonné par fon aïeul; & il obligea les filles de fe contenter de leur dot; leur réfervant, conformément au teftament de Ferdinand II, le droit de retour au défaut des mâles, & préférant les filles de l'aîné à celles du fe

cond archiduc.

Jofeph n'ayant point fait de difpofition particuliere, Charles VI fon fucceffeur, animé de reffentiment contre la maifon de Baviere, & défefpérant déjà d'avoir des enfans mâles, craignit que cette réserve du droit de retour pour les filles ne fut expliquée en faveur de la poftérité de l'archiducheffe Anne, fille de Ferdinand I, ainfi que l'avoit probablement entendu Ferdinand II, qui lors de fa difpofition avoit trop befoin du secours de la maifon de Baviere, pour ftatuer rien à fon préjudice. Le ban des électeurs de Baviere & de Cologne fubfiftoit encore quand Charles VI fut appellé à l'Empire. Il crut le temps favorable pour privilégier fes propres filles aux dépens de l'électeur profcrit; & le 17 d'avril 1713, fans la participation de qui que ce fut que de fes miniftres, il fit une difpofition, qu'il appella loi domeftique, pacle de famille, & qu'il fit enregistrer deux jours après fous le titre de Pragmatique-Sanction Caroline.

Après avoir dérogé en termes exprès à la Pragmatique de Charles-Quint, il s'autorife des difpofitions de Ferdinand II & de Léopold, qu'il interprete felon fes vues, & fans faire mention de Ferdinand I, pour établir le majorat entre les filles comme entre les mâles, & l'ordre de fucceffion de ligne en ligne, à remonter de la plus proche du dernier poffeffeur à celle qui la fuit immédiatement, les archiducheffes fes filles ayant la préférence fur les filles de fon frere, celles-ci fur celles de fon pere.

Jufqu'en 1724 cette Pragmatique ne fut guere connue & confidérée qu'à Vienne. Les articles de la quadruple-alliance n'étant pas universellement ratifiés, la poffeffion des Pays-Bas & des Etats d'Italie n'étoit point authentique; & la reconnoiffance qui s'y feroit faite de l'ordre de fucceffion qu'on y vouloit établir, n'auroit produit n'auroit produit qu'une proteftation éclatante de la part de la cour de Madrid, que celle de Munich n'auroit pas manqué d'imiter. Auffitôt que le miniftere impérial preffentit la prochaine acceffion de Philippe Và la quadruple-alliance, il fit propofer la Pragmatique aux Etats des provinces Autrichiennes d'Allemagne qui la reçurent le 22 d'avril 1720. Les Hongrois furent amenés, moitié par promeffes, moitié par menaces, ceux-là par affection, ceux-ci par crainte, à en faire autant dans l'affemblée des Etats du royaume, le 7 de juillet 1722. On n'ofa encore tenter de la préfenter ni en Italie, ni dans les Pays-Bas. La fituation de ces provinces rend de peu de confidération le fuffrage de leurs peuples, dont le choix doit être celui des puiffances qu'il intéreffe. Mais à peine fut-on convenu avec Ripperda des préliminaires des traités de Vienne, que la Pragmatique-fan&tion fut mise en diplôme impérial, & publiée comme une loi avec toutes les folemnités d'ufage dans tous les pays qui reconnoiffoient l'empereur Charles VI pour fouverain. Les Etats des dix provinces affemblés par députés à Bruxelles, le 15 de mai 1725, la reçurent purement & fimplement. Philippe V en prit la garantie dans un des traités négociés par Ripperda; & la Ruffie appuya nommément fur cet article dans fon acceffion aux traités de Vienne, en 1726.

Les prétendans à la fucceffion d'Autriche, ne crurent pas que des puiffances auffi peu avantageufement fituées que l'étoient l'Espagne & la Ruffie, pour foutenir leur garantie, fuffent des garans bien redoutables; & ils attendirent pour faire leurs proteftations, que quelqu'autre fe déclarât. Les alliés de Séville fembloient par leur union devoir rendre la Pragmatique à fa premiere obfcurité. Ils paroiffoient en défiance de l'ambition de l'empereur, & peu contens de la grande puiffance que le traité d'Utrecht avoit mife dans fa maifon. La France, en fon particulier, s'étoit déjà expliquée fur la Pragmatique ; & on s'attendoit à la voir donner un défaveu abfolu de fes difpofitions.

La cour de Vienne qui vouloit furprendre celle de Verfailles par le traité qui devoit rompre l'alliance de Séville, propofa d'abord fa Pragmatique au miniftere anglois; & elle fonda la néceffité du fecret dans la né

gociation fur les oppofitions qu'on devoit appréhender de la part de la France. Dans le temps que l'envoi des troupes impériales dans les Etats d'Italie faifoit juger la méfintelligence des cours de Vienne & de Madrid à fon comble, les miniftres d'Espagne & d'Angleterre joints aux miniftres impériaux dreffoient les articles de l'accommodement, dont la mort du duc de Parme hâta la conclufion. Le traité fut figné le 16 de mars 1731 par l'empereur, & l'ambaffadeur d'Angleterre. Comme leur Hautes-Puiffances n'avoient pas donné des pouvoirs affez étendus à leur résident, on devoit leur demander leur fignature à la Haye; & le roi d'Efpagne promettoit l'acte de fon acceffion, pour le temps où par des effets réels on l'auroit convaincu de la fincérité avec laquelle on ftipuloit pour l'infant don Carlos la fucceffion de Tofcane.

Le traité avoit neuf articles principaux, qu'on peut réduire à trois. La garantie de la Pragmatique-fanction envers & contre tous, excepté le Turc; l'introduction de fix mille Espagnols dans les places de Tofcane, & la révocation abfolue de la compagnie d'Oftende faifoient leurs objets. Les trois puiffances contractantes ftipuloient une défenfive refpective. Elles fe réservoient tous leurs traités avec les autres puiffances, dont les articles ne feroient point en oppofition avec ceux de ce dernier. Le roi d'Espagne donna l'acte de fon acceffion le 6 de juin de la même année; & il la fit fuivre d'un nouveau traité d'alliance, du 22 de juillet. Les Etats-Généraux ne donnerent leur ratification que l'année fuivante. C'eft ce traité qui pendant les fix premieres années de la guerre Pragmatique a exercé la fubtilité des miniftres de France & de Vienne auprès de leurs Hautes-Puiffances. Ceux-ci vouloient qu'il portât l'engagement d'une guerre ouverte contre les oppofans à la Pragmatique-fanation: ceux-là prétendoient qu'étant de pure défenfive, il n'excluoit point la neutralité. Ce fut dans les Etats de chaque province un fujet entretenu de débats & de contestations, qui ne cefferent qu'à la révolution.

Dès que l'empereur fe fut affuré de fes protecteurs pour fa Pragmatique, il la propofa à la diete de l'empire. Ses miniftres la préfenterent aux trois colleges, ainsi qu'ils l'avoient préfentée aux puiffances maritimes, comme une confirmation des difpofitions de fes prédéceffeurs, déjà avouées par le corps germinique, comme un acte néceffaire à la balance de l'Europe, comme un arrangement qui ne portoit préjudice à perfonne, & dont les électeurs, époux des archiducheffes Jofephines, avoient reconnu la légitimité, en renonçant par leur contrat de mariage à toute prétention, du chef de leurs épouses, fur la fucceffion Autrichienne. Ces motifs, que la cour de Vienne crut devoir donner aux princes & Etats pour l'approbation & la garantie de la Pragmatique-fanction, ont fourni leur apologie aux puiffances, qui, après l'avoir garantie, fe font déclarées contre elle. L'Espagne & la France, le corps germanique en général, & la plupart de fes membres en particulier, ont rappellé la légataire de Charles VI aux affurances qui

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