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dame la duchesse de Bourbon. A cette époque, toutefois, cet immeuble étant de la plus grande utilité pour le service du Roi, la princesse s'était empressée de le lui offrir en échange de l'hôtel Valentinois, dépendant de la dotation de la couronne, et le 15 septembre 1815 cet échange avait eu lieu. Le contrat, sous seing privé, portait que cet échange avait eu lieu sans soulte ni retour d'aucune espèce; toutefois, comme on savait que l'Élysée était d'une valeur supérieure à l'hôtel Valentinois, le Roi avait consenti en faveur de la duchesse de Bourbon une rente annuelle et viagère de 100,000 fr., ayant pour objet de parfaire la différence de valeur.

La duchesse de Bourbon étant morte, on fit alors, suivant les formalités prescrites en cas d'échange dans les biens de la couronne, une estimation de l'Élysée Les experts assignèrent à l'Élysée une valeur de 2 millions 384,000 fr., contre une valeur de 865,522 fr. assignée à l'hôtel Valentinois. La différence entre les deux immeubles, soit la somme de 1,518,478 fr., eût donc dû être comptée aux héritiers de madame la duchesse de Bourbon, les princes d'Orléans; mais comme, d'après le contrat, aucune soulte n'était due, et que, d'autre part, la rente de 100,000 fr. servie à la princesse pendant de longues années avait été une notable compensation, la couronne s'était trouvée ainsi libérée et propriétaire de l'immeuble, qu'elle a conservé et dont elle a fait aujourd'hui l'une des plus belles résidences souveraines qui existent.

Tels étaient les éléments de la loi sur les échanges de la liste civile présentée à la Chambre. Aucun orateur ne se présentant pour y contredire, ses divers articles allaient être mis aux voix lorsque le rapporteur, M. le baron Saladin, se levant, dut faire part à l'Assemblée d'une réclamation qui venait être remise à son président, M. Ravez.

Cette réclamation provenait du procureur fondé et des héritiers de la famille du prince Murat, qui, contestant la validité des titres au moyen desquels la propriété de l'Élysée avait été incorporée au domaine de l'État en 1808, déclaraient (ainsi qu'ils l'avaient fait antérieurement à la Chambre des pairs) ne consentir à cet échange qu'autant qu'on reconnaîtrait leurs droits à une indemnité.

La réclamation de la famille Murat était sans valeur. Le décret rendu en 1810 par l'empereur Napoléon sur cette matière prescrivait le mode et les formalités à suivre relativement aux échanges avec la couronne, et son article 1er portait « que la loi destinée à sanctionner les échanges avec le domaine de la couronne devait toujours être rendue, sans préjudice des droits des tiers, lesquels auraient toujours la faculté de se pourvoir auprès des autres autorités. »>

D'après ce texte, la réclamation de la famille Murat ne pouvait donc faire obstacle à la loi, et la loi devait être adoptée : c'est ce qui fut fait. Ces divers échanges au profit de la liste civile furent sanctionnés par l'unanimité de la Chambre.

La liste civile du roi Charles X se trouva ainsi

24 LES FINANCES SOUS LA RESTAURATION. [1825. constitutionnellement réglée pour toute la durée du règne, et la dotation apanagère du duc d'Orléans gracieusement confirmée entre ses mains.

Qui eût dit alors que, cinq ans après, en 1830, le premier serait en exil, et le second, à sa place, sur le trône de France!

Sic fata!

CHAPITRE SEIZIÈME.

LES FINANCES SOUS LA RESTAURATION.

(1825.)

SOMMAIRE. L'indemnité des émigrés. Son but. Opinion de Napoléon sur les émigrés; sur l'indemnité qui leur était due. Rapport de M. de Martignac. Premier projet du roi Louis XVIII. Phases de cette grande question. Objections. Comment les ventes des biens des émigrés avaient été faites. Estimation de ces biens. Loi du 12 prairial an III. Les deux catégories d'estimation. Montant de la somme totale à restituer aux émigrés. Moyens proposés. Émission de 30 millions de rentes en cinq ans. Conditions à remplir pour avoir droit à l'indemnité. Mesures relatives à la liquidation. Les biens concédés aux hospices à titre définitif ou provisoire. Distinction à établir pour rentrer en leur possession. Oppositions des créanciers. Leurs conditions. Rapport de M. Pardessus. Vingt-deux amendements ou propositions. La discussion générale. Composition de la Chambre des députés. Ses opinions. Les partis. Discours de MM. Labbey de Pompières et Méchin. M. de Lezardière conteste les bases de l'estimation des biens. Réponse de M. de Vaublanc. Attaques de M. de La Bourdonnaye. Il renie la Charte. Réplique de M. Corbière, ministre de l'intérieur. Explications nouvelles de M. de Martignac. Proposition de M. de Laurencin. Le général Foy. M. de Villèle intervient. Son grand discours. Incident grave de M. Duplessis-Grenedan. Tumulte. Opinion de M. Benjamin Constant sur la fidélité des émigrés. Réponse de M. de Villèle. Résumé du rapporteur. La discussion des articles. Article 1er. Amendement Breton. Rejet. Amendement de la commission. Adoption. Admission de la proposition Wangen relative aux biens situés en France au 1er janvier 1792. Article 11. Estimation des biens. Vingt fois le revenu de 1790. Discus

sion sur cette estimation. M. de Lezardière. Proposition de commissions départementales. Réponse de M. de Villèle. Explications complètes sur le mode d'estimation adopté. Rejet des amendements. M. de Lastours propose l'estimation des biens à dix-huit fois le revenu de 1790, au lieu de vingt fois. Ses arguments. Son amendement est adopté. Amendement de la commission sur l'établiseement d'un fonds commun. Il est adopté. Discussion des articles suivants. Délais pour le solde de l'indemnité. Les liquidations inférieures à 250 fr. sont affranchies des délais. De quelle date doit compter le droit à l'indemnité? Amendement de la commission. Elle propose le jour du décès de l'ancien propriétaire. Adoption. Les donataires et les légataires admis. Les déportés et les condamnés révolutionnairement. Proposition de M. de Laurencin en faveur des Lyonnais et des Vendéens. Rejet. Biens vendus et affectés aux hospices. Législation de ces biens. M. Corbière. Amendement de la commission. Droits des créanciers. Leur rang. Dispositions additionnelles. M. de Charencey. Quotité du droit d'enregistrement à percevoir sur ces actes. M. Foy. M. Pardessus. Les Françaises mariées à des étrangers avant 1814 ont droit à l'indemnité. Amendement Jacquinot-Pampelune. Vote de la loi. Majorité. Minorité. Enseignement à tirer de ce vote.

Le Roi, dans son discours d'ouverture, avait annoncé solennellement « que la situation des finances permettait enfin de fermer les dernières plaies de la Révolution. » Ce grand acte de justice et de politique était l'indemnité des émigrés.

L'indemnité des émigrés était celle à accorder aux anciens propriétaires des biens confisqués et vendus au profit de l'État, en exécution des lois révolution

naires.

Cette loi avait une importance exceptionnelle. Déjà, en 1814, lorsque la restitution des biens non vendus avait été faite aux émigrés, tous les bons esprits avaient pressenti que cette première réparation n'était que le prélude d'une seconde plus radicale et plus directe. On se rappelle, à ce sujet, la noble

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