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blique. Après l'avoir véritablement honorée, en la conférant aux militaires qui avoient toujours bien agi, parce qu'ils avoient toujours obéi, il l'avoit prodiguée sans ménagement à tous les fauteurs de l'anarchie, à tous les coupables de la révolution. En conservant l'institution en elle-même, j'aurois voulu l'épurer: je n'aurois pas consenti à laisser porter la même décoration, au lâche qui avoit égorgé son roi, et au brave militaire qui avoit versé son sang pour sa patrie : j'aurois voulu, en un mot, que l'institution destinée à raviver l'honneur français eût été purgée de toutes les souillures révolutionnaires.

ARTICLE LXXIII.

Les colonies seront régies par des lois et des règlemens particuliers.

Point d'observations.

ARTICLE LXXIV.

Le roi et ses successeurs jureront, dans la solennité de leur sacre, d'observer fidèlement la présente Charte constitutionnelle.

Cet article, qui termine la Charte, confirme tout ce que je vous ai dit sur la doctrine qui a présidé à sa confection. Il ne s'agit pas ici de concessions faites au peuple par le roi ; il ne s'agit pas de libertés accordées à ses sujets par un monarque généreux : ce sont des obligations qu'on impose au roi lui-même, ce sont des devoirs qu'on prescrit à Louis XVIII et à ses successeurs. Eh! qui donc commande ici? Quelle est la puissance qui a imposé ces obligations? Quelle est la divinité qui a tracé ces devoirs? Le roi de France jurera, ses successeurs jureront!....... Et si le roi ne veut pas jurer, si ses succes

seurs ne veulent pas jurer, qu'arrivera-t-il?... Ici s'ouvre l'abîme des révolutions; ici apparoit le génie insurrectionnel qui va renverser tous les rois de la terre.......... Détournons nos regards, mon fils, de ces tristes tableaux... Espérons que la Providence aura pitié de notre belle France, et qu'elle viendra au secours de notre pa trie, qui a été pendant tant de siècles celle de l'honneur et de la vertu !...

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VINGT-SIXIÈME LETTRE.

CHAPITRE VIII ET DERNIER DE LA CHARTE.

ARTICLES TRANSITOIRES ET ORDONNANCE.

Les articles 75 et 76 qui forment ce chapitre ne sont susceptibles d'aucune observation; ces articles transitoires sont déjà dans le passé. Mais, l'ordonnance qui suit ces articles, ainsi que la date donnée à la Charte, doivent fixer notre attention.

Dans l'ordonnance qui termine la Charte, le roi déclare que, conformément à la déclaration de Saint-Ouen, la Charte a été mise sous les yeux du sénat et du corps législatif : cette déclaration confirme cette vérité, que les membres du sénat et du corps législatif ont, sinon rédigé entièrement la Charte, au moins surveillé sa rédaction. Ce fait de leur coopération à la rédaction de la Charte, d'ailleurs connu de tout le monde, explique pourquoi les membres de ces deux corps, actuellement existans, proclament la Charte comme un chefd'œuvre de sagesse et de raison. Ils vantent leur propre ouvrage. Sans insister sur cette observation, je veux seulement rectifier en ce moment les fausses idées que pourroient faire naîtré dans votre esprit les éloges faits de la Charte, sous le rapport de la sagesse et de la

raison.

Ce n'est pas sous un tel rapport qu'il appartient aux citoyens d'envisager la Charte : la Charte est une œuvre

de l'autorité légitime; c'est là la cause, et la seule cause du respect qui lui est dû : qu'il y ait ensuite sagesse ou raison, cela n'importe point. Nous respectons les vases consacrés aux autels, sans nous informer s'ils sont de cuivre ou d'or; il en est de même de la Charte, il ne s'agit pas de sa qualité : du moment où le roi l'a donnée, elle seroit tout-à-fait différente de ce qu'elle est, qu'il faudroit encore lui obéir également ; la seule chose à considérer, c'est qu'elle soit la parole du roi. Vous devez, en effet, obéissance au roi et aux ordres qu'il donne, non parce que ces ordres sont des chefs-d'œuvre de sagesse et de raison, mais parce que ces ordres sont des actes émanés de l'autorité souveraine, à lui confiée par la Providence. Cette manie de célébrer la sagesse et les lumières de l'autorité est l'effet de l'orgueil et de l'indépendance: c'est un effet de l'orgueil, en ce que l'on se croit plus éclairé que celui dont on vante les lumières; c'est un effet de l'indépendance, en ce qu'on place sa raison au-dessus de l'autorité, et qu'on s'établit juge de celui à qui l'on doit obéir.

C'est une maxime irrefragable qu'il n'y a pas de société possible, sans autorité et sans obéissance; cependant, si le citoyen est appelé à juger les ordres donnés par l'autorité, et à les qualifier suivant sa raison, il n'y a plus d'obéissance, et par conséquent plus de société. Obéir parce que l'ordre donné vous convient, ce n'est pas obéir; l'obéissance est un sentiment passif qui devient devoir, à cause de l'autorité légitime dans la personne qui commande, et non à cause des lumières et de la raison de cette personne. Si vous isolez l'obéissance du principe de l'autorité, il n'y a plus rien qui puisse vous engager à obéir; obéir parce que votre raison

vous le dit, c'est faire votre volonté, et faire sa volonté, n'est pas obéir. D'ailleurs, l'obéissance suppose toujours deux rapports; si vous ôtez l'un de ces deux rapports, vous restez seul, et l'on ne s'obéit pas à soi-même.

Ces idées ne sont pas celles des révolutionnaires, qui placent la moralité des actions dans le raisonnement, et qui ne connoissent de bon citoyen que celui qui raisonne : avec cette manie, ils ont paralysé l'ame et desséché le cœur. Hélas! ce n'est pas par le raisonnement que les nobles passions de l'ame produisent leurs effets! L'amour de la patrie, la tendresse des pères et mères, celle des enfans, la charité, la bravoure, le courage, tous les sentimens généreux s'élancent du cœur, et ne se raisonnent pas l'homme reçoit ses inspirations de bonté de la nature, et non du raisonnement.

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Chez aucun peuple, et à aucune époque de civilisation, on n'a vu des citoyens se placer au-dessus de la société ; et là, se donner le droit de célébrer les lumières ou la raison de l'autorité. Qui ne sent que le droit d'applaudir et de vanter emporte aussi celui de siffler et de blâmer? Un pareil droit seroit l'occasion de débats raisonnés, qui finiroient par tuer l'autorité. On en peut juger par ce qui se passe sous nos yeux : tous les jours on met en jeu la personne du roi, en parlant de sa sagesse, au lieu de parler de son autorité; les journaux habituent par là le public à mesurer son obéissance sur les qualités personnelles du roi, et, comme ces qualités peuvent devenir le sujet de mille controverses, ces controverses finissent par porter atteinte à la majesté royale. Cela n'existeroit pas, si l'on ne parloit que de l'autorité du roi : les qualités du roi peuvent être mises en discusion; on peut croire plus ou moins à sa sagesse et à sa raison; mais on ne peut

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