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La vapeur de l'eau bouillante, le courant des deux fleuves qui traversent la ville, des chevaux que l'on place indifféremment dans tous les étages des maisons les plus élevées, mettent en mouvement un nombre immense de ces métiers. Dans ces grands ateliers, le dévidage des soies, le tissage des étoffes s'exécute par des moyens mécaniques, avec autant de régularité que de promptitude; toutes ces machines agissent sans moteur apparent et semblent obéir à un pouvoir surnaturel : des surveillans plutôt que des ouvriers, se promènent dans les salles, rattachent les fils cassés, placent de nouvelles bobines, retirent l'ouvrage fait et paraissent le recevoir de mains invisibles qui travaillent pour eux. On se croit transporté aux pays des merveilles décrits par les Arabes et les autres Occidentaux. Je ne vous cacherai pas, mon cher Wam-po, que si ma vanité a été flattée de ce prodigieux effort de l'industrie humaine, dont je n'avais nulle idée, mon orgueil national a été singulièrement humilié. En effet, à quelle distance nos métiers si simples, je dirais presque grossiers, ne sont-ils pas des mécaniques européennes? Un des principaux négocians de la ville, auquel j'étais recommandé, m'a accompagné dans toutes les fabriques avec cette politesse obligeante que les Français ont généralement pour les étrangers, mais qu'ils ne retrouvent hors de chez eux que parmi les hautes classes. Toujours empressé de répondre à mes questions, il m'aurait volontiers expliqué ce que ces machines diverses offrent de combinaisons ingénieuses; mais mon esprit se refuse à comprendre un mécanisme compliqué, et mon attention

Il ne faut pas oublier que c'est un Chinois qui écrit.

se perd dans ce dédale de rouages et de ressorts, de leviers et d'engrenages. Je laisse donc ce genre d'étude à ceux qui en ont le talent et le goût, et je ne m'occupe de la mécanique appliquée aux arts que relativement à ses résultats et à l'influence qu'elle peut avoir sur la société.

Il me semble que dans les pays où la population n'est pas aussi considérable que le comportent l'étendue du territoire et la fertilité du sol, l'economie du temps dans les arts est la chose du monde la plus précieuse. Ainsi, lorsque dans de telles circonstances on peut, au moyen des machines, obtenir d'un homme le travail de plusieurs, on rend un véritable service à l'état ; car les objets manufacturés baissant nécessairement de prix se trouvent à la portée d'un plus grand nombre de consommateurs, tandis que l'agriculture, disposant de plus de bras, peut fournir avec plus d'abondance les denrées de la première nécessité : chacun a donc plus de facilité à se nourrir, à s'habiller, à se meubler; et voilà ce qui constitue l'aisance générale. Mais lorsque l'agriculture, portée, comme à la Chine, à son plus haut point de perfection, ne fournit que la nourriture nécessaire à une immense population, que la terre manque, pour ainsi dire, à l'homme, et que d'ailleurs les manufactures sont assez florissantes pour empêcher la concurrence de l'étranger, les inventions qui économisent la main-d'œuvre n'offrent pas le même avantage. En effet, il est évident que si un ouvrier faisait le travail de dix, il faudrait que les neuf autres quittassent leurs métiers. Mais que deviendraient-ils? Ils n'auraient chez nous d'autres ressources que d'aller former une colonie au Thibet, ou défricher les déserts de la Tartarie; ils seraient donc perdus pour la nation.

Au reste, ces considérations ne sauraient s'appliquer à l'Europe, où l'agriculture a encore besoin de tant d'encouragemens, et où la population, bien loin d'être complète, augmente si lentement. Ce n'est pas que le nombre des naissances ne surpasse celui des morts; mais les Européens s'opposent à cet accroissement naturel par des guerres presque continuelles. Les progrès de la civilisation, dont ils sont fiers, ne les ont pas guéris de cette funeste manie: seulement ils font la guerre avec plus d'art qu'autrefois, mais elle est tout aussi meurtrière; et sans doute que les malheureux estropiés dans les combats, ou les veuves de ceux qui y périssent, sont peu sensibles au perfectionnement de la tactique et aux inventions des ingénieurs.

Rendons grâces, mon cher Wam-po, au grand Tien qui nous a fait naître dans cet heureux empire où l'on connaît trop le prix de la paix pour vouloir la troubler sans la plus indispensable nécessité, et où la population est si heureusement distribuée entre l'agriculture et les manufactures, qu'elles prospèrent également. C'est sans doute à cette sage répartition qu'il faut attribuer cet ordre admirable que toutes les classes de la société observent entre elles depuis des milliers d'années, et qui paraît aussi immuable que celui des corps célestes qui roulent majestueusement sur nos têtes.

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INSCRIPTIONS DE S. IRÉNÉE (Suite).

Les deux inscriptions suivantes font partie de celles dont les cippes forment la rampe de l'escalier, à droite, en montant dans l'église :

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ET QVIETI AETERNAE TERTINI
CASSI VETERANI LVG VIII AVG
ET TERTINIAE AMABILIS SIVE CY
LE NATIONE GRAECA NICOM:

DEA CONIVGI KARISSIMAE ET PIE
NTISSIMAE CASTISSIMAE CONSE
RVATRICI MIHI PIENTISSIMAE FOR
TVNAE PRESENTI QVAE MIHI
NVLLAM CONTVMELIAM NEC ANI

MI LESIONEM FECIT QVAE MECVM

VIXIT IN MATRIMONIO ANNIS XVIII

DIEBVS XX SINE VLLA LAESVRA NEC ANI

MAE OFFENSIONE QVAE DVM EGO

INPEREGRE ERAM SVBITA MORTE DIE

TERTIO MIHI EREPTA EST ET IDEO HVNC TITV

LVM MIHI ET ILLE VIVS POSVI ET POSTERISQVE
MEIS ET SVB ASCIA DEDICAVI.

1 Voy. plus haut pag. 61; voy. aussi tom. I, pag. 469, tom. II, pag. 53, et tom. III, pag. 455.

Le nom de Tertinia se lit dans une autre inscription lyonnaise, en l'honneur de Tertinia Victorina, qui est rapportée par Paradin, Inscriptions antiques, à la suite de ses Memoires de l'histoire de Lyon, pag. 421, et que l'on conserve au Palais des arts.

Le mot titulus employé ici pour signifier une épitaphe, n'est pas une expression inusitée, quoique Spon, Recherche des antiquités de Lyon, pag. 53, paraisse s'étonner de l'avoir rencontrée dans l'inscription de Claudius Rufinus. On trouve fréquemment titulus avec ce sens dans les auteurs classiques. Nous ne citerons que ces deux vers de Martial, X, 71:

Quisquis læta tuis et sera parentibus optas
Fata, brevem titulum marmoris hujus ama....

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