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gea des frais de ses études; M. de Montazet, son archevêque, voulut être son protecteur et fut toujours son appui.

» Le penchant irrésistible qui le portait au travail et à l'étude des grands modèles, le fit entrer à 17 ans dans la maison de l'Oratoire..... Les supérieurs du P. Primat, ces enfans chéris de Bérulle, n'eurent pas besoin de la pénétration naturelle de leur esprit pour démêler ses heureuses dispositions. Ils s'empressèrent d'utiliser ses talens; ils l'envoyèrent au collège de Marseille bientôt après il passa à celui de Dijon, avec le titre de professeur de rhétorique.....

>> Ses succès lui méritèrent, deux ans après, la chaire de théologie; il réunit alors aux fleurs de la littérature, cette science évangélique qui peut seule former les siècles de bonheur et de paix.... Il avait vingt-huit ans lorsqu'il fut admis au sacerdoce: dès ce moment il se regarda comme une victime dévouée au bien de l'église et au salut des peuples.

» La chaire.... fixa ses regards. Les fruits de ses premiers talens furent consacrés au triomphe de la religion....

» Son sermon sur les grandeurs de Jésus réunit les suffrages d'une congrégation qui joignait à la science qui éclaire, l'exemple qui édifie et convertit. Les applaudissemens qu'il reçut auraient dû l'engager dans de nouvelles compositions; ils augmentèrent en lui cet esprit de crainte et de timidité, inséparables de son caractère....

» Le P. Primat, occupé des pénibles fonctions de son ministere, promène ses yeux inquiets sur l'état moral de la France. Il voit la capitale infectée des

principes philosophiques, dont le débordement s'étend au loin. Effrayé des maux qui pèsent sur sa patrie, il disait souvent à ses amis, comme saint Grégoire de Nazianze : « Serai-je capable, malgré la tempête et le bruit des flots qui m'étourdissent, de m'acquitter de l'emploi de prédicateur? Non, je sens que les forces manquent à ma volonté : faible roseau, je ne puis affronter l'orage. »

« La vue d'une grande assemblée paralysait ses mouvemens; un frémissement général agitait son âme tout entière....

» L'habitude de la crainte lui fit considérer l'instruction des fidèles sous des rapports moins brillans : Les sermons, disait-il, ne sont que des discours d'éclat. Il adopta l'homélie, comme plus instructive et plus appropriée au besoin du peuple....

>> M. Primat croyait qu'un catéchisme raisonné, ou des conférences sur les malheurs du temps, sur les vices du siècle, et de bonnes et solides explications de l'évangile, conviendraient mieux à des fidèles qui manquaient de principes, faute d'instruction.

>> C'était toujours malgré lui, et en se faisant violence, qu'il était obligé de publier ses mandemens; ainsi l'Académie a été privée de son Discours de réception, et de sa Réponse, comme modérateur, M. le préfet Desmousseaux....

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>> La cure de Douai, dépendante de la maison de l'Oratoire, vint à vaquer. Il fallait désigner un successeur digne de l'ancien titulaire et de l'auguste patronage. Le P. Primat réunit tous les suffrages pour occuper ce poste de confiance, où les talens devaient être réunis aux vertus.

» Le nouvel élu justifia l'opinion de ses confrères; il fut l'ami, le consolateur, le guide éclairé de cette nouvelle famille confiée à ses soins et à sa tendre vigilance....

>> Un mouvement insurrectionnel, occasioné sous le prétexte de la cherté des grains, agite tout-à-coup la ville de Douai. Bientôt l'effervescence est à son comble. Le peuple à grands flots se précipite chez Wenderven. Un marchand de blé ne peut être qu'un accapareur, un spéculateur barbare, un assassin du peuple, et aussitôt le nom de Wenderven devient le signal du meurtre. Pendant qu'on demande à grands cris la victime, qu'on la cherche chez ses parens et chez ses amis, l'échafaud est dressé sur la place publique; l'infortuné négociant ne peut éviter le malheur qui le menace. La joie qui brille dans le cœur des cannibales annonce l'arrêt de sa mort. Déjà couvert de boue, le corps meurtri, les habits déchirés et tombant en lambeaux, il est traîné dans les principales rues de la ville, au milieu des hurlemens et des vociférations les plus barbares; on dirige sa marche vers l'église où il doit demander pardon à Dieu et à ses concitoyens des concussions qu'il n'a pas commises, des crimes auxquels il n'a pas songé.

» La terreur a glacé toutes les âmes; la justice est muette, l'autorité est sans force et sans mouvement; les habitans paisibles, renfermés dans leur maison allendent dans un morne silence la fin de cette scène abominable. Quel est l'homme qui pourra arrêter la fureur et la révolte d'une populace qui s'est placée audessus de la loi ? Ce sera le curé de Douai. Il surmonte la timidité de son caractère; son âme irritée n'a

pu entendre sans frémir les apprêts du supplice, il ramasse toutes ses forces, il se fait jour à travers les groupes mutinés, il enfonce les rangs du crime, il reçoit mille injures, brave mille dangers. Enfin, le génie du mal s'arrête devant la piété suppliante; M. Primat s'empare de Wenderven, les bourreaux étonnés laissent échapper leur proie, et Wenderven est arraché aux horreurs d'une exécution populaire. Si la charité a ses héros, elle doit avoir ses admirateurs.

» Mais pendant qu'il jouit de l'estime générale et des témoignages les plus flatteurs de M. de Gouzier, évêque d'Arras, une terrible révolution agite toutes les parties de la France.... Le trône s'écroule sur les débris de l'autel; et sur leurs ruines amoncelées, s'élève, au milieu des cris et de la confusion des langues, une église nouvelle chargée des condamnations de Rome et des imprécations de la chrétienté. Au signal donné, les départemens en tumulte s'élèvent comme un seul homme: au mépris des lois et des saints canons, ils donnent à l'église des ministres qu'elle rejette et que le saint pontife méconnaît...

>> Une physionomie des plus heureuses » une taille avantageuse, une bonne renommée, et peut-être encore le titre d'oratorien, firent naître l'idée aux électeurs de l'Escaut de placer le curé de Douai sur le siége de Fénélon. Entraîné par les circonstances violentes de cette fatale époque, tremblant devant la puissance d'un peuple insurgé, le P. Primat accepta le transitoire épiscopat constitutionnel, établi par la révolte, soutenu par le schisme, et abandonné bientôt à la fureur ou à la risée d'une sauvage philantropie.

» Il fut sacré évêque de Cambrai le 10 avril 1791.

» Je n'ai pas craint d'avouer ce moment d'erreur où sa faiblesse fut entrainée par le tourbillon de la tempête : les fautes heureusement réparées embellissent la vie des héros du christianisme. Leur repentir est leur gloire.... Le jour de sa rétractation fut le plus beau de sa vie.... Le ciel absout le repentir; le passé n'appartient plus qu'à l'indulgence.

>> Rome vous appelle; elle vous a destiné au siége des Saturnin, des Exupère; vous allez devenir le successeur légitime de ce pieux Fontanges, enlevé sitôt à notre amour et à notre vénération. Venez consoler le long veuvage de l'église de Toulouse ; dégagée de ses chaînes, elle vous ouvre volontairement ses portes.

>> M. Primat arriva dans nos murs le 11 juillet 1802,* avec toutes les préventions dont l'esprit de parti a coutume de noircir ses ennemis. La France s'était réconciliée avec le ciel et avec elle-même : la paix était signée, il est vrai, mais la discorde régnait encore.... la haine de nos dissensions civiles et religieuses était encore dans

Lettre de M. Primat au P. Hubert, curé de SaintSernin ; il se déclare successeur immédiat de M. de Fontanges.

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* Avant d'être nommé archevêque de Toulouse, en exécution de concordat, M. Primat avait assisté au concile des évêques constitutionnels, tenu à Paris en 1798, dans l'église de Notre-Dame, et avait exercé pendant plus de trois aus les fonctions épiscopales dans le département de Rhône-et-Loire (Lyon). Dans ce dernier poste, il éprouva quelques obstacles de la part du clergé ; et l'intervention du chef du gouvernement fat nécessaire pour les lever. M. Primat officiait dans l'église de S. Nizier.

(Note des rédacteurs)

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