Page images
PDF
EPUB

ET. INCOLIS. VTRIVSQVE. SEXVS. EPVLVM. ET. HS. IIII. N. DEDIT. On sait que le chiffre x, sur les marbres comme sur les monnaies, désignait le denarius. Il doit donc, dans notre inscription, être séparé du chiffre suivant v, et il faut y voir un abrégé de Denários Quinque car, en réunissant ces deux chiffres pour en faire Quindecim, on ne saurait plus si Apronius avait donné des deniers, des sesterces, ou toute autre chose et il y aurait là un sous-entendu tout-à-fait inusité. Mais M. Labus, dont la critique est pleine de bienveillance, n'insiste pas sur la légère méprise qu'il relève en cet endroit, et qui, selon lui, est du genre de celles qui échappent aux plus exercés. Il trouve plus intéressant de passer à l'examen du sens de la qualification de NEGOTIATOR VINARius. LVGDuni. IN KANABIS. CONSISTENS, donnée dans la seconde inscription à Minthatius Vitalis, parce que cet examen peut conduire à la connaissance d'un usage des anciens habitans de Lyon et jeter quelques lumières sur leurs mœurs, sur leurs richesses, et sur le commerce considérable qu'ils faisaient de leurs vins, denrée qui était alors, comme elle l'est de nos jours, d'une haute importance.

2

M. Artaud pose en fait que « Minthatius était un » marchand de vin, résidant sur la place du marché >> au chanvre, » et que c'était « un personnage important » de Lugdunum,» auquel « les marchands de vin du » marché au chanvre (negotiatores vinarii in Kanabis

I

Il y est, en effet séparé, comme on peut le voir dans la copie que nous avons donnée tom. X, pag. 146, et qui est plus exacte que la copie de M. Artaud.

2

C'est ainsi que ce nom est écrit dans l'inscription, et non Mintalius, comme l'écrit constamment M. Labus.

» consistentes), dont il était le patron, avaient dédié » une statue. » Il observe ensuite « qu'effectivement il y >> avait autrefois près de la place des Terreaux le fau>>bourg et la porte de Chenevière ; » et il fait remarquer que tous les samedis, « les gens de la campagne appor>> tent encore leur chanvre pour le débiter sur la place » St. Pierre et dans la rue Ste. Catherine, qui sont » dans le voisinage. » Mais, selon M. Labus, il serait aussi impossible de contester la vérité de ces détails sur l'état actuel de la localité, que difficile d'établir qu'ils peuvent s'appliquer à ce qui existait du temps des Romains, et de prouver que Minthatius était véritablement un marchand de vin, résidant sur une place appelée le marché au chanvre.

Ce n'est pas, continue-t-il, la première fois qu'on trouve sur les marbres, comme dans les auteurs, les mots canaba et crnava; mais nulle part ils n'ont le sens que leur attribue M. Artaud. On lit dans la célèbre inscription du Vatican qu'Aquilius Felix Adrastus, gardien de la colonne cochlite, avait présenté une pétition à l'empereur Septime Sévère, en l'année 193, pour avoir la permission de se construire une petite maison LOCO CANABÆ PECVNIA SVA 1. Personne assurément ne prétendra qu'Aarastus, avant de s'élever une maisonnette, habitat dans un endroit de chanvre, ni qu'il y eût un marché au chanvre autour de la colonne de Marc-Aurèle. Adrastus obtint ce qu'il demandait, et comme il était

[ocr errors]

I Winkelm. Storia dell' Arte, tom. III, pag. 360, édit. de Rome; Guasco, Mus. Capitol., tom. III, pag. 113; Amaduzzi, Anecd, litter. ex mss. erut., tom. IV, pag. 521; Fea, Frammenti de Fasti consol., pag. lxxvij.

un des affranchis de la famille de l'empereur, les Rationales (les intendans) de la maison impériale, outre la place dont il avait besoin, lui accordèrent TEGVLAS ·

OMNES. DE. CASVLIS. ITEM . CANNABIS. ET. ÆDIFICIIS.

IDONEIS. Il est évident que le chanvre n'est encore ici pour rien, et il n'y a certainement nul rapport entre cette denrée et des tuiles. Le sens de la phrase indique clairement une espèce d'édifice. Un des scriptores rei agrariæ, Balbus, décrivant le Picenum, dit que les limites en étaient déterminées per rationem arcarum, vel canabula, vel noverca, quod tegulis constituuntur. Le mot canabula qui se rencontre ici, contredit pareillement l'opinion que nous combattons. Il ne peut signifier loca iniqua et aspera, comme le veut Lauremberg; ni modici aquæ fluctus, comme l'entend Goes; ni les rigoles qui se faisoient de tuiles creuses, ni les gouttières des toits du P. Ménestrier; mais surtout il ne saurait indiquer le marché au chanvre de M. Artaud. Nous citerons encore les notes tironiennes où l'on a réuni sans distinction canaculum, canava, tinum ; S. Augustin qui dit: Multa sunt quæ de horreo, canava vel cellario aliquoties proferre non possumus 3 ; Ennodius, qui, dans son épigramme ANTE CANAVAM, s'exprime

ainsi :

5

Infundunt multis irarum pocula flammis ;

[ocr errors]

Victor de Vite, dans lequel on lit: Artabatur multitudo

'Rei agr. script., pag. 119, édit. de Goes.

2

Antiquar., V. Canabula.

5 Hist. civ. et consul. de Lyon, pag. 15-16.

4 Apud Gruter, pag. 149.

6

Serm. 61, de Tempore.

Epigr. 43, et ibid. Sirmondus.

ad currendum, vel ubi canava erat præparata latebris suam caperel mansionem 1; S. Césaire, évêque d'Arles, à l'endroit où il écrit: Celarium, sive canava; Isidore: Canava est camera post cænaculum, etc. Après avoir confronté tous ces auteurs, on n'hésitera point à conclure que Minthatius, negociator vinarius Lugduni in Kanabis consistens ne résidait et ne pouvait résider à Lyon sur la place du marché au chanvre, et que, ni dans l'inscription qui le concerne, ni dans celle de Sentius Regulianus rapportée par Gruter, il n'est question d'un marché au chanvre qui aurait été situé à Lyon sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui le quartier des Terreaux 5.

[ocr errors]

Mais enfin, dira-t-on (c'est toujours M. Labus qui parle, et nous continuerons de le laisser parler jusqu'à la fin de cet article), où se tenaient donc les marchands de vin qui faisaient leur commerce à Lyon? et quelle est

• De Persecutione Vandal., II, pag. 18.' " Ad Virgines, cap. 3.

3 V. Canava.

▲ Gruter, pag. 466, 7.

5 La lettre d'un de nos correspondans, insérée tom. XI, pag. 357 et suiv., établit déjà qu'il n'a point existé de marché au chanvre à Lyon, du temps des Romains. Nous avons fait voir de plus, dans une note qui accompagne cette lettre, qu'en tout cas, il n'y avait rien, sinon la ressemblance, peut-être. purement fortuite, des mots Canaba et Chenevière, qui indiquât que le quartier des Canabes fût situé aux Terreaux, et qu'au contraire, la découverte de l'inscription de Minthatius, dans un terrain assez rapproché d'Ainay, donnait lieu de penser qu'il était situé dans ce dernier quartier dont l'emplacement faisait certainement partie de l'ancien Lugdunum.

la véritable signification de ce mot CANABA qui évidemment désigne le lieu particulier où ils résidaient? Je suis étonné que le savant Marini, qui a remarqué que dans les écrivains agraires et dans le marbre du Vatican, le mot cannaba est joint à celui de tuiles, n'ait pas vu que ce mot désignait une baraque, une hutte, une cabane, une de ces petites maisonnettes où les anciens cherchaient un abri, où ils se retiraient quelquefois par nécessité, mais le plus souvent pour s'y livrer aux plaisirs de Bacchus. Parmi celles de la première espèce, c'est-à-dire, celles qui étaient érigées pour l'utilité, se trouvait la canaba d'Adrastus, véritable baraque couverte de tuiles, où il se tenait pour recevoir les gratifications des curieux qui montaient sur la colonne Antonine, afin de jouir du beau point de vue qu'offrait l'aspect de la ville de Rome qu'on découvrait de là. Les canabula des écrivains agraires étaient à peu près du même genre. On en construit encore aujourd'hui de semblables sur les frontières des pays et sur les limites des grands domaines pour les gardes-champêtres et les douaniers. Les arca doivent être aussi placées dans la même catégorie. Seulement il paraît qu'elles étaient construites en bois, comme nos guérites, et qu'elles n'étaient pas, comme les canaba, couvertes de tuiles.

Les canaba des marchands de vin de Lyon apparte

1 Fratr. Arv., pag. 423.

'Le mot cabane ne serait-il point dérivé de canaba, par métathèse , comme disent les grammairiens ? Cette étymologie est pour le moins aussi probable que les deux autres que donne de ce mot M. de Roquefort, dans son Dict. etymol. de la langue franç., tom. I. pag. 16, où il le fait venir du latin taberna, ou du grec kapané, étable.

« PreviousContinue »