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pour le temps et empreints de cette érudition classique qui était alors à la mode.

Un mérite aussi bien établi, et relevé par un grand fonds de modestie, lui valut des amis et des protecteurs. Le consulat crut même ne pouvoir confier à de meilleures mains que celles d'Aneau la place de maître principal du collège, vacante par la mort de Jacques Dupuy qui avait succédé à Guillaume Durand 1. L'acte en fut

çois Hoteman Parisien, Lyon, Macé Bonhomme, 1552, in-8. Il surveilla l'impression des poésies latines de Jean Girard, Lyon, Pierre Fradin, 1558, aussi in-8.o Le privilége pour l'impression et la vente de la Prinse de Thionville, Lyon, même année, petit in-8° de 28 pages, est accordé à Barthélemy Aneau et à Nicolas Edoard; il est daté de Lyon, le 29 juin, et signé Crinan. Aneau paraît avoir été le rédacteur de cette relation. Le consulat le chargea en 1560 de présider à une nouvelle édition du Recueil des privileges et franchises de cette ville. L'oraison doctorale de la St. Thomas fut prononcée par lui deux fois, savoir, en 1558 et en 1540.

Tous ses ouvrages sont recherchés aujourd'hui à cause de leur rareté qui fait peut-être leur plus grand mérite. Le goût, non plus que la langue, n'était pas formé : on affectait l'érudition, on courait après les pointes et les jeux de mots. Notre savant n'avait pas su, comme son ami Marot, et comme Rabelais, s'élever au-dessus de son siècle. Toutefois il est juste d'observer que les défauts qu'on lui reproche sont beaucoup moins sensibles dans ses poésies latines que dans ses vers et ses autres ouvrages français.

1 Comme nous l'avons dit plus haut, Barthélemi Aneau avait été quelque temps régent du college de la Trinité sous la présidence de Claude de Cublize dont la mauvaise administration obligea le consulat de pourvoir à son remplacement: on chargea de cette administration Barthélemi Aneau en 1540 et de nouveau en 1545. Après dix ans

passé le 29 septembre 1558. Les conseillers de ville lui firent la remise des bâtimens du collège, des ustensiles et des meubles qui les garnissaient, sous les conditions suivantes : 1.° qu'il entretiendrait quatre classes pour l'instruction des principes de la langue latine; 2.° que les élèves pensionnaires seraient nourris suffisamment sans superfluités, et mis proprement; 3.° qu'il placerait un portier à la principale porte du collége; 4.° qu'il n'admettrait aucuns régens à enseigner sans les avoir présentés auparavant au consulat qui les interrogerait

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d'exercice, il désira se démettre de cette charge on y établit Jacques Freschet, natif de Moulins, en décembre 1551; mais, en 1555, Freschet ayant abandonné le collége, on y plaça Jacques Dupuy, maître ès arts. Cet homme, peu fait pour un pareil emploi, tint une conduite répréhensible , ayant mesmes baltu ou dechassë sa femme d'avec luy; et il fut destitué. D'après l'avis des gens de lettres et autres personnes notables de la ville, le consulat arrêta de rappeler et de renommer Barthélemi Aneau qui fut, en effet, de nouveau, principal recteur du collége en 1558 pour quatre années.

Il est à remarquer que, dans le nouveau traité, il fut inséré, sans doute à la demande des pères de famille et des principaux citoyens, un article spécial ainsi rédigé :

“Item: Ne permettra (le principal ) estre leu ni enseigné » audict college aucune doctrine, ni livres defendus ou' » censurez, contre l'honneur, auctorité et defense de » nostre mere saincte Eglise, et souffrir audict college "estre tenu propos, n'y dogmatisant ni enseignant maul» vaise doctrine en particulier ni en general; et où il se " trouvera coutrevenir en tout ou en partie au contenu "de ces presentes, sera tenu et promet de sortir hors du » college et à la premiere requisition desdicts conseillers, » etc. »

pour juger s'ils étaient capables et de bonnes mœurs ; 5.o qu'il ferait célébrer une messe basse les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine ; 6.° que tous les enfans allant et venant au collège seraient enseignés en payant, chacun d'eux, deux sols six deniers par mois. Ce traité fut convenu pour quatre ans, et le consulat s'obligea à compter au principal, en considération des charges qui lui étaient imposées, une somme de 400 livres chaque année, indépendamment de 15 liv., aussi par an, pour les trois messes hebdomadaires. Un traité si avantageux pour la ville, semblait devoir assurer à Aneau une protection constante de la part des magistrats aussi vit-on son établissement prospérer, dans le principe, d'une manière remarquable; on ne cessait de le louer, sous le rapport de l'instruction et sous celui des mœurs; chacun applaudissait à la bonne administration du principal. Ce concert d'éloges lui facilita les moyens de faire un mariage avantageux : il épousa Claudine Dumas, petite-fille de Claude Dumas, surnommé le More, marchand bastier à Lyon, où il possédait une maison et d'autres immeubles. Tout réussissait au gré de ses désirs; mais il ne tarda pas à éprouver l'inconstance de la fortune.

La doctrine de Luther et de Calvin avait déjà fait quelques progrès à Lyon : leurs sectateurs commençaient à tenir leurs prêches publiquement; le zèle des catholiques s'alarma de leurs entreprises; un sentiment d'inquiétude se manifesta dans toutes les classes de la société, et on ne craignit point de répandre dès soupçons sur les principes des professeurs du collége, que l'on signalait comme favorisant les nouvelles erreurs. Alors une société naissante qui depuis a jeté un grand éclat, cher

chait à se mettre à la tête de l'enseignement public: ses partisans, et elle en avait un grand nombre dans cette ville, insinuaient adroitement parmi le peuple que la jeunesse courait les plus grands risques, en étudiant sous des hommes dont la foi était suspecte; ils inféraient de là que, si l'on voulait conserver la pureté de la religion chrétienne, il était nécessaire de remettre le soin des études à une congrégation qui comptait déjà des hommes distingués par de rares talens et par un zèle digne d'éloges. Ces propos, répétés de bouche en bouche, portaient un coup sensible aux efforts du principal pour soutenir l'établissement qu'il dirigeait, faisaient naître de fàcheuses préventions contre lui, et finirent par amener la terrible catastrophe dont il fut la victime.

Cet événement a été raconté de diverses manières, et la plupart des auteurs qui en ont parlé ne sont pas même d'accord sur l'époque où il a eu lieu les uns l'ont placé en l'année 1561, d'autres en 1564, et d'autres en 1565. Nous verrons bientôt quelle peut avoir été la cause de ces variations.

Rubys, l'auteur le plus rapproché du fait, et dont le récit nous paraît devoir être admis comme le plus véritable, rapporte qu'en l'année 1561, pendant la procession de St. Nizier pour la fête-Dieu, un orfévre, de la religion prétendue réformée 2, se glissa entre les deux files des assistans, s'approcha du prêtre qui portait le St-Sacrement, le lui arracha des mains, jeta l'hostie à terre et la foula aux pieds. Cet attentat sacrilége 3,

1 Histoire veritable de Lyon, pag. 389.

2 Cet orfévre était né à Paris.

3 Il eut lieu, suivant quelques auteurs, le jour de la t. XI.

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qu'on ne peut regarder que comme un acte de démence, reçut presque aussitôt sa punition on arrèta le coupable, on le livra à la justice, et le même jour il fut condamné à être pendu après avoir eu le poing coupé. L'exécution suivit de près le jugement, et le corps du criminel fut brûlé devant l'église de St. Nizier. Le peuple furieux de l'outrage exercé sur un objet sacré, enivré du spectacle sanglant auquel il venait d'assister, excité d'ailleurs par des gens qui lui peignaient avec énergie les dangers dont ils prétendaient que la religion était menacée, se porta en tumulte au collége qu'on lui indiquait comme le foyer de la réforme. L'infortuné Barthélemi Aneau se présente; il cherche à calmer cette tourbe effrénée: sa voix est méconnue; on le massacre impitoyablement. Sa femme même eût partagé son sort, si, comme nous l'apprend le P. Ménestrier, Art des emblémes, le prévôt de Lyon ne l'eût sauvée en la faisant emprisonner 1.

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Fête-Dieu, 5 juin 1561, et suivant d'autres (tels que J. A. de Chavigny, pag. 72 de la première face du Janus françois, Lyon, 1594, in-4.o), le jour de l'octave de cette fête, 13 du même mois il exaspéra le peuple, déjà depuis quelque temps alarmé des menaces et des entreprises des prétendus réformés. La procession de St. Nizier fut continuée, et il y eut en même temps quatre mouvemens : l'un surtout auprès de l'hôpital, où le célébrant fut obligé de se retirer un moment.

Le bruit de cet attentat se répandit aussitôt dans la ville, et donna lieu à ces émotions populaires, et notamment à celle qui se manifesta lors du passage de la pro*cession de St. Pierre au devant de la maison du collége; mais ce ne fut point après le supplice du frénétique orfévre, comme on pourrait l'induire du récit de M. C.

Il est présumable que le principal du collége ne fut

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