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vernements. L'Encyclopédie eut cet avantage particulier que, traitant toutes les sciences elle fournit aux savants, qui en firent le dépôt de leurs pensées, l'occasion de parler de la politique, de l'économie, des finances. Une école, ou dirai-je une secte? qui invoquoit toujours les oracles de son maître, occupa quelque temps les esprits. On a reproché aux économistes un langage mystique, peu convenable aux oracles simples et clairs de la vérité. On a cru qu'ils ne s'entendoient pas euxmêmes, puisqu'ils ne savoient pas se faire entendre. Mais nous devons à leur vertueuse opiniâtreté d'avoir amené les François à réfléchir sur la science du gouvernement. C'est à leur constance à nous occuper long-temps des mêmes objets que nous devons la publication de ces idées, si simples qu'elles sont devenues vulgaires; que la liberté de l'industrie en fait seule la prospérité; que les talents ne doivent être soumis à aucune entrave; que la liberté de l'exportation des grains est la source de leur abondance; qu'on ne doit pas jeter l'impôt sur les avances de l'agriculteur, mais sur ce qui lui reste après qu'il en a été remboursé, Sans doute on avoit dit toutes ces choses avant

eux; mais ils les ont redites et répétées, et co n'est qu'ainsi que se forment les opinions. Mais le gouvernement, qui feignoit de les ignorer, se conduisoit par des maximes contraires ; et il étoit vertueux d'éclairer, d'animer ses conci toyens.

Ainsi les oreilles s'accoutumoient au mot doux et fatteur de liberté, sans que le despotisme pût encore s'en effaroucher. Un philosophe digne des Grecs et des Romains, à l'école desquels il s'étoit instruit, fit parler à la liberté un plus mâle langage. J. J. Rousseau présenta à la vénération des ames freres, à l'amour des ames sensibles, cette liberté dont l'idole étoit dans son cœur. Il en peignit les charmes, etl'enthousiasme enchanteur, et les saintes austérités, et les éternels sacrifices. Jamais il ne la sépara de la vertu, sans laquelle la liberté n'a qu'une existence passagere. Enfin il en traça le code dans son Contrat social; et ce livre immortel fixa toutes les idées. Lå se trouverent réunis des principes autour desquels viurent se rallier tous les bons esprits : là devoient puiser un jour tous ceux qui, en rendant libres les nations, voudroient leur donner une liberté durable, et consacrer éternellement leurs droits

Après lui Raynal tonna contre toutes les tyrannies; il dénonça le despotisme à ses concitoyens : brisant tous les liens, dénouant tous les jougs, démasquant avec audace toutes les hypocrisies, il fit partager à son siecle son indignation contre les tyrans. Nous n'avons pas oublié quelle fut en France l'influence de son ouvrage, dans un temps où le despotisme, déshonoré encore par le vice, sembloit chercher à mériter toutes les sortes de haine. Telles étoient les dispositions des esprits lorsque Louis XVI monta sur le trône.

Il y portoit un coeur bon, de l'attachement pour ses peuples, et une répugnance pour la tyrannie dont il a donné des preuves toutes les fois qu'il a agi et parlé par lui-même. Dès sa jeunesse il avoit annoncé du goût pour la réforme des abus, et les courtisans en avoient frémi. Mais l'usage de la cour de France étoit d'écarter les héritiers du trône de la connoissance des affaires, afin de les tromper plus aisé ment et de gouverner sous leur nom. Telle a été la principale cause des sollicitudes qui ont affligé la vie de Louis XVI: avec de l'instruction il auroit pu sauver l'état, car il étoit naSurellement économe, et c'étoit sur les dépréda

tions du trésor royal que portoit en grande par -tie l'indignation publique.

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Il voulut s'entourer de conseils ; il les chercha parmi les amis de son pere. Il fit venir auprès de lui Maurepas, et crut avoir appelé un sage, parcequ'il avoit appelé un vieillard: mais il n'eut qu'un vieux courtisan, qui ne s'occupa qu'à garder un pouvoir tranquille.

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On a dû observer, dans tout le cours du regne de Louis XVI, qu'il a constamment cédé à co qu'il a cru le vœu de la nation ; et comme cha. que homme a dans sa conduite, une idée habituelle qui le dirige, on peut dire que le roi a toujours été guidé par celle-ci. Il le montra, dès son avènement au trône, en rappelant les parlements exilés et en renversant l'ouvrage de la vengeance de Maupeou. Les parlements étoient regardés par une partie de la nation, sinon comme son appui, au moins comme son espé rance. Leurs foibles et inutiles et souvent fallacieuses remontrances offroient du moins une barriere au despotisme dont tout le monde étoit lassé. Leur exil avoit occupé trois ans tous les esprits, et donné naissance à une multitude d'écrits sur le gouvernement. Il étoit impossi ble qu'avec les principes qui avoient éclairé cotte

génération, les droits des peuples et les de voirs des rois ne fussent recherchés, approfondis, publiés, et que des hommes entassés dans une grande ville où la communication des idées est si prompte, n'invoquassent la liberté, souveraine destructrice de tous les abus.

Les abus en effet subsistoient encore. Le roi avoit appelé M. Turgot à l'administration des finances : c'étoit les confier à la vertu. Formé aux affaires dans l'intendance du Limousin, il avoit acquis une de ces réputations solides qui attirent l'estime. La fécondité de ses principes le conduisoit à accroître le commerce par la liberté, l'industrie par les droits rendus à chacun de l'exercer, l'agriculture par la simplification de l'impôt, l'aisance par le soulagement de la classe pauvre des citoyens, la perfection de l'administration générale par la popularité des administrations particulieres. Capable de tout voir, et déja persuadé de cette vérité dont l'assemblée constituante nous a convaincus, qu'il falloit reconstruire toute la machine, il voulut tout faire. On le lui reprochoit : Dans ma famille, dit-il, on ne passe pas d'années à vivre ; einquante ans : j'ai peu je dois ne rien laisser d'interrompu après

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