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pouvoit opposer son autorité précédente à la volonté nationale; qu'il ne devoit pas sanctionner la constitution, mais l'accepter; et que la loi sur la sanction ne regardoit que l'état futur des choses, quand la constitution seroit finic, La vérité étoit que le pouvoir du roi étoit suspendu dans le temps où les représentants du peuple faisoient une nouvelle constitution. Mais l'assemblée n'osa jamais prononcer ce mot; et, selon l'expression de plusieurs membres, elle jeta un voile religieux sur cette grande mais dangereuse vérité.

Cependant le nom imposant de roi, la suite même des sacrifices que la constitution sembloit exiger de Louis XVI, la douleur de voir ainsi faire des loix sans lui, le préjugé de l'obéissance servile, furent autant de moyens employés pour arrêter encore l'assemblée. Alors s'éleverent les cris hypocrites de ceux qui feignoient de plaindre le roi. Ils lui témoignoient une tendresse passionnée dont il ne se seroit pas douté, et qui auroit dû lui être suspecte, s'il avoit observé qu'ils regrettoient moins son autorité, que la leur, et son pouvoir, que leurs privileges. Tant de Ja l'in @imulées avoient pour objet d'arrêter l'accepta

tion des décrets du 4 août. Le roi en effet n'en accepta qu'un certain nombre, et fit des observarions sur les autres: mais, sur les représen tations de l'assemblée, il les accepta tous pu rement et simplement; et elle s'engagea à avoir égard aux observations du roi, quand elle feroit les loix qui découloient de ces principes.

Ces temps glorieux de l'assemblée nationale furent ceux où elle posa une foule de vérités constitutionnelles, qui ont tant avancé l'esprit public en France, et que ni le temps ni les révolutions ne pourront détruire tant qu'il y aura des livres. Par une noble émulation les citoyens de tout l'empire faisoient des offrandes et des sacrifices à la patrie; et les archives en conservent le souvenir des femmes et des filles d'artistes en donnoient le premier exemple au sein de l'assemblée nationale.

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Mais ces ressources du civisme étoient bien insuffisantes aux besoins immenses de l'état, Dans la désorganisation générale les recettes, ne suffisoient plus aux dépenses. M. Necker alla exposer à l'assemblée cette malheureuse situation et les moyens d'y remédier. Il proposa, entre autres, de demander aux citoyena

la contribution patriotique du quart de leurs revenus. L'assembée en fut effrayée: mais, plus éloquent qu'il ne l'ait jamais été, grand par son geste, par sa contenance et par sa voix, Mirabeau la décida à décréter, de confiance, la mesure proposée par M. Necker. L'assemblée crut devoir y préparer la nation par une adresse qui l'encourageoit à des sacrifices nécessaires pour la conservation de la liberté et pour le salut de l'empire.

L'assemblée passa ensuite à la discussion des articles constitutionnels sur l'hérédité au trône dans la famille actuellement régnante; et elle n'eut autre chose à faire que de copier ses cahiers. Cependant il s'éleva une question impru dente et inutile sur la renonciation de la branche des Bourbons actuellement régnante en Espagne. M. le duc d'Orléans, membre de l'assemblée, y étoit personnellement intéressé. Il s'éleva de vifs débats entre ceux qui prétendoient que le roi d'Espagne avoit des droits à la couronne de France et ceux qui soutenoient le contraire; et l'assemblée les termina en déclarant qu'elle ne préjugeoit rieu sur les renonciations. Elle abandonna le jugement de cette question à l'avenir, à la volonté nationale,

et sur-tout au canon, qui vuide d'ordinaire ces sortes de querelles. L'assemblée décréta aussi plusieurs ticles constitutionnels, qui, selon les principes que j'ai exposés tout-à-l'heure devoient être purement acceptés et non pas sanctionnés par le roi. Ils lui furent donc présentés avec la déclaration des droits. Mais c'est encore ici qu'on voulut arrêter l'assemblée nationale avant qu'elle pût élever plus haut l'édifice de la constitution.

De quelques nuages que soient enveloppés les évènements que je vais rapporter en peu de mots, on ne peut pas se cacher que ce fut encore une faute des prétendus amis du roi qui les occasionna. Les articles constitutionnels • cette déclaration des droits, étoient au fond la constitution; et tout peuple qui voudra être libre pourra y puiser la sienne. Il falloit donc soustraire le roi à cette loi nationale, tandis que son conseil en arrêteroit l'effet en lui en faisant retarder l'acceptation. C'est ce qu'on se proposa d'exécuter.

La liberté de la presse, que l'assemblée avoit établie par le fait, fut employée contre ellemême. On peut assurer que, pendant plus de deux ans, il a paru cinq ou six brochures par

jour contre l'assemblée nationale, ce qui en porte le nombre à plusieurs milliers. Elle les dédaignoit, elle les laissoit vendre à sa porte et distribuer même dans son enceinte. On y renouvela, en cette occasion, pour le roi, toutes ces feintes marques de pitié qu'on jugea propres à aliéner les cœurs des peuples de l'assemblée qu'ils aimoient. En le représentant comme un martyr exposé à des brigands, en croyoit faire approuver sa fuite quand elle seroit exécutée. M. d'Estaing annonça à la reine qu'un projet étoit déja connu de quelques personnes d'enlever le roi, ou de l'engager de lui-même à se retirer à Metz; que M. de Bouillé devoit l'y soutenir; qu'il se faisoit une souscription parmi la noblesse et le clergé; que M. de Breteuil conduisoit le projet ; qu'on citoit M. de Mercy; que l'ambassadeur d'Espagne lui avoit avoué que quelqu'un de considérable et digne de foi lui avoit dit qu'on lui avoit proposé de signer l'association : il faisoit considérer à la reine les suites affreuses de ce projet, qui ne conduiroit pas à moins qu'à la guerre civile, et lui demandoit une audience. On ignore ce que cette lettre produisit sur l'esprit de la reine, et par quels motifs M. d'Estaing lui-même se

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