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LIVRE TROISIÈME.

LA RENAISSANCE ET LA RÉFORME.

TOM. II.

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Opposition de la politique de Machiavel et de la politique du moyen age. Apologie de Machiavel par J.-J. Rousseau. Réfutation de cette apologie. Des rapports de Machiavel avec les Médicis: ses rapports avec César Borgia. Comparaison du Prince et des Discours sur Tite Live sous le rapport de la moralité des maximes. - Si les conseils de Machiavel ne s'adressent qu'aux princes nouveaux. Du terrorisme dans Machiavel. Politique proprement dite. Ses idées spéculatives sur le gouvernement. Comparaison des gouvernements populaires et des gouvernements princiers. — Doctrine politique du Prince : théorie de la tyrannie. Du prétendu libéralisme de Machiavel. Du patriotisme de Machiavel. Appréciation de

Machiavel.

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Avant d'entrer hardiment dans les problèmes de la politique moderne, il fallait en finir avec la politique du moyen âge. Ce fut l'œuvre de Machiavel; sa doctrine est le premier effet du libre examen porté sur les matières politiques. La chute du système qui subordonnait et asservissait la politique à la religion, devait être le signal d'un système nouveau, qui l'affranchissait de toute religion et de toute morale. Cette relation n'a peut-être pas été assez remarquée, et rend plus intelligible une doctrine qu'on a été cent fois tenté d'expliquer par des feintes, des subterfuges, des sousentendus inadmissibles. Au moyen âge, la religion ne

se séparait pas de la morale; et c'était au nom de la morale, que l'autorité religieuse réclamait la suprématie politique. Vaincue dans cette lutte, elle dut, dans le premier moment, entraîner la morale avec elle. La politique, restée seule, réduite à ses propres principes, ne fut plus que la science de vaincre et de dominer par la force ou par la ruse; débarrassée d'un joug importun, elle se délivra de tout frein: telle fut la politique du xve siècle, dont Machiavel nous a donné la théorie (1).

C'est donc dans les doctrines religieuses de Machiavel qu'il faut chercher la raison de ses doctrines morales; elles nous feront voir à quelle distance nous sommes des idées du moyen âge.

La religion, qui au moyen âge était tout, qui était la fin dernière de l'État, et de laquelle toutes les institutions découlaient comme de leur source, n'est plus, pour Machiavel, qu'un moyen politique utile à la conservation et à l'agrandissement de l'État. Il dit bien qu'il n'y a pas de signe plus assuré de la ruine d'un État que le mépris du culte divin. Mais pour quelle raison? C'est << qu'un peuple religieux est plus facile à gouverner. » La religion est donc une machine qui supplée auprès du peuple à la raison qui lui manque. Lorsque l'utilité d'une loi n'est pas évidente pour les esprits, l'homme habile a recours aux dieux (2). Quant à la vérité in

(1) L'apparition du machiavélisme en politique correspond, en philosophie, à la renaissance du naturalisme et du matérialisme, plus ou moins dissimulé, dans l'école de Padoue. Cette corrélation est indiquée par Campanella. (De gentilismo non retinendo, Paris, 1693, in-12, p. 56) : « Ex Aristotelismo postea ortus est Machiavellismus. » L'aristotélisme dont parle ici Campanella est celui de Pomponace et de Césalpin. Voy. Nourrisson, Essai sur Alexandre d'Aphrodise, p. 136.

(2) Disc. sur Tile Live, 1. I, c. XI.

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