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traduction de la lettre que ce religieux écrivit S. Em. le 27 du mois dernier.

Avant que de répondre à V. Eminence fur des points d'une auffi grande importance, j'ai cru devoir confulter dieu, ma propre confcience, & ceux à qui je dois rendre compte de ma conduite. J'ai réfléchi que ces jeunes gens, en fe faisant religieux, ont fuivi les confeils évangéliques de J. C., pour fe fouftraire aux dangers du fiecle, & affurer leur falut éternel, qui en fouffriroit peut-être, s'ils étoient renvoyés dans le monde qu'ils ont abandonné fi volontiers, ayant été infpirés de dieu à le faire. J'ai réfléchi que leurs vœux font des vœux véritables, & comme le déclare le pape Grégoire XIIIdans fa bulle, des voeux fubftantiels, obligeant en confcience, dont ils ne peuvent être difpenfés que pour de gra es raifons, & feulement par le fouveFain pontife: in quibus votis nullus, præter fummum pontificem, manus poteft imponere; des vœux dirimans le mariage, des vœux qui font renouvelles deux fois par an, qu'ils obfervent fidélement, & qu'ils font très-contens d'avoir faits à dieu. Or, les fupérieurs étant d'une part, perfuadés de la validité & de l'obligation de tels vœux par lefquels lefdits jeunes-gens font liés à dieu, & d'une autre part, les pouvoirs communiqués à V. E. par le fouverain pontife, ne leur étant pas conftatés en forme authentique, V. E. ne doit point être furprife, s'ils ne fe prétent pas à exécuter, à l'egard defdits religieux, les ordres qu'elle leur a donnés

fon billet. Que V. E. daigne donc leur produire en original la volonté expreffe du pape, & relative à l'ordre de les renvoyer de la compagnie, & de les difpenfer de leurs vœux qu'elle commuTM nique en forme authentique, le commandement exprès de S. S., qui tranquillife la confcience de ces jeunes-gens; ce commandement qui fufifie aux yeux du monde leur démion; ce commandement,

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fit-il appuyé fur les raisons les plus fortes & les plus graves, s'il ne nous eft produit en forme authentique, V. E. nous excufera, fi nous proteftons ne pouvoir y obtempérer, quoique bien fürs de facrifier & de perdre, par cette proteftation, fes bonnes graces, dont nous faifons un cas infini.

Les jéfuites de Ste. Lucie avoient auffi adreffé au St. pere un mémoire dans lequel ils fe plaignoient amérement du refus que faifoit le cardinal de leur montrer les ordres par écrit de S. S. On dit que le fouverain pontife leur a répondu

en ces termes :

L'archevêque de Bologne étoit votre fupérieur, & vous lui deviez l'obéiffance; il falloit commencer par vous foumettre, même en croyant qu'il agiffoit fans ordre de notre part. Ce n'est qu'après avoir obéi que vous pouviez recourir à nous ; & fi vos foupçons avoient été fondés, nous vous aurions rendu juftice: vous avez commencé par vous révolter contre votre fupérieur, fous un prétexte odieux, qui ne pouvoit étre préfumé, & vous lui avez manqué, ainfi qu'à nous. Cette réponse, elle eft vraie, ne fçauroit être plus claire..

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VENISE (le 12 Juin.) Le 20 du mois dernier fête de l'Afcenfion, on fit ici, felon l'usage, la cérémonie des époufailles de la mer. Le doge monté fur le Bucentaure, bâtiment de parade qu'on garde dans l'arfenal, & qui n'en fort que pour cette fête, & accompagné des ambaffadeurs, s'avança, avec fon cortege, dans la mer-adriatique, & l'épo fa folemnellement. On portoit à côté de luf, l'ombelle de drap d'or (Umbella), efpece de parafol que le doge met fur fes armes par une conceffion d'Alexandre III, quand il fe réfugia à Venife, en fuyant la perfécution de Fréderic I), la chaise & le couffin de la même étoffe, qui font les marques de la fouveraineté. Il étoit fuivi de deux pa

triciens, dont l'un portoit l'épée de l'état dans le fourreau, ainfi que de la feigneurie, c'est-à-dire, des fix confeillers, des trois chefs des quarante, des avogadors, des chefs du confeil de dix, des dix fages grands, des cenfeurs, des gouverneurs prépofés à l'arfenal, des magiftrats de tous les tribunaux de la ville, des châtelains de Saint-Félix, de Vérone & de Brefce du commandant de Malamoco, des podeftats de Murano & de Torcello, & du capitaine de la citadelle neuve de Corfou. Le cortege étoit compofé de 300 perfon→ nes, toutes en habit de cérémonie. Cette fête qu'on renouvelle tous les ans, attire ici un grand nombre d'étrangers.

MANTOUE (le 14 Juin. ) L'impératrice-reine, toujours attentive à ce qui peut contribuer au bien de fes fujets, vient de faire publier ici un Fonds de 500 mille florins d'Allemagne, qu'elle deftinoit en faveur de l'agriculture, pour être diftribué, moyennant un modique intérêt de deux pour 100, aux poffeffeurs qui fe trouveront dans la néceffité de faire bâtir des fermes, ou de faire travailler à d'autres ouvrages utiles. Les conditions font 1°., que les fecours qu'on fournira, n'excéderont pas 600 florins par perfonne; 2°., que ceux qui demanderont ces fecours, expoferont la qualité d'amélioration à faire, & le lieu où ils ont le deffein de le faire; 3°., que fi celui qui empruntera, n'eft pas reconnu en état de rendre la Tomme, on exigera de lui une caution; 4o., que dans l'acte de prêt, il fera fixé un terme pour l'exétution de l'ouvrage qui fera propofé; 5., que fi, dans le tems ftipulé pour cet ouvrage, on n'y avoit point travaillé, celui qui feroit en défaut, fera contraint de reftituer la fomme qu'il aura reçue & d'en payer les intérêts à raifon de 5 pour 100, Juillet. 1773. 26. quing.

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Enfin, ce prêt ne pourra être fait que pour dix ans; mais il fera libre au débiteur de rendre avant ce terme ce qu'il aura emprunté, foit en entier, foit la moitié de la fomme empruntée, ou autres portions, à condition cependant, qu'elles ne foient pas au deffous du fixieme de l'emprunt."

TURIN (le 20 Juin.) Le roi, accompagné du prince de Piémont & du duc de Chablais, eft, parti, le 7 de ce mois, pour Alexandria, VilleFranche & Tortone, afin d'y vifiter les fortifications. Après ce voyage, le duc de Chablais ira à Aix en Savoie, pour y prendre les bains.

Le roi, depuis fon avénement au trône, n'a ceffé de s'occuper du bien-être de fes peuples, & chaque jour de fon regne eft marqué par des dif pofitions bienfaifantes. S. M. a publié plufieurs loix utiles concernant le commerce & l'agricul ture, & elle a pris toutes les mesures que lui inf piroit fon amour pour fes fujets, afin de les préferver de la difette dont ils étoient menacés. Le roi ayant ainfi fait renaître l'abondance dans fes états, S. M. vient d'ordonner que tous les indigens, tant homines que femmes ou enfans, foient employés à travailler, pour fon compte, aux chemins & autres travaux publics dans les environs de cette capitale. Les hommes & les femmes reçoivent, chaque jour, indépendamment de la nourriture, une paie de 5 fols & les enfans capables de porter le panier, 2 fols 6 dèn., fans compter le logement qu'on leur donne,days

droit où ils travaillent. On a donné à ceux qui font hors d'état de travailler, une retraite dans les hôpitaux, & perfonne ne pourra mendier fans un billet du bureau de police. Il eft enioint aux étrangers de fe retirer chez eux, & on leur donne ce qui eft néceffaire pour faire le voyage. S. M. a écrit elle-même à notre archevêque, pour le char

ger de choifir deux théologiens habiles, qui au ront foin d'inftruire les pauvres dans la religion, tous les dimanches & fêtes. Ceux qui fe trouveront à ces inftructions publiques y recevront, ce jourlà, la nourriture.

A la mort du roi de Sardaigne, fon grand écuyer a le droit de prendre fon épée & de la porter. Le jour qu'on devoit lui remettre celle du feu roi Charles-Emmanuel, le roi regnant, fe fit apporter une magnifique épée d'or, manda le grand écuyer, & lui dit: Je vous prie, Monfieur, de ne point ufer de votre droit, & de me laiffer l'épée de mon pere: elle m'eft d'autant plus précieufe, qu'il s'en eft fervi le jour de la bataille de Guaftalle; vous me ferez plaifir d'accepter celle-ci en échange.

On fait ici de grands préparatifs pour le mariage de la princeffe Marie-Anne, avec Mgr. le comte d'Artois, S. A. R. doit partir pour la France vers la fin de Septembre.

LIVOURNE ( le 28 Juin.) Le comte Alexis Orlow, ayant fini fa quarantaine, entra, le 11 de ce mois, en cette ville avec toute fa fuite, & partit, le 14, pour aller prendre les bains à Pife, d'où il fe rendra à Florence. On croyoit d'abord que quelque caufe fecrette, que l'on cherchoit à pénétrer, avoit éloigné ce général des mers de l'Archipel; mais on affure à préfent que le mauvais état de fa fanté en eft leul motif. Sa maladie, qui eft, dit-on, une hydropifie commencée, faifoit crain

qu'en différant fon voyage, il ne fût plus en état de fouffrir le tranfport.

Le bruit fe renouvelle encore que la bulle d'extination de la compagnie de Jéfus, fera bientôt publiée & exécutée dans prefque tous les états catholiques. On affure que le grand-due a défavoué hautement une lettre qui s'étoit répandue dans toute l'Italie, & par laquelle l'impératrice-reine

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