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valoir la peine, & fit, fauter enfuite le château. Le mê. me jour, tous les habitans des environs de Girfowo tant Turcs que Moldaves, vinrent fe rendre à nos troupes, de forte que le Kadi-pacha, qui y commandoit, ne, conferva que très-peu de monde avec lequel il alla joindre l'armée du grand-vifir. Les Turcs, de 16 leues à l'entour de notre camp, s'y rendirent, pour s'y mettre fous notre protection, avec leurs femmes & leurs enfans. Nos détachemens envoyerent à l'armée environ 4 mille pieces de gros & de menu bétail, qu'ils avoient prifes à l'ennemi.

Le, le lieutenant-colonel de Ferfen occupa Girfowo & les environs. Le même jour, les Turcs, qui s'étoient enfermés à Turtukay, envoyerent un bin-bacha avec de la cavalerie fur la rive gauche du Danube, pour inquiéter nos poftes près de Negoefz: mais il ne parut pas plutôt que nos Cofaques renverferent tout fon détachement. Le bin-bacha refta lui-même fur la place avec nombre de fes gens, dont plufieurs fe noyerent auth dans le Danube, & l'on fit 8 prifonniers.

La nuit du 20 au 21, le général-major de Suwarow paffa le Danube vis-à-vis de Turtukay, & y attaqua un corps ottoman, de plus de 4 mille hommes, tant infanterie que cavalerie. Après une réfitance fort opiDiátre, qui leur coûta 1500 hommes, il les chaffa de la ville, & s'en empara, ainfi que des retranchemens, des batteries, du camp, & des vaiffeaux. Il diftribua toutes les dépouilles de l'ennemi à fes troupes, fit enclouer & jetter dans le fleuve 12 gros canons de fer en emmena 4 autres, 6 étendards, & toute la flottille, confiftant en 51 tant gros que petits bâtimens. Le magafin des poudres, les vivres, l'hôtel du pacha, & toute la ville furent la proie des flammes. On tranfporta les habitans de Turtukay fur la rive gauche de la riviere, & on enleva plus de 8 mille pieces de bétail. Depuis qu'ora publié ces détails, un courier parti, le 9. de ge mos, de l'armée de Romanzow,

apté que le général Weifmann a eu un avantage confidérable fur un corps de 12 mille Turcs, qu'il a attaqués dans leur camp; que 1200 ont été tués, & 1500 faits prifonniers, & le refte mis en fuite; que ce général eft refté maitre du parc d'artillerie, & de 6 drapeaux.

Les Ruffes conviennent cependant que la for

tune n'a point été fi favorable au prince de Repnin, colonel d'un régiment d'infanterie, & frere du lieutenant-général de ce nom, ci-devant ambaffadeur de la cour de Pétersbourg à Warfovie. Ce prince s'étant porté, à la tête de 2 mille hommes, au-delà du Danube, pour attaquer un pofte retranché; les Turcs le recurent vigoureufement, & ne fe bornerent pas à fe défendre: ils attaquerent les Ruffes, à leur tour, & chercherent à les envelopper; ce qui fuppofe qu'ils leur étoient fupérieurs en nombre. Cependant, le prince de Repnin s'étant retiré dans le meilleur ordre poffible, étoit parvenu à fe rembarquer; mais fon bâtiment ayant eu le malheur d'échouer, il fut bientôt atteint par les Turcs. Alors il raffembla fon monde autour de lui, fe défendit encore quelque tems, & ne fe rendit qu'après avoir perdu la plupart des officiers qui l'accompagnoient, & reçu trois bleffures dangereuses. Ce prince a été transporté au camp du grand-vifir. On dit que la perte des Ruffes n'est que de 300 hommes.

Le comte de Romanzow n'étoit pas encore audelà du Danube le 9 de ce mois; mais il faifoit des difpofitions pour paffer ce fleuve avec fon armée. Elle eft compofée de 3 régimens de grenadiers, de 28 de fufiliers, chacun de 1900 hommes; de 4 bataillons de miliciens de Cafan, de 500 hommes chacun, & de 500 pionniers ; en tout 61, ooo hommes. La cavalerie confifte en 2 régimens de cuiraffiers, & 10 de carabiniers, de 785 hommes chacun; en 2 de hulhans, 6 de huffards de 941; enfin de 13 régimens de Cofaques, dec 500; le tout formant 23, 400 hommes de cavalerie; à quoi il faut ajouter 2600 cannoniers chargés de la manœuvre de cent vingt pieces de campagne, & du parc d'artillerie. Suivant cette lifte, l'armée du général Romanzow feroit forte de plus de 87,000 hommes; mais on conçoit que

ne pouvant être recrutée de proche en proche il doit y avoir du vuide dans les bataillons & dans les efcadrons d'une armée éloignée de plus de 250 lieues de fa frontiere, & qui a lutté contre le plus terrible des fléaux.

Le foulevement des Tartares de Crimée n'est plus douteux. On apprend de cette presqu'ifle, que le prince Profokowski, qui en eft gouverneur, voulant en arrêter les premiers mouvemens, s'étoit déterminé à févir contre les chefs des mécontens; & il falloit qu'ils fuffent en grand nombre, puifqu'il en a fait mettre à mort près de 900. Ces actes de rigueur, loin d'y rétablir le calme, ont excité le reffentiment de la nation, qui n'attend que le fecours des Turcs, pour fecouer entierement le joug des Ruffes. C'eft pour prévenir l'entreprife de la flotte ottomane, que l'impératrice de Ruffie a donné ordre au prince Dolgorowki de Kaffembler fon armée, & de marcher vers Précop.

On répand le bruit étrange que les Autrichiens doivent feconder les opérations des Ruffes.

Depuis quelque tems, on entendoit, pendant la nuit, un fracas épouventable dans une maifon de cette ville. Le peuple, toujours amí du merveilleux, & qui croit volontiers aux revenans s'y portoit en foule, & chacun en ruifonnoit fuivant le délire de fon imagination. Les uns voyoient un lion, un rhinoceros ; les autres un homme cornu; d'autres une espece de pygmée, qui, par des accroiffenens rapides, prenoit bientôt la

e d'un fpectre d'une grandeur démefurée : les plus hardis s'accordoient fur ce feul point, que, lorfqu'ils pouffoient trop loin leur curiofité, ils recevoient alors quelques coups de bâton, mais fans rien voir autour d'eux. Comme il n'y a point d'exorciftes ici, la police, informée du défordre , y a envoyé des grenadiers, qui ont trouvé le moyen de faifir le fpectre au collet, &

de le conduire au cachot. C'eft un manoeuvre qui a confeffé avoir été loué pour faire ce tapage, par une perfonne qui avoit d'autant plus d'inté rêt à décrier cette mailon, qu'elle avoit deffein de l'acheter à bas prix. On croit que la police né fe bornera pas à ces raifons, & qu'elle infligera des punitions au lutin & au fuborneur. On fe rappelle que, vers la fin du regne du feu roi de Pruffe, le château royal étoit tellement infecté de revenans, qu'on fut obligé d'en compofer la garde de gens d'éite; il fe trouvoit parmi eux des foldats étrangers, qui ne croyoient point à tout ce qu'on a tribue aux gens de l'autre monde, & qui, moyennant une récompenfe, faifirent deux de ces fantômes: l'un étoit le concierge du château, & l'autre le ferrurier du roi, qui furent tous deux pendus dans leurs habits de cérémonie, après qu'on eut retiré de chez eux des fommes confidérables, qu'ils avoient emportées du tréfor. Après une foule d'exemples de cette efpece, comment peut-il fe faire que les bonnes femmes & les enfans aient encore la folie de croire aux forciers & aux efprits ?

BERLIN (le 25 Juin.) Le roi, accompagné du prince de Pruffe & du prince héréditaire de HeffeDarmstadt, arriva, le 2 de ce mois, à Stargard en Pomeranie, fe rendit, à cheval, au camp formé près de cette ville, & y paffa en revues régimens d'infanterie; la revue de la cavalerie ne fe fit que le lendemain. Le 4, S. M. manœuvr toutes ces troupes enfemble. Le 5 & le, elle continua fon voyage par Elbing, Marienbourg, & arriva, le 7, à Marienwerder. Elle y fit la revifion des comptes de la chambre, témoigna fa fatisfaction de l'état où elle les trouva, & fit, au premier-préfident de Dombardt, une gratification de mille rixdales en argent comptant; mais le Sr.

de Below, autre préfident de la chambre de Marienwerder, effuya un traitement bien différent; il fut caffé; le Sr. Gaudi, confeiller de guerre, fut nommé fecond directeur. Le 9, à 8 heures du matin, S. M. arriva au camp près de Graudentz; elle vit défiler tous les régimens qui y entrerent; & enfuite elle dina avec les généraux, & le prélat Krafinski, prince-évêque de Warmie. Le 10, à 6 heures du matin, le roi fit fortir les régimens de cavalerie du camp, & les vit manoeuvrer; enfuite, l'infanterie paffa en revne. Après le diner, le corps des bofniaques parut devant S. M., qui en fut fi fatisfaite, qu'elle réfolut, fur le champ, de l'augmenter encore d'un régi ment. Le II, toute l'armée manoeuvra. Le roi fut particulierement fatisfait du régiment de Meyer, dragons. L'exercice dura jufqu'au diner. L'aprèsmidi les bofniaques exécuterent une attaque & plusieurs autres évolutions, dont S. M. fut extrêmement contente. Le 12, les grandes mancuvres, tant de l'infanterie que de la cavalerie, s'exécuterent avec la plus grande promptitude, depuis

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jufqu'à 8 heures du matin; après quoi, S. M. quitta Graudentz, paffa la Viftule, & prit le chemin de Bromberg, pour y voir les travaux au canal de communication, qui fe continuent avec la plus grande ardeur. Après s'être affuré de l'état actuel de ce nouveau canal, le roi reprit la route de Potzdam, où il arriva le 14.

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Le 15, la princeffe d'Orange & de Naffau énpufe du prince ftathouder arriva au nouveau chate près de Potzdam, & fut reçue, à la defcente de fa voiture, par le roi qui la conduifit au palais. Le 19, cette princeffe vint de Porzdam ici, defcendit au palais de la princeffe fa mere, & fe rendit enfuite à Schonhausen, auprès de la reine. On prépare au nouveau château de Potzdam, par ordre du roi, des fêtes magnifiques, pour amufer

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