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chaffenbourg, et ne pouvant rien tirer par le Chap. CIV. Mein, commença à souffrir extrêmement du manque de vivres. Dans cette conjoncture, Le 19 Juin. George II, accompagné du duc de Cumberland, son second fils, arriva au camp, pour être témoin de la situation déplorable de ses troupes, qui n'avoient plus d'autre parti à prendre que de se rendre prisonnières ou de s'ouvrir un passage à travers les rangs d'une armée bien supérieure en nombre, et maîtresse de tous les défilés.

La présence du monarque inspira aux troupes une nouvelle ardeur, et il fut résolu de marcher vers Hanau, où étoient les magasins principaux, et où venoit d'arriver un corps de douze mille hommes, hanovriens et hessois. On leva le camp, le 27, à minuit, et bientôt Aschaf fenbourg fut occupé par l'ennemi. Dans le même temps, un corps de troupes françaises passa la rivière à Selingstadt et se rangea en bataille, sa droite s'étendant jusqu'à Welmisheim et jusqu'au Mein, et sa gauche étant couverte par un bois. En avant, ce corps avoit le Beck, où la rivière de Dettingue, qui coulant dans un ravin profond, ne peut se passer que sur un pont. Les alliés,ainsi enfermés dans une plaine étroite,ayant d'un côté des collines, des bois et des marais et de l'autre le Mein, dont le bord opposé étoit garni d'un grand nombre de batteries, continuèrent leur marche, exposés au feu continuel

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de l'artillerie française. S'étant avancés jusqu'à Dettingue, ils se mirent sur sept ou huit lignes, Chap. CIV. seule disposition que permit la nature du terrain. Quoique pleins d'ardeur et encouragés par la présence du roi, ils n'auroient pu surmonter tant d'obstacles, sans l'impatience de l'ennemi.

Le duc de Grammont, neveu du maréchal de Noailles, commandoit cette partie de l'armée française, qui avoit pris poste près du défilé de Dettingue. Voyant le désordre où le feu des batteries avoit jeté les alliés, et désirant de se signaler, il quitta la position inexpugnable qu'il occupoit, passa le ruisseau et s'avança dans la plaine. Cet aveugle courage rendit vaines les dispositions judicieuses du maréchal. Les batteries placées de l'autre côté du Mein devinrent inutiles, et les troupes du duc de Grammont, exposées à un feu terrible, furent obligées d'engager une action contre un ennemi qui, dans cette rencontre, avoit en sa faveur la supériorité du nombre. Le lord Stairs, secondé par le comte de Neuperg, commandant des troupes autrichiennes, mit à profit cette heureuse conjoncture. Les alliés, après avoir poussé des acclamations, qui furent pour eux le présage de la victoire, s'avancèrent pleins de résolution, et leur choc impétueux fit plier l'ennemi. Un grand nombre de régiments français, et particulièrement les troupes de la maison du roi, déployè

HIST. DE LA MAISON D'AUTR. - Tome V,

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rent un courage héroïque; mais ils furent reChap. CIV. poussés. Le maréchal de Noailles, qui accourut à la tête d'un renfort, fut obligé de repasser le Mein, avec perte de cinq mille hommes.

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Quoique le roi d'Angleterre n'eût pris aucune part aux dispositions de la bataille, il montra beaucoup de bravoure personnelle, et plusieurs fois il conduisit ses troupes à la charge. Le duc de Cumberland reçut un coup de feu à la jambe. On alloit le panser, lorsqu'on apporta près de lui un Mousquetaire blessé dangereusement. << Commencez, » dit le prince, « par sou>> lager cet officier français; il est plus blessé que >> moi; il manqueroit de secours et je n'en man» querai pas. » (1) Les alliés payèrent cher leur victoire; mais elle assura leur retraite. Le roi dîna sur le champ de bataille; et l'armée, confiant ses malades et blessés aux soins des Français, dirigea sa marche vers Hanau. (2)

(1) Nous avons employé les expressions de Voltaire, (Précis du Siècle de Louis XV, ch. X, p. 83, édit. stér. in-8°.) qui nomme le mousquetaire Girardeau. (Note du traducteur.)

(2) Millot, Mémoires Politiques et Militaires, etc. -Œuvres posthumes de Frédéric II, tom. II, p. 2227. Annales du règne de Marie-Thérèse, p. 55-59. Annals of Europe for 1743.

Tindal.

Smollett.

- Historical Memoirs of his late Royal Hyghness the

Duke of Cumberland, chap. III.

Chap CIV.

1745.

Le combat de Dettingue doit être considéré plutôt comme une heureuse délivrance, que comme une action décisive. Cependant les alliés le célébrèrent comme une victoire écla- Le 4 Juill. tante. A Vienne, une foule de peuple courut au loin, sur les deux rives du fleuve, au devant de la reine de Hongrie, qui revenoit d'une promenade sur le Danube, et qui rentra dans sa capitale, en quelque sorte, en triomphe, et fit chanter le Te Deum. (1) La ville d'Égra ayant été reprise, cette princesse ne voyoit plus d'en- Le 7 Sept. nemis dans ses états; et le prince Charles étoit arrivé sur la rive du Rhin, dans les environs de Manheim, à la tête d'une armée fière de ses succès et égale, pour le nombre et la discipline, à toute autre que la maison d'Autriche eût mise jamais sur pied.

Le grand projet de démembrer la France paroissoit sur le point de se réaliser. Le prince Charles, accompagné de Khevenhuller, se rendit à Hanau, pour y concerter avec le roi d'Angleterre un plan d'opérations. Il fut arrêté que l'armée combinée qui, par la jonction des troupes hollandaises, devoit se monter à cinquante mille hommes, passeroit le Rhin et se porteroit en Alsace pour faciliter au prince Charles les moyens

(1) M. Robinson to lord Carteret, (les 3 et 6 juillet

Chap CIV.

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de le franchir aussi à Bâle, de reprendre la Lorraine et de s'emparer de la Franche-Comté et de la Bourgogne. (1) En conséquence, George II Le 22 Août. passa le fleuve à Mayence et porta son quartiergénéral à Worms; et le prince Charles se disposa à pénétrer en France du côté du VieuxBrisach. Ce plan fut dérangé par le manque d'accord entre les confédérés, dont bientôt le camp ne fut plus qu'un théâtre d'anarchie et de discorde. Le rejet de la proposition que ce général avoit faite de passer le Mein et de poursuivre l'ennemi, irrita l'esprit impétueux du lord Stairs. Les Autrichiens, considérant leurs alliés comme de simples auxiliaires, prétendoient régler tous les mouvements de l'armée, selon les vues et les intérêts de leur souveraine. Les Hollandais vouloient temporiser. Les troupes anglaises, jalouses de la partialité que le roi montroit pour ses sujets d'Allemagne, se répandoient en injures contre les Hanovriens. Enfin les négociations compliquées, qu'on avoit ouvertes pour le rétablissement de la paix, contribuoient plus encore que tout le reste à gêner les opérations militaires.

L'empereur, dépouillé de ses états et ne recevant aucun secours de la France, réduit à la plus grande nécessité, fit, par l'entre

(1) Euvres posthumes, tom. II, p. 52.

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