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les avoir complets. Ainsi j'ai rassemblé parmi les productions des sages de la Grèce tout ce qu'il y avoit de plus rare et de plus difficile à trouver.

« Mais réfléchissant souvent sur cet objet, il m'a semblé que mon but ne seroit pas entièrement rempli, si je ne prenois des précautions pour qu'un trésor amassé avec tant de soins et à si grands frais, ne fût ni vendu ni dispersé après ma mort, mais qu'il fût placé, pendant que j'existe encore, dans quelque lieu sûr et commode, et conservé précieusement pour l'utilité commune des amis des lettres grecques et latines, ..... etc. »

Le reste de cette lettre ne renferme que des complimens pour le Doge et le Sénat de Venise à qui il fait don de sa bibliothèque. La souscription porte: «Viterbi, Iv non. maias (4 mai 1468). BESSARIO cardinalis, patriarcha Constantinopolitanus, Basilica Beati Marci Venetiis dicavit. » Bessarion mourut en 1472.

On voit par cette lettre quelle étoit la passion de ce Cardinal pour les livres. Avant lui, Richard de Buri, évêque de Durham, mort en 1345, ne s'étoit pas rendu moins célèbre par cette noble passion. On connoît son Philobiblion ou Traité de l'amour et du choix des livres, qui parut d'abord à Cologne, en 1473, in-4°; puis à Spire, en 1483, aussi in-4o. Fabricius attribue cet ouvrage au dominicain Holkot ; quoi qu'il en soit, on y

représente les livres comme étant les meilleurs précepteurs que nous puissions avoir, et l'auteur s'exprime ainsi : « Hi sunt magistri qui nos instruunt, sine virgis et ferulis, sine cholerâ, sine pecuniâ ; si accedis, non dormiunt ; si inquiris non se abscondunt; non obmurmurant, si oberres; cachinnos nesciunt, si ignores. » Nous pourrions encore rapporter plusieurs éloges des livres à cette époque (1); mais il est temps d'arriver à un

(1) Entre autres celui de Lucas de Penna (que l'on trouve dans le Polyhistor de Morhoff, liv. 1, chap. 3) par lequel nous finirons les éloges en latin : « Liber, dit-il, est lumen cordis, speculum. corporis, virtutum magister, vitiorum depulsor, corona prudentium, comes itineris, domesticus amicus, congerro jacentis, collega et consiliarius præsidentis, myrothecium eloquentiæ, hortus plenus fructibus, pratum floribus distinctum, memoriæ penus, vita recordationis; vocatus properat, jussus festinat, semper præsto est, nunquam non morigerus, rogatus confestim respondet, arcana revelat, obscura illustrat, ambigua certiorat, perplexa resolvit; contra adversam fortunam defensor, secundæ moderator, opes adauget, jacturam propulsat....., etc., etc. ››

Nous ajouterons que beaucoup d'écrivains modernes ont aussi fait l'éloge des livres. Ce sont à peu près les mêmes idées que celles énoncées dans les écrivains précédemment cités; cependant nous croyons pouvoir rapporter un de ces éloges modernes : « Qui n'aime, dit l'auteur, à trouver dans les livres des conseillers utiles, toujours prêts à nous instruire; des amis complaisans toujours empressés à nous plaire; des maîtres dont la sévérité même n'est pas sans indulgence, et que leurs disciples peuvent visiter sans crainte, écouter sans rougir et quitter sans humeur? Trop souvent Jannie des cercles et des cours, la sincérité trouve un asile dans une page écrite avec une sage liberté; et les vérités que la flatterie cache aux monarques se sont réfugiées dans les livres. La mémoire

événement qui a été pour la propagation des lettres ce que la découverte des deux Indes a été celle du commerce.

pour

Si, comme nous l'avons dit, la découverte de l'écriture a eu la plus grande influence sur les progrès de la civilisation et même sur les agrémens de la société, combien cette influence a été augmentée par une découverte moderne qui est d'autant plus intéressante qu'elle découle de cette première ! On voit que nous voulons parler de l'imprimerie (1), qui dans le fond n'est autre chose qu'une espèce d'écriture mécanique dont

y puise ses richesses, et l'esprit son aliment. C'est là que le génie rencontre l'étincelle où se rallument ses flammes assoupies; là qu'une ame généreuse, quand la sagesse peut-être n'est ailleurs qu'un fantôme, peut embrasser du moins dans le portrait d'un grand homme, l'auguste image de la vertu. L'univers est gouverné par les livres. Interprètes des dogmes religieux, ils instruisent la terre à révérer son Auteur; dépositaires des lois, ils assurent par elles le repos des familles; les nations leur doivent la plus belle moitié de leur bonheur et de leur gloire. » ( DE GUERLE.)

(1) Il est assez surprenant que les anciens n'aient pas connu l'imprimerie, eux qui l'ont presque touchée au doigt; car ils avoient des caractères alphabétiques en relief, fondus soit en fer soit en airain, dont ils se servoient pour marquer des vases en terre et autres ustensiles. Il existe au muséum de Portici une boîte remplie de ces sortes de caractères anciens, trouvés à Herculanum. Comment avec de telles données n'a-t-on pas eu l'idée de la possibilité d'imprimer?

La découverte de l'imprimerie en Europe n'a eu lieu que dans le XVe siècle. Jean Gutenberg, né à Mayence vers 1400, en a fait en secret les premiers essais à Strasbourg, vers 1436; mais ces

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les caractères parfaitement uniformes sont plus réguliers et mieux disposés.

le

moyen

Il n'est plus ici question d'une esquisse légère et unique, que la main trace lentement, et par de laquelle elle peint aux yeux les idées successivement et à mesure qu'elles se présentent; il s'agit d'une masse imposante de métal dont les particules sont rangées par une main étrangère dans un ordre convenable, et qui, dans un clin d'œil, fait jaillir sur le papier un tableau de mille, deux mille, trois mille idées à la fois, que vous avez la faculté de renouveler à l'ins

essais paroissent n'avoir offert quelques résultats satisfaisans qu'après le retour de Gutenberg à Mayence, en 1445, où il s'occupa toujours d'imprimerie. On pense qu'il peut avoir fait, de 1445 à 1450, trois éditions de la grammaire de Donat, dont on a trouvé des fragmens à Mayence. En 1450, il s'associa avec Faust ou Fust pour l'impression de la bible. Cette bible a dù être imprimée de 1450 à 1455, année où la société a été dissoute. Faust prit avec lui Pierre Schoeffer, très bon ouvrier qui perfectionna la fonte des caractères. Rien n'est plus beau que son Psautier de 1457, pet. in-folio. Gutenberg est mort en 1468.

L'imprimerie a, dit-on, été découverte à la Chine sous MingTsong, l'an 927 de J.-C.; mais l'art d'imprimer des Chinois ne consiste que dans la gravure en relief de leur écriture, à cause de l'excessive quantité de leurs caractères (80,000); et nous qui n'en avons que 24, nous n'en trouvons pas moins le moyen d'exprimer assez facilement nos idées. Il est vrai que le mathématicien Tacquet a calculé que par la transposition des lettres de notre alphabet, on pouvoit trouver un certain nombre de combinaisous qu'il ne porte qu'à 620,448,401,733,239,439,360,000; cependant la langue française ne possède guères plus de 32,000 mots.

tant et autant de fois que bon vous semble. Voilà

quoi l'art de l'imprimerie est admirable; c'est l'avantage qu'il a sur l'écriture de multiplier les copies avec une étonnante rapidité (1) ; et c'est cette facilité de centupler en peu de temps les exemplaires d'un livre qui, en répandant davantage les lumières, en popularisant l'étude, en augmentant les relations entre les différentes

(1) Deux ouvriers à la presse peuvent tirer 2000 feuilles par jour; que l'on compare cette promptitude au temps qu'employoient les copistes avant le XVe siècle. Il existoit dans la bibliothèque des Célestins de Paris, un bel exemplaire des Canons de Gratien, manuscrit; le copiste a noté qu'il avoit employé vingt-un mois à l'écrire sur ce pied, il faudroit dix-sept cent cinquante ans à trois hommes pour faire trois mille exemplaires du même ouvrage; et au moyen de l'imprimerie, ces trois mille exemplaires peuvent être achevés par le même nombre d'hommes en moins d'un an. C'est ce qu'exprime le vers suivaat, tiré d'un sixain de Jean Ant. Campanus, mis au bas de l'édition qu'Udalricus Gallus a donnée de Tite-Live, en 1470:

Imprimit ille die, quantum non scribitur anno.
Laurent Valla a ainsi rendu la même pensée :
Et quod vix toto quisquam præscriberet anno

Munere germano conficit una dies.

Nous avons dit plus haut que deux ouvriers peuvent tirer 2000 feuilles par jour; d'après une nouvelle presse inventée dernièrement à Erfurt, par M. Hellfart, imprimeur, on peut, dit l'auteur, imprimer jusqu'à huit feuilles en forme à la fois, et l'on aura en douze heures, de chaque feuille 7,000 épreuves, et par conséquent des huit feuilles 56,000 exemplaires imprimés des deux côtés. La machine est facilement mise en mouvement par un cheval, et trois hommes suffisent pour mettre le papier sur le chassis et pour l'en ôter. Sans arrêter la machine, les formes imprimées se déplacent d'elles-mêmes, et les autres se remettent en place,

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