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la nature, et le choix est admirable dans tous les deux; mais il est plus gracieux dans Virgile, et plus vif dans HOMÈRE. HOMERE s'est plus attaché que Virgile, à peindre les caractères, les mœurs des hommes; il est plus moral: et c'est là, à mon gré, le principal avantage du poëte grec sur le poëte latin. La morale de Virgile est meilleure : c'est le mérite de son siècle et l'effet des lumières acquises d'âge en âge; mais HOMÈRE a plus de morale: c'est en lui un mérite propre et personnel, l'effet de son tour d'esprit particulier.... Il viendra plutôt un Virgile qu'un HOMÈRE............., etc. » La Harpe dit dans son Cours de littérature: « Si Virgile n'a pas égalé HOMÈRE pour l'invention, la richesse et l'ensemble, il l'a surpassé par la singulière beauté de quelques parties et par son excellent goût dans les détails. »

Sept villes se sont disputé l'honneur d'avoir donné le jour à HOMÈRE. Si l'on en croit un ancien distique grec, ces villes sont : Cumes, Smyrne, Chio, Colophon, Pylos, Argos et Athènes (1). L'opinion la plus commune est qu'HOMÈRE a vu le jour à Chio.

Une chose assez singulière, c'est que pendant vingtsept siècles on n'ait point mis en problême l'existence d'HOMÈRE, et que l'on ait attendu aux xvii et xvIII.e siècles pour élever des doutes à cet égard. L'abbé d'Aubignac, vers 1630, dans une dissertation sur

(1) Un distique latin s'exprime ainsi à cet égard :

Smyrna, Rhodos, Colophon, Salamis, Chios, Argos, Athenæs
Orbis de patriâ, certat, Homere, tuâ.

Iliadė , a soutenu qu'il n'y a jamais eu d'homme nommé HOMÈRE qui ait composé l'Iliade et l'Odyssée, et que ces deux poëmes ne sont qu'une compilation de vieilles tragédies (rhapsodies) qui se chantoient anciennement dans la Grèce. Dans le xviii.. siècle, on a agité cette question sous différens points de vue. Il y en a qui ont douté qu'HOMÈRE eût mis par écrit ses poésies : c'est l'avis de MM. Wood, Heyne, Wolf, etc. Il a été combattu par MM. Amelang, Hug, de Marée, etc. M. Wolf est allé plus loin: il a voulu prouver, tant par l'analogie que par les disparates qu'il a cru remarquer dans les différentes parties des deux poëmes, qu'on doit les regarder comme une suite d'ouvrages de divers auteurs, et qu'on ne peut attribuer à HOMÈRE ( s'il a existé) que la première idée et peut-être une partie des vers que ces poëmes renferment. M. de SainteCroix s'est élevé, en 1798, contre cette opinion. M. Bryant, à l'occasion de l'ouvrage de M. Cheyalier sur la Troade, a surpassé M. Wolf, en soutenant, en 1796, qu'il n'a jamais existé ni ville de Troie, ni guerre des Grecs contre Ilion. Enfin, M. l'abbé Geoffroy, célèbre critique dans ces derniers temps, a prétendu que les poëmes héroïques d'HOMÈRE étoient en partie des poëmes plaisans et même burlesques. Il a développé ce systême bizarre dans dix à douze articles avec beaucoup d'esprit ; mais il n'a convaincu personne.

Il faut convenir qu'il est aussi difficile de décider si les différentes opinions dont nous venons de par

:

ler, sont fondées, qu'il seroit impossible de les concilier; et pour nous servir d'une expression de Dufrény, ce n'est pas à travers un brouillard de vingthuit siècles qu'on peut voir distinctement les objets, et dire ils sont ainsi. Il nous semble cependant, quand tous les anciens, à commencer par Lycurgue qui vivoit tout au plus cent ans après HOMÈRE, se sont accordés pour le regarder comme auteur de l'Iliade et de l'Odyssée; il nous semble, dis-je, que c'est venir un peu tard, vingt-sept siècles après, pour élever des doutes sur son existence, et donner une espèce de démenti formel à toute l'antiquité. Au reste, nous sommes dans le siècle où, à force de vouloir tout approfondir, on finit par douter de tout.

ARISTOPHANE DE BYZANCE, célèbre grammairien grec, qui existoit à-peu-près 200 ans avant J.-C., passe pour l'auteur du fameux canon des auteurs classiques grecs. Son disciple Aristarque, qui vivoit 175 ans avant J.-C., a eu aussi part à la rédaction de ce canon, qui ne nous est parvenu qu'avec les changemens qu'y ont faits les grammairiens des temps suivans. Voici la nomenclature de ces classiques telle que nous la possédons maintenant.

POETES ÉPIQUES: Homère, Hésiode (quoiqu'il soit principalement didactique), Pisandre, Panyasis, Antimaque.

POETES IAMBIQUES : Archiloque, Simonide, Hipponax.

POETES LYRIQUES: Alcman, Alcée, Sapho, Stési

chore, Pindare, Bacchylide, Ibycus, Anacréon, Simonide.

POETES ÉLÉGIAQUES : Callinus, Mimnerme, Philétas, Callimaque.

POETES TRAGIQUES: Eschyle, Sophocle, Euripide, Ion, Achæus, Agathon.

POETES COMIQUES, ancienne comédie: Epicharme, Cratinus, Eupolis, Aristophane, Phérécrate, Platon. Moyenne comédie: Antiphane, Alexis.

Nouvelle comédie : Ménandre, Philippide, Diphile, Philémon, Apollodore.

HISTORIENS: Hérodote, Thucydide, Xénophon, Théopompe, Éphore, Philiste, Anaximène, Callis

thène.

ORATEURS, les dix attiques : Antiphon, Andocide, Lysias, Isocrate, Isée, Eschine, Lycurgue, Démosthène, Hypéride, Dinarque.

PHILOSOPHES: Platon, Xénophon, Eschine, Aristote, Théophraste.

Ici se termine le canon des classiques grecs attribué à Aristophane de Byzance et à Aristarque. Par la suite, on y réunit ce qu'on appelle la Pléiade: c'est une liste de sept poëtes du second ordre que l'on ajouta à ceux du premier que nous venons de citer. Avant de présenter cette liste, nous croyons devoir donner une petite explication du mot Pléïade, et ensuite nous rapporterons tout ce qui a été connu sous le nom de Pléïade poétique chez les anciens et chez les modernes..

Le mot Pléiade vient d'une constellation compo

sée de sept étoiles réunies vers l'épaule du Taureau. Ces étoiles se nomment Céléno, Astérope, Mérope, Électre, Alcyone, Maïa et Taygete. Selon la Fable, ces noms étoient ceux des filles d'Atlas et de Pléione. Cette Pléïone étoit fille de l'Océan et de Thétis. Le terme Pléiade provient du grec pleio, je navigue, parce que cette constellation passoit pour pluvieuse, orageuse, et par conséquent très redoutée

des marins.

C'est du nom de ces étoiles que les Grecs ont donné le nom de Pleiade à sept poëtes qui ont paru sous le règne de Ptolémée Philadelphe (de 285 à 246 avant J.-C.): on n'est point d'accord sur les sept poëtes qui composoient la Pléïade grecque.

Selon Tzetzes, dans son commentaire sur le poëme de Cassandre par Lycophron, ces poëtes sont : Théocrite, Callimaque, Nicandre, Apollonius de Rhodes, Homère le jeune, Aratus, Lycophron.

Selon le scoliaste de Théocrite, la Pléiade est ainsi composée Théocrite, Philicus, Æantide, Apollonius de Rhodes, Aratus, Homère le jeune, Lycophron.

Le scoliaste d'Hephestion présente une autre liste que voici : Homère le jeune, Sosithée, Lycophron, Alexandre, Philicus, Dionysiade, Eantide.

D'autres mettent Sosiphane au lieu de Dionysiade. M. Schoëll, dans son Histoire abrégée de la littérature grecque, donne aussi (pag. 107 du 1.er vol.) une liste des poëtes composant la Pléïade grecque ; cette liste est conforme à la première que nous avons

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