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f'accepter, en difant que cet honneur étoit do au prince Henri-Guillaume, troifieme fils du roi fon maître, qui montoit un des vaiffeaux de fon efcadre.

Deux capitaines de navires hollandois, arrivés fucceffivement ici, rapportent qu'ils ont été vifités en deçà du détroit par un vaiffeau de guerre anglois, & qu'ils en ont rencontré un autre à la hauteur de Port-Mahon. Ils affurent que les bâtimens de tranfport partis d'Angleterre pour Gibraltar y font tous heureusement arrivés, & y ont débarqué des hommes, des vivres & des munitions; que le paffage étant abfolument libre, on voit journellement des vaiffeaux marchands entrer dans la baye pour fournir cette place de tout ce qui lui eft néceffaire.

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Il réfalte de tout ce qu'on apprend, que Gibraltar & Mahon font complétement ravitaillés. On observe à ce fujet, que le miniftere britannique a mis une fineffe bien heureuse dans toute fa conduite relativement à cette expédition. L'amiral Rodney eft parti de bonne heure de Spithéad, & a feint de cingler vers l'Irlande. Au premier avis de fon départ, Don Louis de Cordova a appareillé de Breft, & eft venu l'attendre au détroit, qu'il a été bientôt obligé d'abandonner à caufe des tempêtes qui ont fatigué fon efcadre. Pendant ce tems, Rodney a quitté les côtes d'Angleterre pour venir fur celles d'Espagne, où il s'eft emparé du convoi parti du port du Paffage; & fucceffivement Don Michel Gafton eft parti de Breft pour le mettre à fa pourfuite. L'efcadre angloife, mife ainfi entre deux feux, sembloit ne pouvoir échapper à la fupériorité décidée des deux efcadres efpagnoles; mais les vents en ont autrement difpofé, puifque l'une eft partie trop tôt, & que l'autre eft arrivée trop tard.

ESPAGNE.

MADRID (le 15 Février. ) Le roi a récom-, penfé, comme on l'a dit, le courage & l'intrépidité que fes fujets ont fait éclater dans la journée du 16, malgré la fupériorité des forces ennemies, Le chef d'efcadre Don Jean de Langara a été nominé lieutenant-général; le brigadier Don Vincent Doz a été fait chef d'efcadre; les capitaines de vaiffeaux ont été élevés au rang de brigadiers; tous les officiers & gardes-mari ne ont éprouvé auffi la jufte bienfaifance de S. M. A l'égard du vaiffeau le St. Domingue, qui á fauté, S. M., touchée de la perte de fes braves & fideles fujets qui le montoient, a ordonné que les veuves & les enfans de ceux qui ont péri fur ce vaiffeau, jouiffent, pendant leur vic,' de la moitié du traitement (& non de la totalité, comme on l'avoit dit par erreur ) de leur pere ou mari, mais fans préjudice des penfions & graces refpectives auxquelles les uns & les autres pouvoient prétendre.

Les lettres du camp de St. Roch, du 27 Janvier, fe bornent à nous confirmer la remise qui nous a été faite de nos bleffés à Ponte-Mayorga, par un navire anglois. Les ennemis fuivent avec beaucoup d'activité la construction des batteries & des fortifications de leur place, du côté de la pointe de l'Europe; ils s'occupent également de mettre leurs vaiffeaux en état d'aller en mer, & il court un bruit que dix doivent fortir pour fe livrer aux opérations qu'ils ont méditées. La place n'a fait de feu que le 25; elle tira ce jour-là 62 coups de canons à balles & à mitrailles, fur un parti de cavalerie & de volontaires d'Aragon qui étoient à la poursuite d'un caporal & de quatre foldats, déferteurs des gardes-wallones; cette canonnade n'empêcha pas

nos gens de fuivre leur proie jufqu'aux ouvrages avancés des ennemis, d'arrêter un des fuyards, d'en bleffer un autre, & de prendre le caporal, qui fut pendu le jour fuivant. Il n'arriva à notre détachement aucun autre dommage que celui de la perte d'un cheval.

!

Les derniers avis du camp de St. Roch font du 28 Janvier jufqu'au 8 de ce mois. Ils por tent qu'on continue de nous renvoyer des bleffés, & que les Anglois font des préparatifs pour fortir de Gibraltar avec leurs vaiffeaux.

CADIX (le 8 Février. ) Depuis l'arrivée en cette baye des vaiffeaux de guerre efpagnols le St. Auguflin & le St. Laurent, après le combat du 16 Janvier, il y eft entré deux autres vaiffeaux,-de 70 canons chacun, le St. Juft & le St. Janvier, commandés par MM. Urrutina & de Texada, qui faifoient partie de la flotte du chef d'efcadre Langara, de laquelle il s'étoient féparés ayant le combat.

Le 31 du mois dernier & le 3 du courant l'efcadre fous les ordres de Don Michel Gafton a été forcée d'entrer à Cadix par un gros tems & par un ouragan qui, dans cette baye même, a fort tourmenté les vaiffeaux qui s'y trouvoient. On fçait que quelques vaiffeaux & un paquebot féparés de cette efcadre font entrés dans le Ferrol, & qu'un d'eux eft retourné au port de Breft, de maniere qu'il ne manque plus à la réunion que le vaiffeau françois le Scipion, qu'on attend inceffamment. Ceux de l'efcadre du lieutenant-général Don Louis de Cor dova font prêts à fe joindre à celle qui vient d'arriver, & l'on répare avec la plus grande diligence les dommages qu'ont foufferts quelques-uns d'entr'eux; tous feront bientôt prêts à

fe porter où les ordres des généraux les appel

leront.

Nous avons appris, par des avis d'Algéfiras & du camp de St. Roch, que la plupart des vaiffeaux de l'efcadre angloife & ceux du convoi, au nombre de 25 ou environ, étoient entrés dans le port de Gibraltar avec les vaiffeaux de guerre efpagnols dont ils s'étoient emparés

Don Barcelo, pour lequel on craignoit les mêmes rifques, s'eft fortifié autant qu'il a été poffible dans le mouillage, où il s'eft réfugié avec fes deux vaiffeaux le St. Jean-Baptifte & le St. Léandre, entre les forts de la côte d'Algéfiras & la petite ifle de las Palomas, dont il augmente les fortifications & l'artillerie, & où il a pris toutes les précautions les plus propres à fa fûreté & à fa défense.

ALGESIRAS (le 31 Janvier.) La flotte angloife eft entrée dans la baye de Gibraltar le 25. Le lendemain elle s'eft mife en ligne dans l'ef pace qui commence à l'arsenal rouge & finit à la pointe d'Europe. Nous ignorons le nombre des vaiffeaux; mais on en diftingue trois à trois ponts. On n'eft pas plus inftruit du nombre de ceux qui ont été détachés foit pour Mahon, foit, comme on le dit auffi, pour aller joindre leurs navires marchands détenus dans le levant, les ramener enfuite à Gibraltar, & de-là les efcorter en Angleterre avec toute la flotte.

Le 26, au foir, on vit arriver à Puente Mayorque une balandre angloife portant pavillon de paix deux corfaires efpagnols furent au-devant, & recueillirent 136 prifonniers de l'efcadre de Langara. La même balandre revint le 28 elle fit une nouvelle remife de 109 prifonniers; c'étcient des bleffés, des malades, des religieux des chirurgiens & une Dame qui s'étoit trouvée

:

bord d'un des navires du convoi de Biscaye. Le 28, les ennemis ont profité d'un vent de terre, & ont envoyé à la découverte un de leurs vaiffeaux & trois frégates au débouché du détroit pour y reconnoître & arrêter tous les bâtimens qui y entrent ou en fortent.

Le 29, vers les deux heures après-midi, nous apperçûmes à la pointe de Carnero une frégate portant pavillon efpagnol, pourfuivie par deux frégates & un vaiffeau de guerre anglois. La frégate espagnole avoit toutes fes voiles dehors, & manevroit pour fe mettre fous la protection de nos batteries, & faifoit en même tems fignal de fecours. Don Barcelo fit, en conféquence, fes difpofitions avec la plus grande célérité: il prit deux chaloupes canonnieres de fon invention, & fortit avec quelques autres bâtimens de guerre; il fit voile droit vers le fort de SanGarcia, qui protégeoit notre frégate par fon feu. Elle étoit dans le plus grand danger, lorfque ce fecours arriva. Le vaiffeau anglois lui tiroit déjà fcs,bordées: les deux chaloupes canonnieres s'approcherent de très près; & joignant leur feu à celui du fort de San-Garcia, elles l'obligerent à virer de bord, après avoir été très-maltraité par leurs boulets de 24. Don Barcelo fit enfuite remorquer la frégate, & la conduifit dans ce port, où elle entra à 7 heures du soir. Cette frégate étoit armée en guerre par le commerce de Cadix, montant 40 canons: elle s'appelle l'Antiope; elle étoit fortie depuis peu de jours, & le mauvais tems l'avoit pouffée vers Algésiras.

Les généraux de terre & de mer ont pris toutes les précautions néceffaires pour repouffer l'ennemi, en cas de quelque entreprise de fa part. Les troupes cantonnées ont eu ordre de rejoindre celles du camp, & l'on a renforcé notre garnifon.

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