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délivroit des lettres de repréfailles contre les Efpagnols, en conféquence du refcrit présenté par leur ambafladeur: il étoit naturel que cet événement nous fit concevoir que nous étions le grand objet de cette nation, ainsi que de la France; cependant il s'écoula deux femaines fans que l'on fongeât à rien ajouter à nos forces naturelles, jufqu'au moment de l'arrivée foudaine & inattendue du comte d'Eftaing à St. Domingue, moment auquel nous nous flattions que fa flotte avoit été détruite par Byron, dont la conduite a étrangement changé la face des affaires dans ce pays, & nous a expofés au danger. Je ne vous parlerai ni des mouvemens, ni des opérations du comte d'Estaing : tout cela doit vous être connu; je le prendrai au moment où il arriva au CapFrançois (le 3 ou le 4 Août); il en appareilla le 24, avec une flotte confidérable; mais nous ignorons la route qu'il a tenue tant nous fommes mal informés. Le fait eft qu'il appareilla du Cap plufieurs jours avant que notre amiral en eût connoiffance: lorfqu'elle nous parvint enfin, nous regardâmes cet événement comme l'avant-coureur d'une invafion qui nous regardoit; en conféquence, la loi martiale fut proclamée fur le champ, même fans la participation du confeil, ni de l'affmblée; l'ifle entiere fut en mouvement; jamais tant d'ardeur n'éclata nulle part; c'étoit à qui arriveroit le premier au centre de défense: en un mot, dans le cours de 8 jours, 17 mille blancs fe trouverert fous les armes. Ce qui contribua beaucoup à relever le courage des habitans, c'est la connoiffance qu'ils ont de la force naturelle du terrein, qui, fecondée par l'art dans une étendue de près de 40 milles, nous met en état de tenir contre un nombre d'ennemis dix fois auffi confidérable que le nôtre. On n'arma pas un feul efclave; on les réferva pour le moment où la

defcente auroit effectivement lieu ; & dans ce cas nous euffions mis 30 mille hommes de plus fous les armes ».

<< A tout prendre, nous ne manquions que de moufquets; il faut avouer que nous n'en avions pas, à beaucuup près, la quantité fuffifante.».

<< Indépendamment des 17 miile blancs dont j'ai parlé, nous avions plus de 12 cens hommes de troupes réglées par les foins de l'amiral Parker, le port de Kingfton avoit été rendu réellement imprenable par mer: les dépenfes publiques faites en cette occafion dans le cours d'une femaine font prodigieufes, & nous nous en fentirons longtems ».

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En cas d'accident, notre dernier espoir étoit dans Leguanca, ville forte, à environ 6 milles en front de Mullet Hill, pofte naturellement fort & très-fortifié d'ailleurs, où, avec 5 mille hommes, notre gouverneur ne doutoit pas de pouvoir tenir un an contre n'importe quelle force; fitué d'ailleurs de maniere à pouvoir tirer des vivres des paroiffes adjacentes, indépendamment de ce que fourniroit le territoire même, capable de fournir à la fubsistance de 10 mille hommes. Là, on avoit transporté tout ce qu'il y avoit d'effets précieux dans les deux villes. Là, les femmes & les enfans s'étoient retirés en très-grand nombre furtout dans la nuit du 24 Août, au moment de la connoiffance que l'on eut d'une flotte qui paroiffoit du côté du vent, moment qui mit toutes les troupes en mouvement jetta l'ifle dans un état d'allarme pendant toute la nuit ; le retour du jour nous apprit que la flotte étoit amie ; c'étoit une douzaine de voiles qui arrivoient d'Angleterre, fous l'escorte de la frégate la Pallas ».

« Actuellement que nous fçavons que le comte d'Estaing a quitté St. Domingue, le 14 Août notre milice eft très-impatiente; chacun deman

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de à retourner chez foi, & il eft étonnant qu'on n'en ait pas encore obtenu la permission; mais la loi martiale continue d'être en force & le gouverneur fe propofe de la laiffer en vigueur jufqu'à ce que les forts, les redoutes & les autres fortifications foient achevés; nous avons à cette station environ 20 voiles de 20 à 64 canons; mais il n'y en a que 4 ou 5 de ligne ».

ETATS-UNIS DE L'AMERIQUE. BOSTON (le 13 Septembre. ) Les frégates continentales, le Dean & le Boflon, comman dées par les capitaines Samuel Nicholson & Samuel Tucker, rentrerent, le 6 de ce mois, en ce port,après une croifiere heureuse: ils emmenerent avec eux & ont débarqué depuis 250 prifonniers, parmi lefquels fe trouve le lieutenant-colonel Duncan Macpherfon, du 73e. régiment; le major Gardner, du 16e., fon époufe & fa famille ; le capitaine David Rofs, du 73e.; le capitaine James, de la marine; les Srs. Robertfon, écrivain du Swift, Powel & Ashley, officiers de la marine; tous paffagers à bord du paquebot le Lord Sandwich, de 16 canons, qui fit voile le 30 Juin dernier de New-Yorck pour Falmouth; de plus, les capitaines Hill & Wardlow, de la marine, avec quelques officiers brevetés & autres qui avoient été pris à bord de la chaloupe de guerre britannique l'Epine, de 16 canons, doublée en cuivre, conftruite à neuf feulement depuis 9 mois, & allant de Portsmouth à NewYorck avec des dépêches de la cour de Londres, contenant l'avis de la guerre avec l'Espagne. Outre ces deux bâtimens, que les capitaines Nicholfon & Tucker conduifirent en même tems dans notre port, ils avoient pris, durant leur croifiere, le navire le Comte de Glencairn, de 20 canons, chargé de balloteries dont la valeur

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montoit, fuivant la facture, à 40 mille liv. fterl., outre 400 barils de provifions de bouche & 50 punchons de rum; le brigantin le Venture, allant de Madere à New-Yorck, avec 150 pipes de vin de Madere (ce vaiffeau eft également arrivé ici en fûreté ), & 4 armateurs de New-Yorck, qui ont été conduits, par leur ordre, à Philadelphie. Les deux capitaines ayant affoibli leurs équipa ges en amarinant leurs prifes, & ayant à bord une quantité confidérable de prifonniers, jugerent à propos de rentrer dans le port. Au moment que le Comte de Glencairn fut pris, l'on jetta hors de bord de ce bâtiment une caiffe contenant un affortiment complet de caracteres & trois rames de papier, avec du talc & de la foie mělés, pour contrefaire le papier-monnoie du continent. Le capitaine Nicholfon a depuis repêché cette caiffe, & l'a apportée avec lui. L'imprimeur chargé de la contrefaçon fut pris fur le même vaiffeau.

HOLLAND E.

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LA-HAYE (le 22 Décembre.) Les circonftances ayant changé à l'égard de l'efcadre de M. Paul Johnes au Tegel, les Etats-Généraux ont fufpendu l'effet de leur réfolution du 19 Novembre, qui en ordonnoit le départ, par une autre prife le 26 du même mois. Elles recurent ce jour-là une lettre du ftadhouder, par laquelle il les informoit que, conformément à leur réfolution du 19 Novembre, il avoit envoyé les ordres néceflaires au vice - amiral Reynft, commandant à la rade du Texel, pour qu'il tînt la main avec toute la difcrétion poffible, & qu'il effectuât par tous les moyens convenables, fans excepter même les voies de force, que Paul Johres 1emît en mer avec les vaiffeaux à fes ordres & íes prifes, nais qu'après que Paul Johnes

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eut déclaré être prêt à obéir aux ordres de L. H. P., & que d'abord qu'il feroit en état, il profiteroit de la premiere occafion pour reprendre le large, il étoit arrivé le 25 Novembre, que le vice-amiral Reynft ayant envoyé le capitaine van Overmeen à bord du vaiffeau le Serapis pour notifier de nouveau, de la maniere la plus férieufe, à l'officier commandant, qu'il devoit fe pourvoir d'un pilote-côtier & partir avec le premier vent favorable, il lui avoit été rapporté que ce vaiffeau n'étoit plus commandé par Paul Johmais par le capitaine françois Cotineau de Cofgelin, qui en avoit pris poffeffion au nom du roi de France ». Le ftadhouder fe référoit d'ailleurs à la lettre même du vice-amiral Reynft, ainsi qu'aux pieces y annexées; & S. A. S. ajoutoit qu'en attendant les ordres ultérieurs de L. H. P., elle avoit provifionnellement écrit au vice-amiral Reynft de ne point ufer, jufqu'a nouvel ordre, de voies de force contre les vaitfeaux dont les commandans prouveroient qu'ils font pourvus d'une commiffion du roi de France les ordres précédens reftant néanmoins dans leur entier à l'égard du vaiffeau l'Alliance, tuellement commandé par Paul Johnes, & qu'elle avoit en même tems chargé le fufdit vice-amiral d'avoir foin que, conformément au placard de L. H. P., en date du 3 Novembre 1756, aucun des prifonniers qui n'avoient pas été conduits à la rade à bord dudit vaiffeau l'Alliance fût emmené fûr ce navire S. A. R. fe flattant que L. H. P. approuveroient fa conduite en cette affaire: fur quoi L. H. P. ayant délibéré, ont d'abord remercié le stadhouder de la communication qu'il leur avoit faite, & ont approuvé à tous égards fes procédés dans l'affaire dont il s'agit, fe réfervant de délibérer ultérieurement fur le parti à prendre en cette occasion. Janvier. e, quinz. 1780.

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