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Johnes; elle s'étoit flattée que L. H. P. auroient fait remettre les vaiffeaux du roi, & qu'elles auroient livré ce marin (qu'on appelle ici traître & pirate), pour être jugé & puni fuivant les loix du royaume. On a envoyé 6 vaiffeaux pour l'attendre à la fortie du Texel; & le commandant de la ftation des Dunes a les ordres les plus pofitifs afin que tous les croifeurs redoublent de vigilance pour empêcher Paul Johnes de paffer à Dunkerque ou dans quelques autres ports de France. Beaucoup d'Anglois qui eftiment le courage & les talens dans leurs ennemis même fouhaiteroient prefque qu'il échappât à toutes les recherches qu'on fait de fa perfonne.

Le fameux Cunningham, qui avoit été renfermé dans la prifon du Moulin à Plymouth s'eft évadé dernierement, & l'on dit qu'il s'eft rendu en France dans une chaloupe qu'il avoit louée. L'opinion la plus générale eft que fon évasion a été la fuite d'une forte de connivence avec le gouvernement, qui lui avoit fait entendre qu'il pouvoit fe promener les foirs. On ajoute que le motif de cette facilité de s'éloigner, qu'on lui a procurée, a été de prévenir la repréfaille du congrès fur les trois officiers anglois qu'il avoit fait enfermer dans les prifons de Philadelphie, où ils étoient étroitement gardés, pour fubir le même fort que le capitaine Cunningham.

Jamais fortifications n'auront tant coûté à la nation que les nouveaux ouvrages que l'on continue à Portsmouth. L'objet feul des chevaux de frife montera, dit-on, à 44 mille liv. fterl.

Les vaiffeaux du roi, le Nofuch & le RoyalOak, qui arrivent des, ifles, vont être retirés de commiffion, & entrer dans le baffin pour y être réparés & doublés en cuivre. Les vaiffeaux marchands qu'ils efcortoient, à l'exception de &

qu'ils ont ramenés dans la Manche, ont été difperfés dans les bancs de Terre-Neuve, par une horrible tempête qui les a fort maltraités, & dans laquelle le Prince de Galles a été obligé de jetter plufieurs de fes canons à la mer. Le Grampus & le Tortoije, vaiffeaux munitionnaires, avoient mis à la voile avec cette flotte; mais on craint qu'ils ne foient perdus.

La frégate l'Apollon, qui avoit donné contre terre près de Guernefey, a été ramenée fort endommagée à Plymouth.

Le 29 Novembre, il arriva au bureau de Mylord Germaine un exprès avec des lettres du chevalier Clinton, & un officier apporta également à l'amirauté des dépêches du vice-amiral Arbuthnot: ils avoient fait le trajet à bord de la frégate la Daphné, de 20 canons, commandée par le capitaine Chinnery, partie de NewYorck le 3 Novembre, & entrée le 26 à Plymouth. Le chevalier George Collier, qui a remis à M. Arbuthnot le commandement de la marine fur les côtes de l'Amérique feptentriona le, après y avoir amaffé une fomme d'environ 60 mille liv. fterl., & le colonel Charles Stuart fils du comte de Bute, font arrivés comme paffagers fur la même frégate. Le premier étant venu en cour au moment que le confeil-privé étoit affemblé, y fut appellé; & l'on affure qu'il a rapporté que, fur l'avis de la prochaine arrivée du comte d'Estaing avec des forces fupérieures, il avoit été envoyé ordre aux troupes qui occupoient Rhode-Iffand, d'évacuer cette ifle, & que l'expédition qui devoit avoir lieu vers les colonies méridionales, fous les ordres du comte Cornwallis, avoit été fufpendue. Le gouvernement n'a rien publié de ces nouvelles.

Pendant quelques jours, nos papiers publics ont repréfenté l'efcadre du comte d'Estaing com

me luttant contre les tempêtes fur la côte de la Caroline méridionale. Ils affuroient que fes vaiffeaux avoient été défemparés, difperfés; que ce vice-amiral avoit gagné le port de Boston avec 5 de fes vaifleaux, & que le fort du refte de fon efcadre étoit ignoré, mais depuis les dernieres dépêches reçues de l'Amérique, ces mêmes papiers ont changé de ton en rapportant ce qui fuit:

«La flatte de M. d'Estaing a été véritablement difperfée & défemparée dans un orage; mais la plupart de fes vaiffeaux ont reparu fur les côtes de l'Amérique feptentrionale; 11 font entrés dans la baye de Chesapeak; d'autres ont pris la route de Bofton, & quelques-uns avoient gouverné pour l'Europe. Mais comme on fçait que la majeure partie de fa flotte eft en force fur la cote de l'Amérique, on ne doute point qu'il n'ait attaqué d'abord la Georgie & la Caroline, pour s'en mettre en poffeffion, & qu'il n'ait paflé de-là à la Nouvelle - Yorck, où les Américains viennent d'enlever un pofte important à l'armée royale, & d'y faire 1200 prifonniers. L'armée de Washington avoit été renforcée dans le Jerfey, & il devoit attaquer par terre l'armée royale, tandis que M. d'Estaing affiégeroit la Nouvelle-Yorck par mer. Le congrès avoit taxé les colonies à fournir au plutôt 40 mille hommes de recrue pour l'armée de Wafhington, tirés de la milice des colonies. Le général anglois avoit détaché un gros corps pour s'oppofer au paffage de Washington, & avoit fortifié tous les environs de la ville d'Yorck. Le vaiffeau du roi l'Experiment, de 50 canons a été pris fur la côte de Georgie par un vailleau de 80 canons de la flotte de M. d'Eftaing.

Depuis la guerre actuelle, les dépenfes ont prodigieufement excédé l'établiffement de paix, qui eft de 3371000 liv. fterl.; en 1775, la paffe

a été de 1782000 liv.; en 1776, de 61030co liv.; en 1777, de 6614000 liv. ; en 1778, de 10172000 liv. ; en 1779, de 12205000 liv. ; & en 1780, de 15000000 liv., en forte que le total de la dépenfe des 6 campagnes a paffé l'établissement de paix de 50876000; à quoi ajoutant les fommes qui feront arriérées après la campagne prochaine, & qui font de 8000000 liv. fterl., l'excédent fe trouvera être de 58876000 liv. fterl.

On apprend que le congrès a nommé M. J. Jay fon miniftre plénipotentiaire pour négocier un traité d'amitié & de commerce, ainfi que d'alliance, entre les états-unis de l'Amérique & fa majefté catholique, & qu'en conféquence ce miniftre & M. Carmichael, fecrétaire d'ambaffade, s'embarqueront avec M. Gerard, ci-devant miniftre plénipotentiaire de S. M. T. Chrét. près les états-unis de l'Amérique, à bord de la Confédération, pour se rendre à leur destination.

On fe raconte très-férieufement dans tous les quartiers de la cour, la vifion que le lord Littleton a eu dans la nuit du 23 Novembre; e'est fur la foi de plufieurs perfonnes qui en ont en tendu le récit dans la bouche de ce lord, à un déjeûner qu'il leur donna le 25, avant qu'il allât au parlement, où il a parlé très - fortement en faveur de l'Irlande. Une belle dame lui apparut en fonge; elle étoit vêtue de blanc, & tenoit dans fa main un oifeau; elle lui donna le confeil de mettre ordre à fes affaires, parce qu'il n'avoit plus que trois jours à vivre. D'après le récit que, depuis fa mort, Mylord Abingden a fait au parlement d'une exclamation de ce feigneur, entendue très-diftinctement par fon valet-de-chambre, & qui l'a rendue au lord Abingdon, offrant de l'attefter par ferment, il eft à croire que Mylord Littleton étoit peu occupé de cette terrible prédiction, & qu'il fon

geoit beaucoup moins à fes propres affaires qu'à celles de fa nation. Il s'écricit le 26, en íe promenant à grands pas dans fa chambre, devant ce domeflique de confiance, qui étoit là pour l'habiller: Oh, ma pauvre patrie! Voici donc le moment de ta ruine! Que je ferois infâme à mes propres yeux, fi je manquois cette occafion de facrifier un revenu de 15 mille liv. fterl. pour te fervir, pour te fauver peut-être. Ah! que mercredi (il vouloit dire le premier Décembre) fera long à venir ! Que j'ai de chofes à leur dire, s'ils yeulent m'entendre! Mais ils ne m'écouteront pas, & l'Angleterre eft perdue. Il eft mort le 27, au foir, d'un polype au cœur. Les interprêtes des fonges difent qu'il eft visible que c'est le génie de l'irlande qui eft venu le remercier de la tournée patriotique qu'il venoit de faire dans ce royaume, d'où il arrivoit, & que ce génie eft très-reconnoiffable par fon habit blanc & par l'oifeau qu'il tenoit, fymboles de l'innocence & de la liberté. Chez les Romains, dont les Anglois fe piquent d'être les émules, il y a eu plus d'un exemple de ces apparitions. L'Afrique apparut auffi à Curtius Rufus, pour lui annoncer fon triomphe & fa mort. Le lord Littleton avoit rendu vifite au lord Gower auffi-tôt qu'il avoit eu connoiffance de fa démission. Il comptoit s'attacher au lord Shelburne. L'oppofition entiere déplore la perte d'un homme d'efprit, que fa légéreté avoit entraîné dans bien des erreurs, mais qui, raffafié des futiles plaifirs du monde, commençoit à faire une étude férieufe des intérêts de fon pays, & à déployer fon zele pour la cause de la liberté & de la constitution.

Extrait d'une lettre de Kingston, le 12 Septembre.

« J'ai à vous apprendre qu'il y a environ 5 ou 6 femaines qu'un exprès nous a informés qu'on

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