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ragans qui ont regné à la fin du mois de No-vembre & au commencement de celui-ci. Les marins ont été fur pied nuit & jour; mais, par les précautions qu'on a prifes, la flotte n'a éprouvé que peu de dommage.

Il arrive ici fucceffivement des bâtimens chargés de bois de conftruction, d'agrès & de cordages; tout eft en activité dans les chantiers dans l'arfenal & dans le baffin. Les vaiffeaux le Royal-Louis, de 110 canons, & le Duc de Bourgogne, de 80, feront prêts dans les premiers jours de Janvier prochain; on attend aufli le Magnanime, de Rochefort. Ces trois vaiffeaux & les 3 du comte de Sade porteront notre grande efcadre à 46 vaiffeaux, fans y comprendre ceux qui font fur le chantier ou dans le baffin, tant ici qu'à Rochefort, & qui feront mis en état d'armement avant le printems. Le Sr. Sané, conftructeur de la marine, eft allé, avec quelques pilotes, fonder la baye de Landevenec, dans le fond de la rade. On voudroit y placer pendant l'hivernage les bâtimens de tranfport, afin de dégager notre port, & de le rendre plus commode pour Pentrée & la fortie des vaiffeaux de ligne. Il fera d'ailleurs très-avantageux d'avoir fous la main ces bâtimens de tranfport au premier moment qu'on en aura befoin.

Les forces de terre & de mer deftinées pour les Indes orientales ne tarderont pas à fe met. tre en route. On affure que les troupes de débarquement feront compofées de 15 piquets de 50 hommes chacun, des régimens de Touraine & d'Auftrafie, & du refte de la légion de Lauzun, & que cette petite armée fera commandée par M. Duchemin, brigadier des armées du roi, La divifion des vaiffeaux de guerre, fous les ordres du chevalier de Ternay, fera compofée du Caton, de l'Actionnaire, du Solitaire, de l'In

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dien, tous vaiffeaux de 64 pieces de canons. La fanté du brave M. de Couëdic ne fe point. D puis quelque tems cet officier et tourmenté d'une fievre prefque continue; e qui fait craindre qu'il ne fe foit formé un dépit dans l'intérieur.

ST. MALO (le 5 Décembre.) Vingt-fix bâtimens de tranfport, qui avoient été fretés à Granville pour faire partie de la flotte affemblée ici, partirent le 27 Novembre dernier, à 10 heures du matin, par un très-bon vent, chargés de farines, de bifcuits, d'ancres, de cordages, &c., pour retourner hiverner dans leur port ils étoient convoyés par la gabarre la Guiane de 20, & la Guêpe de 18 canons. A peine étoient-ils à deux lieues du port qu'ils furent pris par le calme, parce qu'ils longerent la côte, craignant quelques coups de vent du large. Vers le foir, les bâtimens chercherent à rentrer en rade la nuit étant venue, on les perdit de vue. Entre minuit & une heure, le vent devint furieux, & tous les bâtimens furent difperfés. Le 28, vers 5 heures du matin, on entendit des cris fur la côte : l'on fut au fecours, & l'on trouva un bâtiment fubmergé entre le Fort-Royal & celui du grand Be. Un autre fut rencontré au fort du Bé prefqu'à terre: deux hommes (le capitaine & un matelot ) s'étoient fauvés le long de la côte on voyoit beaucoup de débris. Un troifieme bâtiment fût trouvé échoué fur des rochers au pied du fort de la cité; & l'on en apperçut plufieurs au large, les uns mouillés, les autres faifant route pour la baye de Cancale. Deux bâtimens & la gabarre la Guiane furent ramenés dans le port par les bateaux qu'on envoya à leur fecours. A la mer baiffante, on trouva beaucoup de débris & 10 hommes noyés.

Les employés des fermes ont rapporté avoir trouvé des chaloupes ou canots fur les fables & beaucoup de mâts, de voiles, de haubans & d'agrès; qu'il y avoit à l'anfe de Guémorcé, à une lieue & demie d'ici, un bâtimentéc houé. Le foir, on aoprit de Cancale, que la Guépe y éti mouée, & que 14 bâtimens, dont deux démâtés & un fubmergé, étoient échoués dans toute l'étendue de l'anfe, fans qu'on fcût encore l'état où ils étoient, & s'ils pourroient s'em tirer.

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On ne reçoit aucunes nouvelles certaines des 23 navires de la flotte de St. Domingue, qui a été difperfée, ni du Fier, l'un des vaiffeaux d'efcorte. Le commandant ayant manqué, ditd'affigner un point de ralliement en cas d'un pareil accident, chacun a fuivi, autant qu'il a pu, la route qui lui a paru la meilleure. Com-' me ils n'avoient des vivres que pour 40 jours tout au plus, il eft à fouhaiter qu'ils aient été rencontrés même par des ennemis. Il est bien malheureux pour le baron d'Harcourt, colon de St. Domingue, d'avoir fur un de ces navires fa femne & fes enfans: elle venoit le joindre pour terminer à Paris une affaire dont dépend leur fortune, & pour laquelle fa présence est abfolument néceffaire.

Extrait d'une lettre de la Rochelle, du 2 Décembre,

Nous recevons de toutes les parties de la cóte les détails, les plus affligeans fur les défaf tres qu'une tempête des plus violentes y a cau fés la nuit du 27 au 28 Novembre. Le même coup de vent qui a fait périr une partie des bâtimens de transport à St. Malo, a difperfé le convoi rassemblé à l'ifle d'Aix: il confiftoit en 36 bátimens, qui ont tous été obligés dans cette nuit

,

orageufe de filer leurs cables, & de chercher à entrer dans la riviere de Rochefort. Sept d'entr'eux, dont trois appartenant au roi, & quatre marchands}, ont fait côte le Lézard, appartenant au Sr. Gradis a touché le Daubenton, & il a coulé bas. On a perdu dans cet ouragan terrible plufieurs matelots, un officier & quelques foldats des troupes du roi. L'on compte que les navires qui y ont refifté, fe feront bientôt raffemblés, & qu'ils feront voile pour leur deflination avec le vaiffeau de guerre le St. Michel, & les frégates la Belle-Poule & la Médée. On n'eft pas fans inquiétude fur le fort de la corvette le Sérin, qui partit le même jour de la rade de Cancale pour aller à Cherbourg avec deux chaloupes canonnieres.

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DU HAVRE ( le 30 Novembre.) Les magafins du roi & ceux de nos négocians n'ayant pas fuffi à contenir la grande quantité de provisions & d'effets de toute efpece qu'on retire des bâtimens de tranfport, on a pris le couvent des capucins pour y fuppléer. Ces navires, fretés ici étoient au nombre de 200, dont la plupart feront rendus à leurs propriétaires & reconduits fous escorte dans les différens ports d'où ils avoient été tirés. Les propriétaires de ceux qui font en défarmement, ont été prévenus que, s'ils laiffent fubfifter les ouvrages faits dans l'intérieur des bâtimens pour les rendre propres à recevoir des troupes, ils peuvent être affurés qu'on employera ces navires par préférence. On en conferve 53 qui avoient été difpofés pour la cavalerie; on croit qu'ils feront envoyés à St. Malo, & l'on dit que, dans le cas d'un embarquement pour l'année prochaine, il fe fera dans ce feul port, comme le plus favorable pour exécuter une defcente avec promptitude. Quelques perfonnes croient même que les bâtimens de

tranfport; ainfi que les troupes, fe rendront à Breft, afin que tout parte enfemble fous la protection de la flotte, fans laiffer à l'ennemi l'occafion d'empêcher la réunion de nos forces de terre & de mer dirigées contre fes ports.

Le 25 de ce mois, il est arrivé ici un capitaine, un lieutenant & un matelot de vaiffeau marchand, qui fe font échappés le 17 du château de Winchester, où, fuivant leur rapport, il y a 5700 prifonniers de guerre. Le jour de leur évafion, ils fe cacherent dans des brouffailles, & pendant la nuit ils fe rendirent à la riviere de Southampton; là ils s'emparerent d'un bateau de pêcheur, à l'aide duquel ils gagnerent le large; ils pafferent, à midi au travers de l'efcadre angloife, mouillée dans les rades de Portsmouth & de Spithéad ils jugerent qu'elle étoit compofée de 45 voiles, y compris les frégates, & ils apperçurent beaucoup de vaiffeaux de tranfport; le 20, à 3 heures, ils arriverent fur nos côtes, fans avoir mangé autre chofe qu'un pain de 6 livres qu'ils avoient trouvé dans le bateau du pêcheur.

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Quatre mille hommes de troupes qui étoient ici font partis pour Nantes, où ils feront logés dans la ville.

On apprend de Cherbourg que le régiment de Waldner fera employé très-utilement cet hiver, principalement à travailler à quelques ouvrages de fortification qui pouront garantir ce port des infultes auxquelles il fut expofé pendant la derniere guerre, & même à le mettre en état, s'il eft poffible. d'y former un port qui feroit extrêmement incommode aux Anglois,

CALAIS (les Décembre.) Il eft entré ce ma. tin dans notre port une caiche angloife de 14 canons de 8 livres avec 50 hommes à bord;

du

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