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vive terreur. M. de Mazza, lieutenant des chaffeurs du régiment de Foix, fe porta auffi-tôt fur les lieux avec un détachement ; des matelots hollandois & fuédois qui fe trouvoient dans cette rade, apporterent auffi les fecours les plus prompts, & la communication du feu avec l'églife des pénitens & avec l'hôtel de la province, fut coupée affez à tems pour arrêter les progrès que l'incendie menaçoit de faire. On évalue la perte à 200 mille liv.

Jean Lamothe, habitant de la paroiffe de Guiche, au pays de Labour, y eft né le 12 Novembre 1677. Ce centenaire eft allé en dernier lieu à Bayonne, ville diftante de cinq lieues de fa demeure, pour y recevoir une gratification que M. Dupré de Saint-Maur, intendant de Guienne, lui avoit deftinée; il n'a d'autre infirmité qu'un peu de foibleffe aux yeux; on attribue fa bonne fanté à la vie laborieufe qu'il a toujours menée, & particulierement à fa fobriété, n'ayant prefque jamais bu de vin; fa mémoire & fa raifon ne font nullement affoiblies, & il eft encore exact à fe rendre à pied aux jours de fête & dimanche à fa paroiffe, dont il eft éloigné d'une demi-lieue; il ne fe rappelle point d'avoir été faigné ni purgé; il a eu ro enfans de fa femme, qui eft morte à l'âge de 88 ans; il ne lui en refte que 3 & 9 petits-fils. Extrait d'une lettre écrite par M. de la Chaife, capitaine au 3me. régiment des chevaux-legers de Pouilly, en garnifon de Charleville, & communiquée à l'auteur de ce Journal par le chevalier Galland, commiffaire provincial des guer

res en la même ville.

Si la charité pouvoit s'effrayer des obftacles qui s'oppofent à fes pieufes intentions, jamais on n'eût ofé tenter de bannir 1 mendicité d'une des villes de France où des privileges féduifans & des circonftances particulieres avoient attiré le plus d'êtres inutiles & malheureux; ce

pendant ce miracle eft accompli: le pafteur de l'unique paroiffe qu'il y ait pour 8 à 9 mille ames, plus rapproché par fes devoirs de ce nombre effrayant d'infortunés, & plus occupé de leur fort, crut enfin découvrir le vrai principe de leur multiplication dans les aumônes qui fe répandoient in diftin&tement fur la pauvreté, fur la pareffe, & même fur le vice. Il s'empreffa de communiquer fes réflexions au chef du corps municipal, à celui de la magiftrature & à deux des principaux citoyens ; ce petit confeil s'étant affuré de la réalité des abus, ne fe fépara point fans en avoir trouvé le remede; on le foumit d'abord à l'examen de chaque famille, & bientôt on convoqua une affemblée générale pour recueillir les fuffrages. Le concours fut immenfe; on propofoit de fupprimer tous ces dons que l'importunité avoit contume d'obtenir à toutes les portes & les églifes; de dépofer dans une bourfe commune ce que chacun feroit infpiré de donner pour le foulagement des triftes victimes des maladies & des années; d'établir des secours réguliers pour cette intéreflante portion de la fociété, des a.t.liers pour l'oifiveté, des loix contre la pareffe. Les articles de ce réglement, que la fageffe elle-même fembloit avoir diés, furent univerfellement applaudis; le fexe, que nous n'appellons foible que parce qu'il eft plus fenfible, l'honora hautement du titre de Journal de bienfaisance, & mérita dès-lors d'être affocié à fon exécution; enfin n'y ayant plus qu'une voix, qu'un defir, qu'une volonté, l'on commença à recevoir les contributions volontaires; il n'y eut pas un feul citoyen qui ne prou vât fa confiance & fa fatisfaction par un acte de générofité; le clergé, la nobleffe, les communautés religieufes, les bourgeois s'emprefferent d'offrir une partie de leur fuperflu; l'artifan, l'ouvrier, l'homme le plus près du be foin, apporta fon offrande, & l'on diftinguoit au milieu d'eux un vieux domeftique qui, n'ayant pour fubfifter que les cinquante écus dont un bon maître a récompenfé fe longs fervices, venoit fupplier, les larmes aux yeux, qu'on voulût bien lui permettre d'être le bienfaiteur de fes freres; vingt traits auffi héroïques m'échappent peutêtre; mais n'en ai-je pas dit affez pour toucher le plus farouche mifan:rope ? La recette fut énorme, en propor tion des fortunės; & le myftere le plus impénétrable voilant les noms & les fommes, chaque habitant fe trou va dans la douce néceffité d'eftimer davantage fon voifin, parce qu'il lui foupçonnoit plus d'humanité; délicieux ef. fet d'une feule verti qui en appelle mille autres, & qui releve l'état du riche en confolant, en foulageant la mi

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tere du pauvre! On connoiffoit les befoins, on portale fecours; mais la plus exacte juftice dirigeoit alors les diftri butions; l'enfant trop foible, le malade, le vieillard recevoient une fubfiftance honnête, un habillement commode. & les petits meubles de premiere néceffité; tout le refte fut invité au travail. La préparation des laines, des filatures, des fabriques d'étoffes grollieres en offroient prefque à tous les ages, à toutes les forces; l'ouvrage fut taxé au plus haut prix du commerce, & le travailleur avoit en fus un logement, quelques avances, & la confolante certitude de ne manquer de rien, fi la vieilleffe & les in firmités venoient le forcer au repos. Le fond de cette caiffe inépuifable fupplée à tous les objets, & jufques-là, pas la moindre contrainte, pas la moindre gêne; il n'exifte d'ordre que contre le fainéant avili qu'on furprendroit à mendier; celui-là feroit chaffé de la ville fans miféricorde, & pani de 15 jours ou d'un mois de prifon, s'il ofo.t y rentrer & tourmenter encore les paffans de fes cris étudiés & de fa prétendue mifere. Depuis deux ans que ce merveilleux établiffement fubfifte, l'on n'a pas remarqué le plus léger inconvénient, & l'on peut allurer que dans cette partie des domaines d'un grand prince (*), que l'orphelin bénit, que le foldat chante; il n'y a pas un pauvre qui ne foit für de fon dîner, pas un bras qui ne foit employé; & peut-être faut-il qu'un étranger vienne témoigner fa furprife & fon admiration, pour appren 'dre aux heureux imitateurs du curé de St. Sulpice qu'il y a quelque mérite dans cet e administration,

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Quelque vertu qu'il y ait dans la capitale du royaume, il feroit difficile qu'elle balançât celle qu'on trouve dans le fond de nos provinces ; c'eft dans fes terres que le comte de Thelis a fait pendant 6 ans, aux dépens de fa fanté,l'effai de fon école nationale, qui peut faire une époque fi honorable dans notre hiftoire ; c'eft à l'une des extrémités du royaume que fe réalife modeftement l'abolition de la mendicité, que bien des philofophes regardent encore comme un problême, &c.

Les numéros fortis au tirage de la loterie royale de France, du 16 Décembre, font: 70, 27, 90, 64, 18.

(*) Douze orphelins font nourris, élevés & placés chez des maitres, pour apprendre un métier de leur goût, par la munificence de ce prince,

BREST (le 10 Décembre.) Le vaiseau du roi le Languedoc, de 90 canons, monté par le comte d'Estaing, vice-amiral de France, a mouillé le 7 de ce mois, dans la rade de ce port. Il étoit parti de l'entrée de la riviere de Savannah, à la cote de la Georgie, le 28 du mois d'Octobre.

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On a appris que le comte d'Eftaing, pendant le féjour de l'efcadre du roi fur cette cóte, a fait contre la ville de Savannah une tentative qui n'a pas réuffi, & dont on ignore encore les dé tails. On fçait que l'efcadre s'eft emparée du vaiffeau de S. M. Brit. l'Experiment, de so canons, doublé en cuivre, commandé par le capitaine Wallace, & ayant à bord 650 mille liv. en argent; de la frégate l'Ariel, doublée en cuivre de 20 canons de neuf en batterie, & 6 de qua tre fur les gaillards; de trois bâtimens de tranfport qui naviguoient fous l'efcorte de l'Experiment, ainfi que d'un navire marchand richement chargé, & de plufieurs goëlettes & autres bâtimens d'un rang inférieur. Les ennemis ont coulé bas, dans la riviere de Sanvannah, la frégate de S. M. Brit. la Rofe, de 26 canons & un affez grand nombre de navires marchands, pour empêcher que ces bâtimens ne tombaffent au pou voir de l'efcadre du roi.

Quelques jours avant que le vaiffeau le Languedoc mouillât en cette rade, on voyoit ici l'extrait fuivant de la lettre d'un membre du congrès, écrite à Philadelphie le 27 Septembre:

Hier, nous reçûmes des informations d'office que le comte d'Efting étoit arrivé, le g du courant, avec une flotte confi térable, dans la riviere de Savannah, dans la vue de porter un coup décifif aux forces britanniques en Georgie. Le général Lincoln, avec les troupes fous fes ordres, s'avance de l'intérieur du pays; & leurs opérations combinées produiront, j'efpere, quelque cko

fe en notre faveur, en forçant l'ennemi à rifquer une adion ou à évacuer la Georgie & la Caroline méridionale. Dans le premier cas, les troupes de terre à bord de la flotte de M. d'Eftaing étant jointes à celles du général Lincoln, feront un effort de conféquence. Si l'autre alternative a lieu, l'ennemi trouvera beaucoup de rifque & de difficultés à effectuer fa retraite vers St. Auguftin ou Penfacola, ou même à pénétrer jufqu'à la Floride. Les dépêches dont je viens de parler ont été envoyées immédiatement après l'arrivée du comte, deforte qu'on n'a jufqu'ici aucun avis de fes opérations. Il eft à espérer qu'on fera dans le pays des efforts fi propres à feconder les intentions de ce commandant, que l'ennemi en fera inceffamment expulfé.

Les troupes de terre font entrées dans leurs quartiers d'hiver, & font diftribuées de maniere à être raffemblées en très-peu de tems, files circonftances venoient à l'exiger. Les officiersgénéraux font partis, ainfi que les officiers particuliers; mais les femeftres qui ont été donnés à ceux-ci, font fans termes fixes. A l'égard de l'armée navale, elle eft toujours en rade, prête à appareiller, & elle gardera cette ftation pendant tout l'hiver. On a eu la précaution de laiffer un certain nombre de bœufs fur chaque vaiffeau, pour être employés à la nourriture de l'armée en cas d'une fortie fubite. Les 25 plus anciens matelots de chaque vaiffeau ont été congédiés, avec 3 mois de paie & 5 fols par lieue jufqu'à leurs domiciles refpectifs; il leur eft enjoint de fe représenter au premier ordre. Ceux qui avoient été malades ont repris leur fervice à bord des vaiffeaux; les hôpitaux fe vuident de jour en jour, & il n'y a pas actuellement plus de 400 malades. les ou

Plufieurs vaiffeaux ont pris chaffe par

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