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Les efforts que la France a déployés dès le commencement de la guerre préfente, & le fuccès avec lequel elle a lutté pour la liberté des mers contre une puiffance accoûtumée à y regner, ont caufé l'étonnement de la partie éclairée de l'Europe: elle n'a pu refufer fon admiration au miniftre qui a créé dans quatre ans la marine la plus formidable que ce royaume ait eue depuis un fiecle: mais elle n'a pas manqué de réfléchir en même tems fur l'immenfité des reffources néceffaires pour fuffire à des dépenfes auffi exceffives, & fur les talens de l'adminiftrateur qui a fçu les mettre en œuvre fans avoir recours à aucun impôt fur le peuple. L'événement a prouvé ainfi toute l'étendue du fervice qu'il a rendu au roi & à la nation, en travaillant à rétablir dans les finances l'ordre & l'économie, feul moyen de faire reprendre à la France cette vigueur qu'elle avoit perdue par les prodigalités & les défordres de deux longs regnes fucceffifs. M. Necker poursuit avec une alfiduité conftante l'exécution du plan qu'il a formé dans ces vues efficaces pour la profpérité nationale. La déclaration & l'édit du roi dont on a rendu compte, en font de nouvelles preuves.

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Dès le moment de la publication de cet édit, l'affluence a été telle au tréfor royal, que, le 3 Décembre, on y avoit déjà reçu 30 millions. M. Necker, qui s'attendoit avec raifon à cet empreffement, avoit prévenu les notaires & le fyndic des agens de change, que, l'emprunt étant rempli, aucune confidération n'y pourroit faire recevoir d'autres fommes au-delà de celle dont les intérêts monteroient à 5 millions.

Les politiques confiderent donc avec une fearette fatisfaction, que, pendant que des impôts

de toute efpece fatiguent nos ennemis, & leur rendent plus difficiles les moyens de continuer une guerre ruineufe en tout tems pour eux, l'ordre & l'économie introduits dans toutes les parties de l'adminiftration chez nous, empêchent les hoftilités d'être pénibles pour le citoyen & l'agriculteur. Au milieu des diffentions qui regnent dans les deux mondes, la France voit fon crédit & fes finances dans le meilleur état & s'il fe fait des vœux pour le retour de la paix, ces vœux ne font point l'ouvrage des calamités de la guerre. On n'entend plus les plaintes de nos armateurs partout protégés & foutenus, le commerce maritime reprend une nouvelle vie & fans avoir couru les dangers d'une bataille navale la marine à fait au royaume tout le bien qu'il attendoit d'elle.

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Si, d'un côté, l'administration extérieure a veillé de près à tous les mouvemens de nos ennemis, fi elle leur a enlevé tous leurs alliés, fi elle les a conduits à une ruine inévitable; de l'autre celle de l'intérieur ne s'eft occupée que du foin de fe perfectionner, & d'épargner au royaume le fléau des nouvelles impofitions; enfin, les tems propices de la paix ont vu moins éclore de réglemens utiles & économiques, que les deux dernieres années de guerre.

On parle de la prochaine retraite de M. Bertin, miniftre & fecrétaire d'état, avec une penfion proportionnée à fes longs fervices: fon département, créé par le feu roi, rentreroit, en ce cas, dans ceux du prince de Montbarrey & de M. Amelot: la partie des finances feroit réunie fous l'administration de M. Necker, & l'infpection de la manufacture des porcelaines de Saxe Teroit confiée au comte d'Angiviller, directeurgénéral des bâtimens.

Le roi a accordé à M. de Montmorency-La

val, évêque de Metz, fa promeffe du chapeau de cardinal pour la premiere nomination de ceux des couronnes. Lorfque M. de Metz jouira de l'effet de cette défignation, qui tarde fouvent plufieurs années à être remplie, on croit qu'il s'appellera cardinal de Montmorency. On remarque, à cette occafion que cette illuftre maison, qui a rempli tant de fois les premieres dignités de la monarchie, n'a pas encore eu la décora tion de la pourpre, étant tellement dévouée à l'état militaire, que depuis fes connétables M. de Metz eft le fecond évêque qu'elle ait produit.

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M. de Manfecourt, tréforier du prince de Conti, étant allé dernierement visiter sa caiffe, trouva les facs garnis de cloux & d'autres matieres pefantes & au-deffus quelques écus; il apprit que le caiffier étoit abfent depuis deux jours. Dans le premier trouble où le jetta cette trifte découverte, il fe tranfporta à l'hôtel du prince, pour lui annoncer cet événement. S. A. S. lui répondit fur le champ: « Vous n'êtes pas coupable d'une action fi infame; je vous

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nois, & il vous eft inutile de vous juftifier devant moi. Cette perte vous ruineroit, & ne fera que me gêner; ainfi je veux la fupporter »>. L'honnête tréforier ajouta que ce vol ayant été commis par le caiffier qui étoit à fon fervice il devoit en être refponfable; mais le prince fut inflexible. Tout le public applaudit à une action fi généreufe. La police fait rechercher le caiffier fugitif, qui vient d'être aarêté. On inftruit fon procès au baillage du Temple.

Le confeil des prifes, tenu le 24 Novembre dernier, a arrêté d'après les procès-verbaux, le total des prifes faites à cette époque par les vaiffeaux du roi & les armateurs particuliers, à 417. Les Anglois auroient à cet égard une grande fupériorité fur nous & fur les Espagnols, fi l'on

pouvoit s'en rapporter aux liftes de leurs captures, dont les différens papiers de Londres font remplis. On y forge à plaifir des noms de vaiffeaux & de capitaines qui n'ont jamaisexifté. Il n'eft pas étonnant qu'ils fe livrent à des impoftures de ce genre, après avoir annoncé la prétendue prise de la Belle-Poule.

On apprend par la voie d'Amfterdam que M. de Langan, commandant la frégate du roi l'Amphitrite, a conduit au Fort-Royal de la Martinique la frégate angloife le Sphinx, de 22 canons, avec un brigantin; ces deux bâtimens fortoient de Ste. Lucie, de conferve avec une corvette angloife qui a échappé à l'Amphitrite, à la faveur d'un bon vent, & de la légereté de fa marche.

Le capitaine Royer, ce corfaire fi fameux par divers combats dans lefquels il s'eft fignalé par une rare valeur, eft venu paffer quelques jours dans cette capitale. Il a reçu du roi le grade de capitaine de frégate. Dans tous les fpectacles où il a paru, le public lui a prodigué les applaudiffemens les plus flatteurs.

Les traits de bienfaifance & d'humanité, quelle qu'en foit l'époque, ont toujours le charme de la nouveauté pour les cœurs fenfibles. Nous veons feulement d'apprendre qu'il y a environ un an, M. de Calonne, intendant de Flandres étant informé que des fievres opiniâtres réduifoient à l'état le plus déplorable une partie des habitans de Gravelines , envoya M. Merlin médecin de Lille, pour s'oppofer aux progrès de cette espece d'épidémie; cette attention fut fuivie d'une fomme de 1200 liv., destinée à secourir les plus indigens. Nous remercions M. C. de nous avoir communiqué ce fait, que la modestie du bienfaiteur cherchoit à cacher au public.

L'académie royale des infcriptions & belleslettres, dans fon affemblée du 30 Novembre

dernier, a élu M. de Chabanon académicien-penfionnaire, à la place vacante par la mort de M. de Foncemagne.

L'académie royale des fciences, dans fon affemblée du 4 Décembre, a élu l'abbé Boffut pour remplir la place de penfionnaire - géometre, vacante par la port du comte d'Arcy; & M. Bezout, comme penfionnaire furnuméraire dans la claffe de la mécanique.

On raconte ici l'anecdote fuivante. « Un sçavant naturaliste qui vouloit faire un gros ouvrage fur les fourmis, & des expériences fur ces infectes, avoit chargé une femme de lui en apporter une grande quantité: celle-ci étant parvenue à en ramaffer une grande boîte les apporta, & demanda un louis pour fon falaire. Le naturalifte fe récria beaucoup fur la cherté de cette denrée, & s'obftina à n'en vouloir donner qu'un écu de trois liv.: alors la femme, piquée, prit le parti de femer fa marchandise dans l'appartement du fçavant, d'où les fourmis fe font répandues dans toute la maifon. Le propriétaire, incommodé d'une maniere auffi étrange que nouvelle, a obligé le naturalifte de figner une promeffe ou de déménager fur le champ, ou de raffembler toutes les fourmis éparfes dans fa maifon. Depuis un mois ce dernier travaille fans relâche à la collection précieufe de ces fourmis & il commence, dit-on, à croire que la marchande ne l'avoit pas furfait par le louis qu'elle demandoit ».

On écrit du port de Cette, en date du 19 Novembre, qu'à 10 heures du foir, on y éprouva les plus grandes allarmes par l'incendie qui éclata à la manufature royale du tabac de cette ville du Languedo:. Comme le vent dirigeoit fur la ville, & la fumée & les flammeches qu'elle enveloppoit, on fut dans la plus

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