en avoit pris l'engagement. J'ai vû avec peine que par sa Note du 8 Août, ce Ministre ait avoué qu'aucune mesure n'avoit été prise pour le renouvellement de ce fonds, et qu'il ait annoncé qu'il ne pouvoit en être créé un nouveau sans l'intervention des Autorités Législatives, dans une Session dont l'époque n'est pas même encore déterminée. Peu de jours après, M. le Comte de Caraman, Ministre de Sa Majesté Très Chrétienne près la Cour Impériale d'Autriche, en passant par Carlsbad où je me trouvois, m'informa que M. le Duc de Richelieu l'avoit chargé de m'exposer la sévérité des circonstances où il se trouvoit placé, par suite des obligations que les Traités ont imposées à la France, et dont la masse lui paroissoit hors de proportion avec les ressources de cet Etat. Il me représenta la nécessité de mettre un terme à la masse toujours croissante des demandes présentées à la liquidation, et dont le montant surpassoit de beaucoup les 3,500,000 francs de rentes auxquels le Traité du 20 Novembre, 1815, avoit évalué, par aperçu, la totalité de cette dette, et les 2,000,000 du fonds supplementaire établi par une Loi du mois de Décembre, 1815. Il me fit connoître l'embarras où se trouvoit le Ministère du Roi de France, d'être dans le cas de demander, à la Session prochaine des Chambres, de nouveaux sacrifices pour assurer l'emprunt qui pourra seul acquitter la contribution de guerre et les frais d'entretien de l'Armée d'Occupation, toutes les ressources ordinaires de la France se trouvant épuisées. Il m'exposa son appréhension, que la proposition de créer de nouvelles charges pour continuer les liquidations, sans qu'on indiquât en même temps le terme des réclamations, ne produisît dans les Chambres un éclat facheux dont on ne pouvoit prévoir les conséquences, et dans la Nation Françoise une exaspération, dont les résultats pourroient compromettre la tranquillité de l'Europe. En conséquence, le Ministre de Sa Majesté Très Chrétienne proposa que les Puissances Alliées fixassent la somme qu'elles croiroient possible de demander encore à la France, pour les prétentions de leurs Sujets, et que, pour parvenir à ce but aussi promptement que possible, elles autorisassent leurs Ministres à Paris à se réunir pour présenter un travail sur cette grande question, la généraliser et déterminer ce qu'ils croyoient possible et prudent de demander encore à la France, afin que ces Propositions pussent servir de base aux Ouvertures que le Roi sera dans le cas de faire aux Chambres à la première Session. Vous ne manquerez pas d'observer, M. le Comte, que quelques unes des considérations sur lesquelles cette ouverture de M. le Duc de Richelieu se fonde, ne sauroient être admises sans restriction. La masse des réclamations à la charge de la France a cessé de croître depuis l'arrivée du terme fatal que les Traités avoient fixé pour l'époque de leur présentation; il est même probable, que l'approche de ce terme aura engagé les Commissaires Liquidateurs de quelques Gouvernemens à faire inscrire des réclamations dont le temps ne leur aura pas permis de scruter la légitimité. Si l'Article XX de la Convention du 20 Novembre, 1815, a borné à 3,500,000 le montant du premier fonds de garantie, ce ne fut pas que l'on supposât alors cette valeur à la masse des réclamations; on s'arrêta à cette somme pour suivre l'analogie de la Convention Particulière conclue à cette époque entre la Grande Bretagne et la France, et dont l'Article IX fixe à 3,500,000 le premier fonds destiné au payement des seules créances des Sujets Britanniques; mais on eut soin de stipuler que ce fonds primitif seroit successivement suppléé et renouvelé. Les Puissances Alliées n'avoient aucune base pour établir un aperçu de la Dette de la France; et celleci ne peut jamais l'avoir estimée à 3,500,000, puisqu'elle ne pouvoit pas ignorer que les seuls cautionnemens, dépôts et consignations versés dans ses Caisses par les Sujets des Puissances Alliées passoient la somme de 4,000,000 de rentes. Si l'on compare les efforts et les sacrifices auxquels plusieurs parmi les Puissances Alliées ont été obligées de se soumettre pour satisfaire aux prétentions de l'ancien Gouvernement François, aux charges que les derniers Traités ont imposées à la France; si l'on envisage la différence des ressources de ces Gouvernemens avec celles dont la France peut disposer, on a de la peine à se convaincre que tous les moyens aient été employés par celleci pour remplir ses engagemens; et l'on est tenté de croire, qu'indépendamment de quelques ressources qui se présentent tout naturellement, de nouvelles extensions données à l'économie, fourniroient au Gouvernement François des moyens dont il ne balancera pas de faire usage pour satisfaire à des obligations que les Traités lui ont moins imposées qu'après une discussion solemnelle ils ne les ont reconnues. vrai que le Gouvernement François craint que des propositions successives de charges pour la continuation indéfinie de liquidations sans bornes, ne puissent produire dans les Chambres un éclat facheux, cette appréhension devroit plutôt le stimuler à faire accélérer le travail de ces liquidations, au lieu que ses Agens employent tous les moyens pour en prolonger le terme. Parmi les raisons qui doivent motiver la nécessité d'une diminution des charges de la France, le Gouvernement de ce Pays allégue le mécontentement que ce fardeau peut causer à ses Sujets. En admettant cette considération, les Puissances Alliées ont bien plus de droit à faire valoir auprès de la France des motifs de ce genre, puisqu'il ne s'agit pas de moins que de dépouiller des Sujets en partie nouvellement acquis d'une propriété, que les Traités ont sanctionné, et qui déjà souffert, par la Convention du 20 Novembre, des réductions auxquelles les Peuples se sont soumis, dans l'espérance d'assurer par ce sacrifice la possession de ce que cette Convention leur avoit adjugé. S'il est Sa Majesté, à laquelle j'ai soumis la proposition du Gouvernement François, de fixer par aperçu une somme pour le montant des Réclamations Particulières, se trouve placée dans un embarras pénible entre son désir sincère de contribuer au soulagement de la France, ainsi qu'à tout ce qui peut tendre au bien-être d'un Etat auquel elle est unie par les liens d'une véritable amitié, et les devoirs que lui imposent tant la situation de ses Sujets, que les engagemens qu'elle a contractés envers l'Europe entière. Ce seroit détruire la confiance que la parole du Roi a inspirés à ses Sujets; ce seroit trahir celles des Puissances qui ont accédé aux Traités de Paris, que de consentir qu'il fût porté atteinte à des engagemens qui ont obtenu une garantie si solemnelle. Le Roi peut aussi peu dépouiller de leurs droits acquis, les Sujets de ses Alliés, qu'il est en son pouvoir de transiger de la propriété des siens. La justice et la prudence le lui interdisent également. Si quelque chose a concilié l'opinion publique aux derniers Traités de Paris, ce fut le soin qui prirent les Gouvernemens à stipuler moins leurs propres intérêts que ceux de leurs Peuples, et à exercer une justice qu'on avoit quelquefois perdue de vue dans les transactions précédentes. Et l'on voudroit aujourd'hui que, détruisant leur ouvrage, les Puissances Alliées renonçassent à la seule stipulation que leurs Sujets ont regardée jusqu'à présent comme la compensation de leurs souffrances, stipulation qui leur a fait bénir la sollicitude paternelle de leurs Souverains. Indépendamment de ces considérations générales, qui ne permettent pas au Roi, notre auguste Maître, d'accueillir les Ouvertures du Gouvernement François, il existe plusieurs motifs secondaires qui s'opposent à l'acceptation d'une somme en bloc pour les réclamations particulières. De quel principe partiroit-on pour la fixer, puisque ce n'est que par une liquidation formelle qu'on peut établir une proportion entre les prétentions qui sont fondées et celles qui doivent étre rejetées? Quelle base suivroit-on pour la répartition de la somme entre les Gouvernemens, dont quelques uns ont soumis à un examen sévère les réclamations formées par leurs Sujets, tandisque d'autres peuvent en avoir fait présenter qui n'ont pas été l'objet d'un triage rigoureux? Comment parviendroit-on à établir une espèce d'équilibre entre les Réclamans qui ont été liquidés conformément au Traité, et ceux qui, ayant les mêmes titres, seroient exposés à une nouvelle diminution absolument arbitraire? Enfin, par quel moyen arrangeroit-on les difficultés sans nombre qui s'éléveroient entre les Titulaires originaires, qui, se confiant à la sainteté des Traités, et voulant anticiper leur jouissance, ont transigé de leurs réclamations et les Cessionnaires auxquels ils les ont transférées ? Tous ces notifs réunis ont paru à Sa Majesté d'une telle force, qu'elle s'est convaincue qu'il ne lui est pas possible de renoncer à aucune des stipulations de la Convention du 20 Novembre, 1815, relative aux réclamations particulières. Elle m'a ordonné au contraire d'insister, auprès du Gouvernement François, pour que non seulement cette Convention soit exécutée avec une plus grande activité que par le passé, mais qu'aussi les Agens du Gouvernement François soient instruits à porter à cette exécution, cette justice et cette impartialité qui doivent présider à des opérations de ce genre. Toutefois le Roi, qui voit dans la prospérité de la France un des moyens qui doivent assurer la tranquillité Européenne, est bien loin de vouloir imposer à cette Puissance un fardeau qui seroit audessus de ses forces. Sa Majesté est disposer à lui accorder tel soulagement que sa situation pourroit exiger, pourvûque la nécessité en fût constatée et qu'il ne tombât pas à la charge des Sujets des Puissances Alliées, Créanciers de la France. Mais pour que cette nécessité soit reconnue, il est urgent qu'on ait sur le montant de la Dette à liquider des notions plus justes que celles qu'on a acquises jusqu'à présent, et qu'on ait une base plus exacte que celle qu'offre la masse des sommes présentées par les divers Commissaires. Ce n'est que muni de ces données, que le Gouvernement François pourra examiner lui-même, si ses forces suffisent à la fois pour payer une dette sacrée et irrémissible, et pour satisfaire aux autres obligations qu'il a contractées. Connoissant d'un coté ses charges, et de l'autre ses ressources, il pourra établir la balance entre les unes et les autres, et faire aux Puissances Alliées les propositions que la situation de ses Finances semblera exiger. Il est donc indispensable, qu'avant tous les travaux de la liquidation, suspendus par les incidens qu'on a fait naître, soient repris et activés, afin qu'on puisse espérer d'en voir le résultat avant l'époque où le Gouvernement François croira devoir demander aux Puissances Alliées un soulagement quelconque dans l'exécution des conditions des divers Traités et Arrangemens convenus. Ces Puissances ne pourront néanmoins regarder comme satisfaisant un simple Ordre, donné par le Gouvernement François à ses Agens, de recommencer et d'activer la liquidation. Une funeste expérience a démontré qu'une pareille injonction seroit illusoire, aussi long-temps que ces Agens trouveront moyen de l'éluder, en suscitant une foule de difficultés et en donnant aux termes des Traités un sens que l'esprit de conciliation et la bonne foi qui ont présidé aux Négociations de 1815, réprouvent. Ces entraves doivent être écartées; cette manière d'interpréter la Convention doit être interdite aux Personnes qui ont été appelées pour l'exécuter. Si jusqu'à présent le Gouvernement François a crû trouver quelque avantage à trainer la liquidation en longueur, aujourd'hui son intérêt, d'accord avec la justice, lui commande de l'accélérer pour arriver promptement au point où il pourra, avec quelque espoir de succès, demander le soulagement auquel la masse connue de ses charges pourroit engager les Puissances à consentir. Après avoir fait connoître au Gouvernement François les dispositions bienveillantes du Roi, dont la présente Instruction renferme une nouvelle preuve, et qui, sans doute, seront partagées parles Cours d'Autriche, de Grande Bretagneet de Russie, auxquelles ces Instructions vont être communiquées, vous vous réunirez, M. le Comte, à vos Collégues, les Ministres de ces Cours près Sa Majesté Très Chrétienne, pour demander au Gouvernement François : 1. Qu'il renonce pour le présent à toute tentative de modifier, ou faire modifier, les Stipulations de la Convention du 20 Novembre, 1815, ayant pour objet les Prétentions Particulières : 2. Que pour les Réclamations liquidées et portées sur les derniers Bordereaux, il exécute l'Article XVIII de la Convention, de la manière dont il a été entendu et exécuté jusqu'au mois de Mai dernier, sauf à convenir pour l'avenir d'un soulagement en faveur de la France, dans le cas où celle-ci feroit achever le travail de la liquidation dans un délai déterminé : 3. Que le Gouvernement François reconnoisse les 20 points détaillés dans le Mémoire joint à ces Instructions, fondés dans les Traités, comme ils le sont en effet, et enjoigne à ces Agens de s'y conformer: 4. Qu'il prenne l'engagement de donner à ses Commissaires Liquidateurs des instructions et une organisation telles que tout le travail de la Liquidation puisse être terminé dans l'espace de 6 mois, afin que, connoissant à cette époque avec exactitude le montant des Liquidations vérifiées, on puisse délibérer sur la nécessité et la nature d'un soulagement à lui accorder : 5. Que, pour donner une preuve de son respect pour les Traités, il fasse verser entre les mains des Commissaires Dépositaires un nouveau fonds de garantie en inscriptions sur le Grand Livre de la Dette Publique, lequel néanmoins ne sera pas immédiatement employé au payement des Réclamations liquidées, mais sera provisoirement administré parles dits Commissaires au profit des Créanciers, conformément à ce qui est dit à l'Article XX de la Convention, pour la répartition qui doit être faite à l'époque où toute la Liquidation sera terminée. Telles sont, Monsieur le Comte, les seules Modifications qui le Roi, notre Maître, regarde comme compatibles avec les Garanties solemnelles que les Traités du 20 Novembre, 1815, accordent, tant à ses Sujets qu'à ceux des autres Puissances qui ont participé à ces Traités, ou qui y ont accédé. Je me flatte que le Gouvernement François y verra une preuve du désir de Sa Majesté de concilier ce qu'Elle doit à ses Peuples avec les égards qu'exige la situation de la France dont la prospérité, si nécessaire au maintien du systême politique de l'Europe, est le pre. mier voeu que forme Sa Majesté après celui du bien-être de ses Sujets. M. le Comte de Goltz. JORDAN. (Annexe.)-MEMOIRE pour accompagner les Instructions pour M. le Comte de Goltz. DEPUIS l'origine de la liquidation il a été élevé, de la part des Commissaires Liquidateurs de la France, des difficultés fondées sur une |