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Robespierre développe cette accusation, en faisant des rapprochements entre le manifeste de Léopold et la lettre de La Fayette à l'Assemblée; il dénonce le général comme l'instrument des ennemis de la révolution; il donne incidemment son opinion sur le 20 juin :

Le moment était enfin arrivé où cette couspiration générale devait éclater. Pour s'élancer dans sa carrière criminelle, La Fayette n'attendait plus qu'une occasion favorable à ses vues. Il fallait un prétexte pour pallier une démarche audacieuse qui le prononçât comme le chef du parti de la cour. Il s'est appliqué à le faire naître, et il prétend l'avoir trouvé dans les événements du 20 juin. Je puis m'expliquer librement sur ce rassemblement, j'ai assez prouvé mon opposition à cette démarche, par des faits aussi publics que multipliés. Je l'ai regardée comme impolitique et sujette à de graves inconvénients. Je n'ai pas besoin de dire que l'extravagance aristocratique a pu seule concevoir l'idée de la présenter comme un crime po pulaire, comme un attentat contre la liberté et contre les droits du peuple. Ce qu'il importe d'observer ici, ce qui est démontré à mes yeux et à ceux de quiconque connaît ce qui s'est passé; c'est que la cour et La Fayette ont fait tout ce qui était en eux pour la provoquer, pour la favoriser, en paraissant l'improuver; c'est que ce dessein est trop clairement indiqué par l'étrange affectation avec laquelle ils cherchèrent, dans les jours qui le précédèrent, et où il était déjà annoncé, à braver l'opinion publique et à lasser la patience des citoyens, par des actes aussi contraires à la sûreté de l'État qu'aux intérêts de la liberté; c'est que les lettres de La Fayette à l'Assemblée nationale et au roi ont été combinées avec l'époque de cet événement prévu. Sans doute, il avait pensé, comme tous ses complices, que quelque pures, quelque légitimes que fussent les intentions du peuple, un grand rassemblement pourrait produire quelque crime individuel qui pourrait servir de prétexte pour le calomnier et pour décrier ou persécuter les amis de la liberté. La vertu populaire et la raison publique déconcertèrent ses projets et les efforts même de ses émissaires. Mais il n'en poursuit pas moins le dessein qu'il avait formé de fonder sur cet événement une espèce de manifeste royal et autrichien pour colorer la révolte qu'il méditait contre la souve neté nationale...

» Pour oser déclarer la guerre à sa patrie, il fallait qu'il eût l'air de ne point attaquer la nation: mais un troisième parti, qui n'étai

point celui de la cour et de l'aristocratie, et qui, cependant serait présumé ennemi de la liberté et de la constitution : La Fayette a donc présenté les patriotes, le peuple, tout ce qui n'est point sa faction, comme une secte particulière qu'il a appelée, qu'il a fait appeler par tous les écrivains qu'il soudoie, tantôt républicaine, tantôt jacobine, à laquelle il impnte tous les maux qu'il a causés, tous les crimes de la cour et de l'aristocratie..... C'est sous ce nom qu'il prétend accabler le peuple, avec le nom du roi, avec les forces de la cour, de la noblesse, des prêtres séditieux, des puissances étrangères, et de tous les citoyens pervers ou stupides qu'il pourra égarer ou attacher à sa fortune. On voit qu'en cela il s'accorde encore parfaitement avec nos ennemis extérieurs qui, pour ne point paraître combattre la volonté de la nation, pour ménager en même temps l'opinion de leurs propres sujets, déclarent qu'ils ne prennent les armes que contre cette même faction jacobine à qui ils supposent le pouvoir de maîtriser le peuple français... Voilà toute la politique de ce héros... Eh bien! qu'il comble enfin la mesure de ses crimes; qu'il passe le Rubicon' comme César (1), ou plutôt que, comme Octave, à qui il ressemble beaucoup mieux, aux talents près, il se cache au fond de cale, tandis qu'on donnera la bataille d'Actium........... Citoyen ingrat et parjure, hypocrite et vil conspirateur, que tout le sang pui coulera retombe sur ta tête sacrilége. Tu as dit dans la lettre à l'Assemblée, en parlant de tes complices: Je déclare que la nation française, si elle n'est point la plus vile de l'univers, peut et doit résister à la coalition des rois. Et moi, je dis que si le plus dangereux de ses ennemis et le plus coupable de tous les traitres n'est pas bientôt exemplairement puni, nous sommes en effet la plus vile nation de l'univers, ou du moins nos représentants sont les plus lâches de tous les hommes. »

SUR PETION (p. 68.)

Robespierre, comme on a pu le voir, avait été très-lié avec Pétion ce fut ce dernier qui provoqua la rupture, en intervenant pour prendre sa défense contre les accusations de Rebecqui et de Louvet: « Le caractère de Robespierre, dit Pétion, explique ce qu'il

1. On assure que, plusieurs années avant la révolution, les plaisants de ia cour lui avait donné le nom de Gilles-César. (Note de Robespierre.)

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a fait Robespierre est extrêmement ombrageux et défiant; il aperçoit partout des complots, des trahisons, des précipices. Son > tempérament bilieux, son imagination atrabilaire, lui présentent > tous les objets sous de sombres couleurs; impérieux dans son avis, » n'écoutant que lui, ne supportant pas la contrariété, ne pardonnant jamais à celui qui a pu blesser son amour-propre, et ne re> connaissant jamais ses torts; dénonçant avec légèreté et s'irritant » du plus léger soupçon; croyant toujours qu'on s'occupe de lui, et › pour le persécuter; vantant ses services et parlant de lui avec peu » deréserve; ne connaissant point les convenances, et nuisant par cela » même aux causes qu'il défend; voulant par-dessus tout les faveurs > du peuple; lui faisant sans cesse la cour et cherchant avec affectation ses applaudissements; c'est là, c'est surtout cette dernière » faiblesse, qui, perçant dans les actes de la vie publique, a pu faire » croire que Robespierre aspirait à de hautes destinées, et qu'il voulait usurper le pouvoir dictatorial. »

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Robespierre ne sut aucun gré à Pétion de sa bonne intention, et il fut piqué au vif par cette façon de le justifier. Dans ses Lettres à ses commettants et à la tribune de la Convention et des Jacobins, toutes les fois que l'occasion s'en présentait, il prit désormais Pétion, qu'il aple roi Jérôme Pétion, pour plastron des railleries les plus

pelait amères.

SUR ANACHARSIS CLOOTZ (p. 427).

Robespierre était sujet à ces retours d'appréciation sur les hommes. C'est ainsi qu'en dénonçant Anacharsis Clootz aux Jacobins, le 12 décembre 1793, il formula notamment ce grief contre lui : « L'amour» propre lui fit publier un pamphlet intitulé: Ni Marat, ni Roland. Il y donnait un soufflet à ce dernier, mais il en donnait un plus » grand à la Montagne.

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Or, voici en quels termes, dans sa 6e Lettre à ses commettants, Robespierre avait apprécié ce pamphlet de Clootz: Il me tombe dans > ce moment entre les mains une brochure d'Anacharsis Clootz, » intitulée : Ni Marat, ni Roland. A deux ou trois idées près, peut» être, qui m'ont paru manquer de justesse, cette production, écrite > d'un style piquant et original, est pleine de goût et de philosophie. › Anacharsis trace avec tant de vérité la nullité ridicule de quelques > hommes qui ont enrayé le char de la révolution, que je me repro

» cherais le ton sérieux avec, lequel je les ai quelquefois attaqués, » si je ne me rappelais une maxime que j'ai déjà appliquée à La Fayette; c'est que, s'il faut du génie pour faire le bien public, il » ne faut que des vices et de l'astuce pour l'empêcher. Au reste, je « m'unis à lui pour crier: Vive la liberté universelle ! »

COMMENT LES JACOBINS ACCUEILLIRENT LA CHUTE

DE ROBESPIERRE (p. 139.)

Robespierre ne fut pas davantage défendu aux Jacobins qu'à la Convention, et dans les séances qui suivirent le 9 thermidor ce ne furent que malédictions contre le tyran. On déclara non-avenues toutes les exclusions prononcées à l'instigation de Robespierre contre des citoyens qui n'avaient pu répondre aux accusations portées contre eux. Depuis six mois, dit Thirion, les droits sacrés de l'homme ont été ouvertement violés dans cette enceinte par le Catalina moderne. Peut-être se croira-t-on bien fondé à nous reprocher de ne nous être pas élevés contre l'oppression; mais qui blâma jamais Brutus d'avoir joué le rôle d'imbécile à la cour de Tarquin, en attendant le moment favorable de le frapper et de sauver la liberté de son pays? Qu'on sache que la Montagne a suivi le rôle de Brutus ! Il fallait, avant d'attaquer le tyran, donner au peuple le temps de s'apercevoir de la tyrannie, il fallait que les moins clairvoyants fussent éclairés sur sa perfidie. En un mot, nous n'avons point parlé quand le moment de se faire entendre n'était pas arrivé... Dès que le moment nous a favorisés, nous avons parlé; nous avons mieux fait encore, nous avons agi. D

Dans la séance du 18 thermidor, Lequinio, revenant à la charge, accuse Robespierre d'avoir opprimé la liberté de la presse, et d'avoir eu l'intention d'empêcher l'instruction, pour parvenir avec plus de facilité à la tyrannie; il instruit la société « que le traître Henriot, qui n'agissait que par les ordres de Robespierre, a proposé, dans une des sections de Paris, d'anéantir toutes les bibliothèques. >

FIN DES NOTES.

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