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pas de faire un procès d'après les règles ordinaires. Il faut, « d'après les principes, condamner Louis XVI sur-le-champ à mort en vertu d'une insurrection. >>

Séance du 28 décembre. - Discours de Robespierre contre l'appel au peuple. Il insiste de nouveau sur la nécessité de prendre une décision sans délai. Il déclare qu'il partage avec le plus faible toutes les affections particulières qui peuvent s'intéresser au sort de l'accusé : « Inexorable quand il s'agit de calculer, d'une manière abstraite, le degré de sévérité que la justice des lois doit déployer contre les ennemis de l'humanité, j'ai senti chanceler dans mon cœur la vertu républicaine en présence du coupable humilié devant la puissance souveraine. La haine des tyrans et l'amour de l'humanité ont une source commune dans le cœur de l'homme juste qui aime son pays. Mais, citoyens, la dernière preuve de dévouement que les représentants du peuple doivent à la patrie, c'est d'immoler ces premiers mouvements de la sensibilité naturelle au salut d'un grand peuple et de de l'humanité opprimée. Citoyens, la sensibilité qui sacrifie l'innocence au crime, est une sensibilité cruelle; la clémence qui compose avec la tyrannie, est barbare. Citoyens, c'est à l'intérêt suprême du salut public que je vous rappelle. Quel est le motif qui vous force à Vous occuper de Louis? ce n'est pas le désir d'une vengeance indigne de la nation; c'est la nécessité de cimenter la liberté et la tranquillité publique par la punition du tyran. Tout mode de le juger, tout système de lenteur qui compromet la tranquillité publique contrarie donc directement votre but; il vaudrait mieux que vous eussiez absolument oublié le soin de le punir que de faire de son procès une source de troubles et un commencement de guerre civile. Pour retarder votre jugement, on vous a parlé de l'honneur de la nation, de la dignité de l'Assemblée. L'honneur des nations, c'est de foudroyer les tyrans et de venger l'humanité avilie! La gloire de la Convention nationale

consiste à déployer un grand caractère, et à immoler les préjugés serviles aux principes salutaires de la raison et de la philosophie; elle consiste à sauver la patrie et à cimenter la liberté par un grand exemple donné à l'univers. Je vois sa dignité s'éclipser à mesure que nous oublions cette énergie des maximes républicaines, pour nous égarer dans un dédale de chicanes inutiles et ridicules, et que nos orateurs, à cette tribune, font faire à la nation un nouveau cours de monarchie. La postérité vous admirera ou vous méprisera selon le degré de vigueur que vous montrerez dans cette occasion; et cette vigueur sera la mesure aussi de l'audace ou de la souplesse des despotes étrangers avec vous: elle sera le gage de notre servitude ou de notre liberté, de notre prospérité ou de notre misère. Citoyens, la victoire décidera si vous êtes des rebelles ou les bienfaiteurs de l'humanité; et c'est la hauteur de votre caractère qui décidera la victoire.» « Oui, je le déclare hautement, poursuit Robespierre, je ne vois plus désormais dans le procès du tyran qu'un moyen de vous ramener au despotisme par l'anarchie! C'est pour cela qu'on veut changer toutes les assemblées de canton, toutes les sections des villes en autant de lices orageuses, où l'on combattra pour ou contre la personne de Louis, pour ou conire la royauté; ce projet ne tend qu'à détruire la Convention elle-même : on remettra en question, jusqu'à la proclamation de la république dont la cause se lie naturellement aux questions qui concernent le roi détrôné. C'est le moyen de provoquer la guerre civile.... C'est se jouer de la majesté du peuple souverain que de lui renvoyer une affaire qu'il vous a chargés de terminer promptement. Et de quel droit faites-vous l'injure au peuple de douter de son amour pour la liberté? » Puis Robespierre dénonce de nouveau qu'il existe un projet d'avilir la Convention et de la dissoudre : « Déjà, dit-il, pour éterniser la discorde et se rendre maître des délibérations, on a imaginé de distinguer l'Assemblée en majorité et minorité;

nouveau moyen d'outrager et de réduire au silence ceux qu'on désigne sous cette dernière dénomination. Je ne connais point ici ni minorité, ni majorité. La majorité est celle des bons citoyens; la majorité n'est point permanente, parce qu'elle n'appartient à aucun parti; elle se renouvelle à chaque délibération libre, parce qu'elle appartient à la cause publique et à l'éternelle raison; et quand l'Assemblée reconnaît une erreur, comme il arrive quelquefois, la minorité devient alors la majorité. La volonté générale ne se forme point dans les conciliabules ténébreux, ni autour des tables ministérielles. La minorité a partout un droit éternel, c'est celui de faire entendre la voix de la vérité ou de ce qu'elle regarde comme tel. La vertu fut toujours en minorité sur la terre. Sans cela, la terre serait-elle peuplée de tyrans et d'esclaves? Hampden et Sidney étaient de la minorité, car ils expirèrent sur un échafaud : les Critias, les Anitus, les César, les Clodius, étaient de la majorité; mais Socrate était de la minorité, car il avala la ciguë; Caton êtait de la minorité, car il déchira ses entrailles. Je connais ici beaucoup d'hommes qui serviront, s'il le faut, la liberté à la mode de Sidney et d'Hampden; et n'y en eût-il que cinquante, cette seule pensée doit faire frémir tous ces lâches intrigants qui veulent égarer la majorité. En attendant cette époque, je demande au moins la priorité pour le tyran. Unissons-nous pour sauver la patrie, et que cette délibération prenne enfin un caractère plus digne de nous et de la cause que nous défendons. Bannissons du moins tous ces déplorables incidents qui la déshonorent; ne mettons pas à nous persécuter plus de temps qu'il n'en faut pour juger Louis. » Robespierre termine son discours en demandant que la Convention déclare Louis coupable et digne de mort.

ANNÉE 1793.

Séance du 6 janvier 1. - L'ordre du jour appelle la discussion sur la proposition de supprimer la permanènce des sections de Paris. Barère, président, ayant mis aux voix si le ministre de l'intérieur serait entendu avant Robespierre, celui-ci s'écrie : « La liberté des opinions n'existe-t-elle donc que pour les calomniateurs et les ministres factieux ?» Une partie entière de l'Assemblée se soulève contre l'orateur, et demande qu'il soit censuré. On réclame d'un autre côté avec chaleur que Robespierre soit entendu. état d'agitation dure pendant plusieurs instants. « J'ai le droit de parler... Sans doute, je n'ai point comme tant d'autres un cœur vénal... (Violents murmures). Les cris des intrigants ne m'imposeront pas... (Le trouble s'accroît). »>-Les apostrophes les plus vives sont échangées entre les divers

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Cet

(1) Dans cette séance du 6 janvier fut lue à l'Assemblée un adresse du conseil général du département du Finistère demandant l'expulsion de Robespierre.

«

Représentants, nous voulons la république une et indivisible; nous voulons la liberté et l'égalité et le bonheur du peuple... Nous voulons l'ordre et la paix: nous voulons une représentation nationale permanente; mais nous la voulons pure, nous la voulons libre, puissante, respectée, grande comme la nation dont elle est l'interprète, capable surtout de s'élever au-dessus de tous les despotismes, et de faire taire les clameurs insolentes et séditieuses de ce ramas de factieux stipendiés par un parti secret, et peut-être par des despotes étrangers, pour troubler l'ordre de vos séances. Ce n'est pas assez, représentants, de contenir et de réprimer ces vils mercenaires, vos plus grands ennemis sont dans votre sein. Les Marat, les Robespierre, les Danton, les Chabot, les Bazire, les Merlin et leurs complices, voilà les ancarchistes, voilà les vrais contre-révolutionnaiA peu de temps de là, la société populaire d'Amiens envoya à la Convention une adresse conçue dans le même sens.

res... »

côtés de l'Assemblée. Les tribunes se lèvent, et mêlent leurs clameurs à celles de l'Assemblée. Le président se couvre. La parole est enfin assurée à Robespierre, qui réclame la permanence des sections. « Dans ce moment-ci, dit-il, les sections, le peuple entier qui ne peut point appartenir à une faction, quelque puissante qu'elle soit, peut seule garantir la tranquillité publique, et assurer le triomphe définitif de la Révolution. »

Séance du 16 janvier. - Vote motivé de Robespierre dans l'appel nominal sur la peine à infliger à Louis XVI.

Séance du 17 janvier. Il s'oppose à ce que l'on entende les défenseurs : « Les principes mêmes qui ont dicté votre. jugement, vous défendent d'entendre les défenseurs de Louis; vous ouvririez la porte à la réclamation d'une nouvelle procédure, vous ne devez permettre d'élever aucune question nouvelle. » Les défenseurs sont néanmoins entendus, et ils lisent une déclaration du roi qui déclare interjeter appel à la nation elle-même du jugement de ses représentants. Robespierre demande alors que la Convention déclare « que le prétendu appel qui vient de lui être signifié doit être rejeté comme contraire aux principes de l'autorité publique, aux droits de la nation, à l'autorité des représentants, et que l'on interdise à qui que ce soit d'y donner aucune suite, à peine d'être poursuivi comme perturbateur du repos public. »>

Séance du 18 janvier.

sursis.

- Il repousse pareillement tout

Séance du 21 janvier. Le jour même où Louis XVI fut exécuté, un ancien garde du corps, pour venger la royauté, frappa à mort Michel Lepelletier, un des membres de la Convention dont les opinions républicaines étaient le plus caractérisées. Robespierre, à la Convention, appuie la motion de Barrère d'accorder à Lepelletier les honneurs du Panthéon. Mais il repousse la proposition de Barère qui voulait que l'on punît de mort quiconque aurait caché l'assas

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