: des prix de l'Université qu'aux examens de philosophie et de droit : » Le bureau a unanimement accordé audit sieur de Robespierre une gratification de la somme de six cents livres, laquelle lui sera payée par M. le grand-maître des denierg du collége d'Arras, et ladite somme sera allouée à M. le grand-maitre dans son compte en rapportant expédition de la présente délibération, et la quittance dudit sieur de Robespierre. » Ses études terminées, Robespierre revint exercer ses fonc. tions d'avocat à Arras. Sa soeur Charlotte nous a laissé dans jes Mémoires (publiés en 1835 par Laponneraye) un tableau détaillé du genre de vie qu'il menait dès cette époque : vie réglée, sobre, toute d'études. Carnot était alors en garnison dans cette ville, avec le grade de capitaine du génie. Robespierre plaida pour lui, et il paraît avoir eu avec lui des relations suivies, quoique cela soit contesté par M. Carnot, dans ses Mémoires sur son père ". M. de Conzié, éveque d'Arras, fut si charmé des succès du jeune avocat, que, dès sa seconde année d'exercice, il le nomma juge à son tribunal civil et criminel 2. Dans cette position, il eut le courage de repousser, au nom des principes et de la souveraineté du peuple, dont on ne se souciait guère alors, les édits de Lamoignon, auxquels les tribunaux supérieurs n'opposaient que des formes. Cela résulte du moins des explications qu'il donna lui-même dans sa réponse aux discours de Brissot et de Guadet, pro 1. Voir à cet égard l'Histoire de Robespierre, par M. Ernest Hamel. t I. p. 28 et suiv. 2.M. Ernest Hamel a retrouvé et publié le texte même du brevet de nomination de Robespierre, qui est en date du 5 juillet 1783. Nous remarquons dans ce document que le nom est encore orthographié Derobespierre. Est-ce seulement lorsqu'il fut nommé à la Consutuante que Robespierre aurait eu l'idée de transformer en particule la première syllabe de son nom ? 10 noncée aux jacobins, le 27 avril 1792. Mais il ne conserva pas longtemps cette judicature. Sa seur Charlotte rapporte qu'ayant, un jour, été obligé de condamner à la peine de mort un assassin contre lequel s'élevaient les charges les plus accablantes, il fut obsédé comme d'un remords de l'iúée d'avoir ainsi disposé de la vie d'un de ses semblables. Il rentra chez lui le désespoir au cœur; et quand sa sœur entreprenait de le consoler, lui rappelant l'énormité du crime du condamné, il répétait toujours : « Sans doute, c'est un scélérat, mais faire mourir un homme! » Dès le lendemain, il envoya å l'évêque sa démission de juge, et rentra au barreau, où il s'était fait une position honorable quand la Révolution vint l’y chercher pour le lancer sur la scène politique. Robespierre partageait tout son temps entre le barreau et l'Académie d'Arras, dont il était un des membres les plus actifs. On a de lui un Éloge de Gresset", et un Eloge du président Dupaty. Il était aussi membre d'une société chantante, connue sous le nom de société des Rosati. Il avait, paraît-il, la versification facile, et, il écrivit tout un poëme sur le Mouchoir du Prédicateur qui souvent remplit en chaire un rôle fort important. On peut citer comme spécimen de son talent poëtique, le madrigal suivant, adresse à une dame d'Arras : Crois-moi, jeune et belle Ophélie, Garde toujours ta modestie. Sur le pouvoir de tes appas La lettre suivante, citée par M. Ernest Hamel, pourra donner une idée de la direction de son esprit, à cette époque : Mademoiselle, «. J'ai l'honneur de vous envoyer un mémoire dont l'objet est intéressant. On peut rendre aux Grâces mêmes de semblables hommages, lorsqu'à tous les agréments qui les accompagnent elles savent joindre le don de penser et de sentir et qu'elles sont également dignes de pleurer l'infortune et de donner le bonheur. « A propos d'un objet si sérieux, mademoiselle, me serat-il permis de parler de serins ? Sans doute, si ces serins sont intéressants; et comment ne le seraient-ils pas puisqu'ils viennent de vous ? Ils sont très-jolis; nous nous attendions qu'étant élevés par vous ils seraient encore les plus doux et les plus sociables de tous les serins : qu'elle fut notre surprise, lorsqu'en approchant de leur cage, nous les vimes se précipiter contre les barreaux avec une impétuosité qui faisait craindre pour leurs jours; et voilà le manége qu'ils recommencent toutes les fois qu'ils aperçoivent la main qui les nourrit. Quel plan d'éducation avezvous donc adopté pour eux, et d'où leur vient ce caractère sauvage? Est-ce que la colombe, que les Grâces élèvent pour le char de Vénus, montre ce naturel farouche? Un visage comme le vôtre n'a-t-il pas dû familiariser aisément vos serins avec les figures humaines? ou bien serait-ce qu'après l'avoir vu ils ne pourraient plus en supporter d'autres ? Expliquez-moi, je vous prie, ce phénomène. En attendant nous les trouverons toujours aimables avec leurs défauts. Ma sæur me charge en particulier de vous témoigner sa reconnaissance pour la bonté que vous avez eue de lui faire ce présent, et tous les autres sentiments que vous lui avez inspirés. » Je suis avec respect, mademoiselle, votre très-humble et très-obéissant serviteur. » « De ROBESPIERRE. » Arras, le 22 janvier 1782. » Il faut aussi mentionner, parmi les travaux antérieurs. de Robespierre, une dissertation sur les peines infamantes, composée pour prendre part à un concours ouvert sur cesujet par l'Académie de Metz. Robespierre n'obtint que le sem cond rang : le premier prix fut remporté par Lacretelle ainé, alors avocat au barreau de Paris '. Les aspirations démocratiques de Robespierre se font déjà sentar dans ce travail : il s'élève très vivement contre 1 Robespierre publia son mémoire sous ce titre : Discours couronné par la Société royale des arts et des sciences de Metz, sur les questions suivantes, proposées pour sujet du prix de l'anizée 1784 : 4° Quelle est l'origine de l'opinion qui étend sur tous les individus une même famille une partie de la honte attachée aux peines infamantes que subit un coupa ble ? 2° Cette opinion est-elle plus nuisible qu'utile? 3. Dans le cas où l'on se déciderait pour l'affirmative, quels secaient les moyens de parer aux inconvénient qui en résultent ? Par M. de Robespierre, avocat en Parlement. A Amsterdam, et se trouve à Paris, chez J.-G. Merigot jeune, Juai des Augustins, MDCCLXXXV, in-8° de 60 pages, avec cette épigraphe : Quod genus hoc hominum ? Quæve hunc tam barbara morem, VIRG. Æn. » le préjugé qui fait rejaillir sur les parents des criminels l'infamie attachée à leur supplice, et l'un des plus puissants moyens, suivant lui, d'avoir raison du préjugé qu'il combat, c'est d'établir l'égalité des peines pour tous les citoyens, de ne pas accorder le privilége d'un supplice spécial aux nobles, dont les crimes sont toujours moins excusables qre ceux de malheureux poussés au mal par la misère. L'infamie semblait dépendre de la forme du supplice ou du crime. Et en conséquence, le jeune orateur propose qu'on étende à tous les citoyens le genre de supplice réservé jusqu'ici aux seuls nobles, - c'est-à-dire l'échafaud, parcequ'il lui parait le plus doux, le plus humain et le plus équitable. Il ne va pas du reste jusqu'à l'abolition de la peine de mort. On peut citer un passage de ce discours où, après avoir flêtri le forfait de César s'asseyant victorieux sur le trône de l'univers, il le condamne à d'éternels remords pour avoir violé ce précepte : Ce qui n'est point honnête ne saurait être juste. « Cette maxime, vraie en morale, dit-il, ne l'est pas moins en politique, les hommes isolés et les hommes réunis en corps de nation sont également soumis à cette loi. La prospérité des États repose nécessairement sur la base immuable de l'ordre, de la justice et de la sagesse. Toute loi injuste, toute institution cruelle qui offense le droit naturel, contrarie ouvertement leur but, qui est la conservation des droits de l'homme, le bonheur et la tranouillité des citoyens. » L'année 1789 trouva Robespierre directeur de l'Académie d'Arras. Il entra résolument dans l'arène politique ouverte par la convocation des États généraux et il rédigea une Adresse à la nation artésienne sur la nécessité de réformer les États d'Artois. Il y avait, on le sait, dans les pays d'état une sorte de représentation. Mais la plupart du temps cette représentation était tout illusoire, les membres qui composaient les états n'ayant pas été librement élus |