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peut être absolument indispensable pour remplir son objet; remarquez surtout que de cela même que la loi est obligée de laisser plus de latitude à la volonté et à la conscience de l'homme qu'elle charge de veiller au maintien de la police, plus elle doit mettre de soin et de sollicitude dans le choix de ce magistrat, plus elle doit chercher toutes les présomptions morales et politiques qui garantissent l'impartialité, le respect pour les droits du citoyen, l'éloignement de toute espèce d'injustice, de violence et de despotisme. « Ce danger, ce malheur de perdre la liberté avant d'être convaincu, et quoique l'on soit innocent, dit le rapporteur des deux comités, est un droit que tout citoyen a remis à la société, c'est un sacrifice qu'il lui doit. » Mais c'est précisément par cette raison qu'il faut prendre toutes les précautions possibles pour s'assurer que ce sera l'intérêt généal, que ce sera le vœu et le besoin public, et non les ́passions particulières qui commanderont ces sacrifices et qui réclameront ce droit; c'est-à-dire, pour ne pas faire d'une institution faite pour maintenir la sûreté des citoyens le plus terrible fléau qui puisse la menacer. Si ces principes 30nt incontestables, mon opinion est déjà justifiée.

« J'en tire déjà la conséquence que des officiers militaires ne doivent pas être magistrats de police: ce n'est que sous le despotisme que des fonctions aussi disparates, que des pouvoirs aussi incompatibles peuvent être réunis, ou plutôt cette réunion monstrueuse serait elle-même le despotisme le plus violent, c'est-à-dire le despotisme militaire... Il est surtout une garantie qu'il n'est pas permis de négliger, ajoute Robespierre; c'est celle que vous avez vous même cherchée en exigeant que les fonctionnaires publics qui doivent décider des intérêts des citoyens soient nommés par le peuple. Quand les citoyens soumettent leur liberté aux soupçons, à la volonté d'un homme, la moindre condition qu'ils puissent mettre à ce sacrifice, c'est sans doute qu'ils choisiront eux-mêmes cet homme-là; or les

officiers de la maréchaussée ne sont pas choisis par le peuple... Je cherche en vain, je l'avoue, conclut l'orateur, en quoi l'ancien régime était plus vicieux que celui-là; je ne sais pas même s'il ne pourrait pas nous faire regretter jusqu'à la juridiction prévotale, moins odieuse sous beaucoup de rapports, et qui parut un monstre politique, précisément parce qu'elle remettait dans les mêmes mains une magistrature civile et le pouvoir militaire. »

ANNÉE 1791.

Séance du 4 janvier. - Dans la discussion sur l'organiation des jurés, il réclame l'admission des preuves écrites : il veut que les dépositions des témoins soient rédigées par écrit, afin d'être plus facilment pesées et discutées par les jurés : il lui paraît périlleux que ceux-ci puissent statuer sur le sort d'un accusé d'après les traces fugitives que de simples déclarations verbales peuvent laisser dans leur esprit.

Séance du 13 janvier.

Il réclame la liberté des théâes. Rien ne doit porter atteinte à la liberté des théâtres... Ce n'est pas assez que beaucoup de citoyens puissent élever des théâtres, il ne faut point qu'ils soient soumis à une inspection arbitraire. L'opinion publique est seule juge de ce qui est conforme au bien. Je ne veux donc pas que par une disposition vague on donne à un officier municipal le droit d'adopter ou de rejeter tout ce qui pourrait lui plaire ou lui déplaire par là on favorise les intérêts particuliers et non les mœurs publiques '. »

1. Robespierre devait plus tard se départir de ses opinions absolues sur la liberté des théâtres, aussi bien que sur la liberté de la presse. Dans l'un de ses discours à la Convention contre les Girondins, il leur reproche « d'avoir fait ordonner par un décret la représentation d'une pièce aristocratique (l'Ami des lois), qui avait déjà fait couler le sang, et que la sagesse des magistrats du peuple avait interdite.

Séance du 2 février.

Il insiste pour qu'aucune con

damnation ne puisse être prononcée que par l'unanimité des

jurés.

Séance du 5 février. Il veut que tout citoyen puisse être juré, et il renouvelle à cette occasion ses protestations contre les distinctions funestes de citoyens actifs et de citoyens passifs qui rendent, pour ainsi dire, étrangère à la patrie une partie de la population.

Séance du 28 février. Il s'oppose à la loi contre les émigrations, mais il ne veut pas qu'on la repousse par la question préalable: il faut, par de solennels débats, constater l'impossibilité ou les dangers d'une telle loi afin que l'on ne croie pas que la question ait été écartée pour d'autres motifs que ceux de la raison et de l'intérêt public.

Il s'oppose très-vivement, dans la même séance, à ce que dans la déclaration des principes constitutionnels, il soit dit que « toute invitation faite au peuple pour l'exciter à désobéir à la loi est un crime contre la constitution. >> «< Ne voit-on pas, dit-il, qu'une pareille loi serait destructive de la liberté? Ne voyons-nous pas que des juges prévenus, partiaux, pourraient facilement trouver dans les expressions de cette loi les moyens d'opprimer un écrivain patriote et courageux? Vous avez fait, lui dirait-on, une déclaration si véhémente contre la loi, vous avez fait des réflexions si amères qu'elles ont dû naturellement exciter à la révolte. Vous voyez que, par cette loi, vous ouvrez la porte à l'arbitraire, que vous préparez la destruction de la liberté de la presse. »

Séance du 5 mars. Il s'oppose à la loi qui mettait les corps administratifs inférieurs sous la dépendance des directoires de département, et qui soumettait les décisions des directoires de département à l'approbation du roi : « Le comité vous propose d'annuler les corps administratifs inférieurs pour les mettre dans une dépendance passive et absolue... Je dis qu'on ne propose de mettre les corps ad

ministratifs inférieurs dans la dépendance absolue des directoires de département que pour mettre ensuits ceux-ci sous la dépendance du ministre. >>

Séance du 7 mars.
Séance du 9 mars.

Il parle contre la tontine La Farge.

Il demande que les administrateurs du trésor public soient nommés par la nation, ou par ses représentants, mais non par le roi.

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Séance du 19 mars. A propos de troubles survenus à Douai et provoqués, disait-on, par des prêtres réactionnaires, un membre réclamait un décret portant des peines spéciales contre les ecclésiastiques qui soit par leurs discours, soit par leurs écrits, exciteraient le peuple à la révolte. Robespierre combattit très-vivement cette dernière proposition: « Des considérations particulières, » dit-il, « ne doivent jamais l'emporter sur les principes de la justice et de la liberté. Un ecclésiastique est un citoyen, et aucun citoyen ne peut être soumis à des peines pour ses discours; il est absurde de faire une loi uniquement dirigée contre les discours des ecclésiastiques. »

Séance du 3 avril. Il appuie « de tout son pouvoir et de toute sa sensibilité » la pétition du département de Paris sur les honneurs funèbres à rendre à Mirabeau et sur le dépôt de son corps au Panthéon dont la nouvelle destination devait être ainsi inaugurée : « Ce n'est pas au moment où les regrets qu'excite la perte d'un homme illustre sont les plus vifs, ce n'est pas lorsqu'il s'agit d'un homme qui, dans les moments critiques de la Révolution, a opposé la plus grande force au despotisme, qu'il faut se montrer difficile sur les moyens de l'honorer et arrêter l'effusion du sentiment qu'excite une fête aussi intéressante1.>>

1. Il faut observer que Robespierre s'était à peu près constamment montré d'accord avec Mirabeau, et que personne n'avait plus fait que Mirabeau pour mettre en lumière les débuts de Robespierre. Le Courrier de Provence notamment signale et appuie chaleureusement

Séance du 5 avril.

Robespierre soutient contre les

partisans de l'ancien régime, l'opinion posthume de Mirabeau sur le droit de tester, lue à l'Assemblée par M. de Talleyrand-Périgord.

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Séances du 6 au 13 avril. Discussion sur l'organisation ministérielle. Robespierre proteste contre le caractère du projet présenté « qui est d'anéantir la liberté et les principes constitutionnels, en donnant aux ministres un pouvoir immense. » Il fait la motion qu'aucun membre de

es discours, à un moment où il était fort peu connu. M. Hamel, dans son Histoire de Robespierre, s'efforce d'établir entre ces deux hommes des dissentiments qui tendraient à faire ressortir la supériorité du patriotisme de Robespierre: mais en réalité Robespierre fut d'accord avec Mirabeau sur toutes les questions les plus délicates, notamment sur la loi d'émigration, et il est assez curieux d'observer qu'il se montra, en quelques circonstances, plus modéré que lui: en repoussant des rigueurs spéciales contre le prince de Condé et contre les états du Cambrésis. Quant au dissentiment qui exista entre eux sur la loi martiale, il est plus apparent que réel, et il suffit de se reporter au texte des discours que l'un et l'autre prononçèrent à cette occasion pour s'assurer qu'ils tinrent à peu près le même langage. Si sur la question constitutionnelle de la sanction royale, ils soutinrent en théorie deux opinions opposées, ils se trouvèrent parfaitement d'accord, dans l'application, à quelques jours de là dans la Séance du 5 octobre pour combattre les raisons dilatoires par lesquelles le roi voulait entraver la constitution. Enfin nous allons le voir appuyer l'opinion posthume de Mirabeau sur le droit de tester. La vérité est qu'à cette époque Robespierre, qui était ouvertement monarchiste et qui devait jusqu'au dernier moment repousser les idées républicaines comme des innovations dangereuses, suivait une politique identique à celle que conserva toujours Mirabeau, et pour le radicalisme des principes, était beaucoup moins avancé que lui, quoique dès cette époque il se montre plus avide de popularité. Quant au mot que l'on prête à Mirabeau sur Robespierre: « Cet homme ira loin, il croit tout ce qu'il dit, rien ne prouve qu'il soit beaucoup plus authentique que tous les concetti de cette nature communément en circulation.

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